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Pourtant, nous le savons assurément : une certaine France porte une part de responsabilité dans le génocide de 1994. J’écris « une certaine France » parce que, de 90 à 94, les décisions ont été secrètes et le fait de quelques-uns seulement, au plus haut niveau de notre appareil d’État. Jamais le parlement, et encore moins l’ensemble des Français n’ont pris part aux décisions. Comme l’évoque justement Patrick de Saint-Exupéry : « la France » n’a jamais été tenue au courant. Dès lors, « la France », c’est-à-dire nous, aurions tort de nous laisser enfermer dans la rhétorique de ceux qui voudraient nous utiliser pour fuir leurs responsabilités. Je veux notamment parler d’Alain Juppé, qui hier est parvenu à convaincre l’Élysée que « l’honneur de la France devait être défendu », alors que c’est bien de sa responsabilité seulement dont il s’agissait, lui qui était Ministre des Affaires étrangères de mars 1993 à mai 1995, et qui dans le plus grand secret, sans jamais en aviser le parlement, a conduit la politique étrangère française au Rwanda. C’est cette « certaine France », composée d’un cercle restreint de militaires et de politiques de premier plan, qui porte une responsabilité indirecte au moins, puisque c’est notamment sous ses ordres que la France a formé pendant 4 ans les militaires des forces armées rwandaises qui deviendront d’avril à juin 1994, l’une des principales forces d’exécution du génocide.
Et que dire des propos de rescapés recueillis pendant le voyage au Rwanda qu’avec des camarades de l’UEJF nous avions entrepris en 2006, et auquel participait d’ailleurs Christiane Taubira, l’actuelle Ministre de la Justice empêchée in extremis de se rendre à Kigali ? Nous avons entendu trop de témoignages accablants, pour penser qu’ils ne sont qu’affabulations. Trop souvent des rescapés nous ont parlé de Français en uniforme se tenant aux côtés des génocidaires aux barrages routiers, barrages qui signifiaient la mort immédiate pour des milliers de malheureux. Et que dire de la tragédie de Bisesero, là où l’armée française témoin de la situation d’urgence dans laquelle se trouvait une poignée de rescapés a quitté les lieux, laissant les génocidaires terminer leur œuvre de destruction ? Que dire des récits de nivellement par des militaires français de fosses communes sur la colline de Murambi ? À Murambi, nous pensons qu’il y eut 45 000 victimes en trois jours à peine… Lire la suite.