Tribune
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Publié le 8 Mars 2012

Tunisie : L’islamisation de la société inquiète (Deuxième Partie)

Par Amilcar

 

Le débat sur la place de la religion dans la nouvelle constitution  a surgi dès les premières séances de travail des commissions de l'Assemblée constituante et certains députés proposent d'y inscrire la Chariàa et d'affirmer le caractère islamique de l'Etat.

 

Habib Kehder, rapporteur au sein de la commission chargée de la Constitution, annonce la couleur du projet de constitution élaboré par le parti islamiste « Ennahdha » et  déclare sans détours que la Chariàa (la loi islamique) a été une source d’inspiration pour le projet constitutionnel.

 

En effet,  dans ce projet officieux, l’article 10 attire l’attention. Celui-ci stipule que «la chariâa islamique est une source essentielle pour l’élaboration des lois». Questionné à ce sujet, Habib Khedher affirme que cet article fera probablement partie du projet de constitution final proposé par Ennahdha.

 

Sadok Chourou, considéré comme l'un des plus fondamentalistes du parti islamiste Ennahdha, et membre de la commission chargée de l’élaboration du préambule de la constitution a d'emblée déclaré : « Le Préambule doit mentionner la Chariàa comme la principale source du droit. ».

 

 Le même Sadok Chourou a  précisé lors d'une interview :« Les législateurs devront se référer à trois piliers essentiels : le Coran, la Sunna et un conseil d'oulémas (savants religieux), dont le rôle sera de trancher sur les points de la charia sujets à différentes interprétations ou qui ne trouvent pas une réponse claire dans le Coran ou la Sunna. La religion d'Etat est l'islam, et considérant que le peuple tunisien est musulman, il ne verra aucun inconvénient à ce que la Chariàa soit appliquée.  »

 

Quant à Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, il n’a pas hésité à suggérer  l'ajout d’ un article à la Constitution pour interdire la promulgation de lois qui constitueraient une offense à l'islam.

 

Le mardi28 Février, et  lors d'une séance plénière,  le  chef du groupe parlementaire Ennahdha, Sahbi Atig, a ben précisé qu’il n’est plus question d’évoquer la question de la séparation du politique et du religieux au sein de la constitution. Selon lui, «  La nouvelle Constitution doit être basée sur les principes de l'islam. Tous ceux qui veulent séparer la politique de l'islam portent atteinte à la structure de la pensée islamique. L'islam est l'élément essentiel de la personnalité du Tunisien. La Constitution doit renforcer cette identité islamique. »

 

Cependant cette mouvance islamiste à l'intérieur de la Constituante va au-delà des 89 élus d’Ennahdha. Certains groupes parlementaires comme le groupe de la Pétition Populaire (11 élus) ou le groupe de la liberté et la  dignité (12 élus) ont explicitement mentionné à plusieurs reprises   la Chariàa comme source de droit.

 

Plus bizarre était l’attitude du parti patriotique libre (UPL) présidé par le milliardaire Slim Rièhi, et qui prône pour un libéralisme économique et  politique, mais qui s’est prononcé favorable pour l’adoption de la Chariàa comme source principale de législation.

 

Ce qui inquiète plus c’est en fait l’article 126 du projet de constitution élaboré par le parti islamiste, qui prévoit la création d’un conseil suprême islamique, autorité constitutionnelle totalement indépendante apte à émettre des fatwas (avis religieux) selon la loi islamique.

 

Ces fatwas auront bien sur, puisqu’ils sont l’interprétation du texte religieux, une force supérieure à la loi, voire aux conventions internationales ratifiées par la Tunisie et même supérieure à la loi constitutionnelle.

 

Ce conseil suprême islamique nous rappelle l’institution du guide suprême de la révolution à la République islamique Iranienne, qui pourrait s’opposer à tout projet de loi ou à la ratification de  toute convention internationale qu’il juge non conforme avec le texte religieux.

 

La non candidature de Rached Ghannouchi à un  poste gouvernemental ne serait –elle pas une  phase de préparation  pour   sa nomination à la tête de ce conseil suprême pour qu’il redevienne notre sacré guide de la révolution tunisienne  comme il a toujours rêvé d’être ? Wait and see.

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