Tribune
|
Publié le 25 Janvier 2013

Twitter est sommé de révéler l’identité des auteurs de tweets antisémites

Par Marc Knobel, Président de J’Accuse et chercheur au CRIF

 

La décision du Tribunal de Grande Instance de Paris vient de tomber : Twitter va devoir communiquer l’identité de certains de ses utilisateurs, accusés d’avoir publié des messages considérés comme racistes et antisémites. Retour sur cette affaire. Octobre 2012 : diffusion de tweets antisémites reprenant les mots-clés #unbonjuif et  #unjuifmort. En moins de 15 mots, des internautes - qui profitent de l’anonymat de l’Internet - se lâchent, s’abreuvent, s’excitent les uns et les autres, se surpassent dans la débilité,  la méchanceté et l’antisémitisme crasse. 

Exemples ?

-« À B D E L ‏@AbdelDouble : #UnBonJuif < === Ce hashtag pue l'antisémitisme ! À moins que ce soit l'odeur du gaz. »

-« Mamadou Lepen ^_^ @BlaackMajor #UnBonJuif doit être cuit à point. »

 -« @Usama_BenLadeen#UnBonJuif est un juif mort. »

 

Le 18 octobre, un rendez-vous téléphonique est organisé entre San Francisco et Paris, avec l’avocat de l’UEJF et de l’association J’accuse, Maître Stéphane Lilti et le directeur des affaires publiques de Twitter en Europe, basé à Dublin, mais actuellement à San Francisco. Tweeter explique qu’elle a un protocole et qu’elle retirerait éventuellement un contenu sur demande de la police française ET injonction d’un juge américain. Cependant, le microblogging enlève les tweets litigieux, mais refuse de communiquer l'identité des auteurs des tweets. Par ailleurs, Twitter fait encore parler d'elle, avec d'autres tweets sous les mots clés #unbonnoir et, début janvier, #siJetaisNazi.

 

Finalement, l’UEJF et J’ACCUSE puis la LICRA et SOS Racisme assignent en référé le réseau social américain. Lors de la procédure, les demanderesses font savoir que la société de droit américain Twitter ne saurait se soustraire au respect de lois de police et de sûreté applicables à l’activité qu’elle déploie en France : l’exploitation du service de communication qu’elle édite et accessoirement le stockage de messages fournis par les destinataires de ces services. Elles précisent que la plateforme française de Twitter est destinée à SON public exclusivement français, comme en témoignent la langue utilisée et le choix des rubriques. D’autre part, Twitter recourt à des moyens de traitements matériels et immatériels situés sur le territoire français, à savoir sa filiale française, les P.C. des utilisateurs de ses services et les logiciels qui s’y trouvent implantés, permettant et organisant la collecte et le transfert des données.

 

Le 24 janvier 2013, le Tribunal de grande instance de Paris demande au réseau social Twitter de communiquer aux autorités compétentes les données permettant d'identifier les auteurs de tweets antisémites. Par ailleurs, le TGI lui ordonne de mettre en place dans le cadre de la plate-forme française du service Twitter un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à sa connaissance des contenus illicites tombant sous le coup de l’apologie des crimes contre l’Humanité et de l’incitation à la haine raciale. Twitter a désormais 15 jours, après signification de l’ordonnance, pour exécuter la demande du juge, faute de quoi la compagnie sera soumise au paiement d’une astreinte de 1 000 euros par jour.

 

« Il s’agit d’une excellente décision […] qui proscrira à l’avenir, nous l’espérons, le sentiment d’impunité qui fait le lit de toutes les dérives », dit à la presse Me Stéphane Lilti. La Licra a salué, quand à elle « une avancée décisive dans le combat contre les infractions racistes, antisémites et homophobes sur Internet ». « Pleinement satisfait » de l’ordonnance rendue aujourd'hui par le TGI, le président de l’UEJF déclare pour sa part qu’il s’agit là d’un « pas historique pour l’ensemble du combat contre le racisme et l’antisémitisme ». Mais, « Si Twitter ne défère pas à ses obligations, nous devrons passer à l’étape suivante, préviennent Jonathan Hayoun et Marc Knobel. C’est-à-dire traduire en justice le président de Twitter afin d’engager sa responsabilité pénale pour non-respect d’une décision de justice.