Tribune
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Publié le 4 Décembre 2012

Vandalisme antisémite à Sfax (Tunisie), contre deux synagogues

Décidément la Tunisie n'en finit pas de plonger dans une spirale intolérante, menaçante pour ses minorités et qui ne ressemble pas à l'image que nous voulons en conserver, malgré tant de déceptions depuis près de deux ans ...

 

Je vous avais parlé du pillage et du saccage déjà constaté dans la grande synagogue Beth El de Sfax, à l'été 2011 juste après le Ramadan. Pour mémoire, ce splendide lieu de culte, inauguré à la veille de l'indépendance en 1955, avait été entièrement restauré en 2008 : des associations d'originaires y organisaient des pèlerinages jusqu'en 2010, date à laquelle fut aussi restaurée une synagogue plus petite, mais elle restée fermée, nommée "Edmond Azria". Seuls vivraient encore dans la ville une trentaine de juifs, presque tous très âgés et qui n'ont donc pas la force de surveiller ces bâtiments ou de porter plainte en cas de dégradations.

 

Des visiteurs originaires de Sfax et venus d'Israël, alertés des derniers saccages par des Musulmans amis, ont pu constater tout dernièrement que ces deux synagogues avaient fait l'objet de nouveaux actes de vandalisme, ceux-là clairement antisémites - ceux de 2011 l'étaient aussi puisque, comme on s'en souvient, des Sefer Torah avaient été dérobés et des plaques funéraires en argent volées ; mais il n'y avait pas eu alors de revendications affichées.

J'ai reçu donc de ces visiteurs cette série de photographies, véritable reportage à diffuser et alors que la presse tunisienne ignore complètement ce qui s'est passé.

 

Dans la synagogue Beth El, le Hekhal grand ouvert, portes saccagées avec les boitiers de Sefer Torah vidés des parchemins sacrés, probablement volés. Dans la même synagogue, le sol jonché de petits cailloux ayant servi à bombarder (de l'intérieur) les vitraux, régulièrement brisés par des "visiteurs" malveillants

 

Il existe aussi des photographies - hélas de mauvaise qualité et que je n'ai pas reprises - de troncs ouverts et vidés de leur contenu, la crapulerie rejoignant alors l'acte antisémite ; ainsi que de la plaque en marbre noir en l'honneur de Rabbi Meir Baal Haness, brisée par ces vandales.

 

Mais c'est se rendant dans la petite synagogue Edmond Azria que nos pèlerins venus d'Israël ont fait les constats les plus choquants.

 

Sur le portail, on distingue clairement une étoile de David et une inscription en arabe : le slogan "Filistin hourra" ("Palestine libre"), associant donc directement la cause palestinienne à une profanation raciste

 

Même slogan manuscrit, scotché à proximité d'une plaque en marbre brisée, immortalisant un des donateurs de cette synagogue, Monsieur Charles Saada

 

Enfin, et ce spectacle déchire le cœur, livres des prières jetés au sol au milieu de débris divers, comme une manifestation ultime du mépris des responsables du saccage, pour la religion de leurs compatriotes juifs

 

Certes, beaucoup de Tunisiens et nous n'en doutons pas, seront indignés et éprouveront de la honte en découvrant ces photos. Mais hélas, sur place, force est de constater que, totalement indifférents aux informations qui leur ont été données, les policiers ont refusé de faire un constat ou de protéger, même après coup, ces lieux de culte.

 

Au-delà de leur propre démotivation, au-delà de la désorganisation des forces de l'ordre dans le pays, il est de la responsabilité première des Autorités du pays de garantir la protection de chaque religion, fut-elle extrêmement minoritaire : et clairement, le gouvernement Ennahda ne remplit pas ses responsabilités.

 

Jean Corcos