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Publié le 22 Juillet 2014

Attaques antisémites : l'appel au calme de Cukierman et Chalghoumi

Propos recueillis par Vincent Mongaillard et Philippe Martinat, publié dans le Parisien le 21 juillet 2014

Roger Cukierman et Hicham Chalghoumi lancent un appel au calme, après les émeutes de ce week-end en marge de manifestations pro-palestiniennes. Réunis par Le Parisien - Aujourd'hui en France, le Président du CRIF et l'imam médiatique de Drancy, appellent à un dialogue entre communautés apaisé, loin du conflit israélo-palestinien.

Quel regard portez-vous sur les violences commises encore ce week-end ?

Roger Cukierman : Pour moi cela a été un choc parce que les Juifs sont en France depuis des centaines d’années, ils ont contribué à la grandeur du pays. Et voici que des énergumènes nous disent «vous n’avez pas de place dans ce pays». On attente non seulement à notre statut de Juif mais aussi contre notre religion sous un mauvais prétexte, celui de la guerre entre Israël et la Palestine. C’est un mauvais prétexte car ce conflit est le seul qui provoque des manifestations parmi les jeunes musulmans. Je n’en ai vu aucun protester devant l’ambassade de Syrie contre les 170 000 morts dans ce pays. Le détournement de l’antisionnisme vers l’antisémitisme se traduit par le fait qu’on passe de «Mort à Israël» à «Mort aux Juifs».

Hassen Chalghoumi : Je m’attendais hélas à des dérapages, vu ce qui se passait déjà sur les réseaux sociaux. Mais les petits groupes qui sont venus à Barbès dans le but de créer des violences sont une toute petite minorité. Ils ont sali la cause palestinienne qui est une cause noble et juste. On a le droit de protester et de réclamer un cessez-le-feu, mais pas d’attaquer des centres commerciaux. Pour moi cela n’a rien à voir avec la cause palestinienne, ce sont des voyous. Les quatre ou cinq millions de Musulmans français n’ont rien à voir avec la quarantaine d’individus interpellés par la police. Il est urgent que tout le monde appelle au calme car la situation est en train de dégénérer. Nous sommes dans le mois du Ramadan. Normalement je devrais être dans ma mosquée, c’est le moment d’être avec Dieu. Mais quand j’ai vu le silence de beaucoup, je me suis dit que mon devoir était de réagir. J’aimerais que le recteur de la mosquée de Paris (Dalil Boubakeur, ndlr) parle plus souvent et plus clairement, ainsi que d’autres responsables.

Roger Cukierman : Je voudrais ajouter que c’était particulièrement pénible de voir ce déchainement de violences le jour même de la commémoration de la rafle du Vel d’hiv. Je sais que l’immense majorité des musulmans ne partagent pas les violences qui se sont manifestées. Je rappelle que Mohammed Merah, avant de tuer les enfants Juifs de Toulouse, avait assassiné deux soldats français dont il connaissait parfaitement l’origine maghrébine. C’est très grave : ces jeunes fanatiques ne visent pas seulement les Juifs mais tous ceux qui ne partagent pas leurs idéaux religieux fanatiques. Ce sont des ennemis de la République et c’est comme cela qu’il faut les traiter.

Les autorités ont-elles eu raison d’interdire les manifestations?

Roger Cukierman : Je ne suis pas spécialiste des problèmes de sécurité, je fais confiance à la République. Et si les autorités de l’Etat estiment qu’elles peuvent mieux maîtriser les incidents en interdisant les rassemblements, c’est à elles d’apprécier. En tout cas, la première manifestation qui avait été autorisée a dégénéré et s’est traduite par des agressions. Je suis profondément choqué que parmi ceux qui ont appelé à manifester malgré l’interdiction, il y ait un parti politique qui s’appelle le NPA (Nouveau parti anticapitaliste, ndlr). Autrefois, c’était contre le capitalisme, aujourd’hui c’est pour l’antisionisme pour ne pas dire l’antisémitisme. Appeler à manifester malgré l’interdiction des pouvoirs publics, ça me paraît être un délit qui mérite une sanction.

Hassen Chalghoumi : La manifestation est un droit, un moyen de s’exprimer tant que c’est dans la tolérance et le respect. J’aimerais que ceux qui sont pour la paix marchent ensemble plutôt que d’être dans un camp ou un autre. L’interdiction appartient aux préfectures, aux responsables politiques, pas à nous. Sortir pour dire «mort aux Juifs», pour commettre des actes de haine, ce n’est pas soutenir la cause palestinienne ni sa religion.

La France est-elle antisémite ?

Roger Cukierman : Ma réponse est carrément non. Il y a une toute petite minorité d’antisémites qui se trouve à l’intérieur d’une communauté religieuse beaucoup plus large.

Hassen Chalghoumi : La France n’est ni raciste ni antisémite mais c’est vrai qu’il y a du racisme et de l’antisémitisme en France.

Roger Cukierman : Ayant dit que la France n’était pas antisémite, j’aimerais beaucoup que la population française dans son ensemble s’exprime plus fermement pour dénoncer l’antisémitisme…

Roger Cukierman, quel message voulez-vous adresser à la communauté musulmane ?

Roger Cukierman : On a le droit de ne pas être d’accord sur le conflit du Proche-Orient mais on peut en débattre. On ne doit jamais transformer les différences d’opinion en actes de violence. Nous ne l’avons jamais fait, nous ne le ferons jamais. Et nous souhaitons que l’autre partie fasse de même. C’est la condition du vivre-ensemble, qui implique qu’on puisse avoir des différences mais qu’on se reconnaisse sur l’essentiel. L’essentiel, c’est le respect de l’autre, de la laïcité, de la liberté d’expression et de culte...

Et vous, Hassen Chalghoumi, votre message à la communauté juive ?

Hassen Chalghoumi : C’est un appel rassurant que je veux lui envoyer parce qu’elle est très inquiète. Je lui demande de ne pas perdre espoir en la majorité de la communauté musulmane. Il faut qu’elle vienne dialoguer avec nous malgré les tensions, qu’elle vienne frapper à notre porte, qu’elle n’ait pas peur. Le Rabbin peut discuter avec l’imam. Nous sommes une même famille, nous sommes des compatriotes, nous vivons ensemble. C’est à nous d’exporter l’amitié en Israël et en Palestine. On peut être pro-israélien ou pro-palestinien, cela n’empêche pas de respecter l’autre. J’appelle au dialogue car s’il n’y a plus de dialogue, il n’y a plus d’espoir.

Roger Cukierman : Bien sûr que nous appelons au dialogue, c’est ce que nous faisons !… Lire l’intégralité.

Source : http://www.leparisien.fr/societe/tensions-inter-communautaires-l-appel-au-calme-de-cukierman-et-chalghoumi-21-07-2014-4017635.php

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