Tribune
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Publié le 31 Juillet 2014

La cécité de l'Occident devant le désastre arabe et islamiste

Par Jacques Tarnero, Essayiste, publié dans le Huffington Post le 31 juillet 2014

L'espace arabe est dans le chaos, mais a fait de la Palestine son drapeau.

Que le Hamas soit le drapeau de la Palestine constitue un désastre complémentaire.

Que l'islamisme soit le moteur idéologique de l'espace arabo-musulman est un autre désastre et une menace pour tous.

Que des forces de gauche soutiennent une Palestine prise en otage par le Hamas est un naufrage intellectuel et politique.

Ce constat est terrible et mérite d'être regardé en face.

De l'océan Atlantique aux rivages de la Chine, les islamistes n'instaurent que fureur, chaos et délires. Au sud du Sahel, cette même fureur sème la terreur au Mali, au Niger. Des centaines de jeunes filles ont été kidnappées au Nord du Nigéria, coupables de vouloir aller à l'école. Un nouveau Calife délirant menace la Mésopotamie et le grotesque dispute à l'épouvante la scène de cette tragédie antique. En Afghanistan, les talibans attendent leur heure. Pour le moment ils assassinent les jeunes filles qui elles aussi, osent aller à l'école. En Iran les mollahs font tourner les centrifugeuses pour préparer leur bombe atomique. Dans le même temps, ils pendent les homosexuels. En Arabie saoudite on coupe, au sabre et en public, la tête de ceux qui contreviennent à la charia. Dans les Émirats, en Jordanie, en Afghanistan on lapide la femme adultère ou bien la jeune fille violée. L'honneur des tribus ne saurait souffrir une quelconque atteinte. Dans les pays du Golfe, on construit des tours de 800 mètres de haut pour atteindre le paradis et des pistes de ski sous cloche réfrigérée et au Qatar, notre ami le Qatar, des esclaves asiatiques y construisent des stades climatisés pour préparer la coupe du monde football de 2022. Les États inventés par les Européens au Proche-Orient, après 1918, se décomposent sous nos yeux. L'Irak, la Syrie, la Libye, le Liban, disparaissent en tant qu'États-nations. Les frontières inventées par la colonisation au sud du Sahel fondent de la même manière au profit des Boko Aram et autres salafistes, jihadistes, islamistes. Le port du voile étant devenu quasiment obligatoire dans certaines banlieues de France, des municipalités de gauche de gauche ont décidé d'honorer quelques terroristes islamistes pour faire bonne figure et s'assurer une clientèle électorale. Dans le même temps, c'est Israël qui est conspué.

S'agit-il d'une caricature inspirée par une islamophobie de mauvais goût? Des "chariaologues" inspirés viennent à la télévision dire que tout cela n'est pas inquiétant et que c'est la présence d'Israël qui a perturbé l'équilibre ancien. De ce jeu planétaire, l'Occident s'en accommodait et rapportait beaucoup de pétrodollars à certains. La décomposition de l'Union Soviétique a bouleversé la donne ancienne. Après avoir espéré la paix universelle dans une mythique "fin de l'histoire", voilà que c'est le "choc des civilisations" qui désormais se profile à l'horizon et c'est tant pis pour tous ceux qui avaient vu dans les "printemps arabes", l'aube d'un nouvel avenir radieux. Hélas, pour les illusions de tous, c'est l'hiver islamiste qui succéda au printemps, mais le déni idéologique du réel est tel, chez certains, en particulier à gauche, que la raison de ce désastre porte le nom d'Israël. Incapable de penser cette exception, ce nom est devenu un nom de trop.

La grille de lecture du monde est longtemps restée de nature économique, nourrie de rapports de force entre blocs d'intérêts et puis voilà qu'à une planétaire lutte des classes succède la lutte des tribus, des ethnies et des religions. L'anthropologie est nécessaire pour comprendre la décomposition libyenne, celle de la Syrie ou celle de l'Irak. On n'ose formuler une hypothèse: et si le désastre arabe était désastreux d'abord parce qu'il est islamiste? N'y aurait-il pas un fondement d'un évident bon sens à cette crainte actuelle de l'islam? Ne correspond-elle pas à une réaction, face aux bienfaits de l'islamisme dans le monde contemporain? Bien sûr, il ne faut pas jeter le bébé d'Averroès ou d'Ibn Khaldoun avec l'eau du bain du Calife, mais tout de même n'y a-t-il pas un problème avec cet islam proliférant devenu fou, furieux, intolérant? Pourquoi est-il incapable de se réformer, de se penser? Pourquoi ne lit-on jamais ou très rarement des pétitions d'intellectuels d'origine arabomusulmane pour crier: "Pas en notre nom! Pas au nom de l'islam!" Quelle est cette incapacité arabe à porter un regard critique sur ce que des Arabes ont fait de l'histoire arabe? Le texte sacré coranique aurait été écrit par Allah lui même et serait donc intouchable. Respectons la foi qui inspire la transcendance, mais cela interdit-il de penser à côté? Pourquoi le goulag islamique garrote-t-il les esprits jusqu'en Europe, jusqu'à Sarcelles? Il y a quelque chose d'énigmatique dans cette fossilisation.

Que signifie cette haine pavlovienne d'Israël? Qu'est ce que représente Israël dans l'imaginaire arabe? Israël humilierait les Arabes par sa seule existence? Ne serait-ce pas plutôt le désastre islamiste qui devrait humilier les Arabes? Israël représente le reflet renversé de ce désastre. Regardons une carte. Voilà un pays pas plus grand qu'un confetti qui dame le pion à la moitié de deux continents et à six cent millions d'individus. Dans le même temps, ces six cents millions d'individus traduisent en arabe moins de livres étrangers que n'en traduit la Belgique (rapport du PNUD 1998). Effectivement il y a de quoi être vexé par ce reflet renversé, mais au lieu de relever le défi c'est le porteur du défi qu'il faut anéantir comme s'il avait d'abord et avant tout, dans cet espace de personnes moustachues et/ou barbues, attenté à la virilité arabe humiliée dans ses défaites militaires face à Israël. Est-ce cela la source du malheur arabe? Celui qui enveloppe la femme et la dissimule au regard, au nom de l'islam et de la charia, voit-il dans cet Israël démoniaque la représentation de ses frustrations?

On est porté à penser que le cœur du décalage culturel entre islam et Occident est de cet ordre. Dès lors, les esprits éclairés, ceux inspirés par les Lumières, devraient combattre cet obscurantisme régressif. L'idéal d'autonomie, celui de liberté des individus, devrait regarder avec effroi ces sociétés d'enfermement où l'individu n'existe pas. Ce regard lucide, les intellectuels d'Occident l'ont déjà porté sur ces mondes totalitaires qui déjà faisaient de la figure juive l'objet repoussoir. Arthur Koestler, Georges Orwell, Simon Leys, Albert Camus avaient saisi avant tout le monde ce qui du communisme partageait avec le fascisme la haine de la liberté. Avec délectation et aveuglement, déjà, d'autres intellectuels pensaient le communisme juste parce que théoriquement fondé. Au diable la vérité ou la liberté puisque le concept permettait d'élaborer des équations justes. Cet amour erroné de modèles théoriques tordus fonctionne toujours de nos jours: à partir d'une lecture économique fondée (misère des peuples), mais erronée (richesse des potentats, corruption des dirigeants), certains voient dans l'affrontement entre la Palestine et Israël, l'affrontement d'un Sud pauvre contre une puissance coloniale. L'argent que notre ami le Qatar investit dans ses stades réfrigérés aurait de quoi faire vivre dix Palestine.

Que signifie la haine du Juif inculquée depuis l'enfance sinon inventer un objet repoussoir qui interdit de penser sa propre condition. Pourquoi est-ce ici, en France, à Trappes, à Sarcelles ou rue de la Roquette que quelques illuminés se sont battus aux cris de "Allah Akbar!" ("Dieu est grand!")? Quand les islamistes découpent au couteau la tête d'un ennemi, d'un mécréant, d'un Croisé ou d'un Juif, c'est aux cris de "Allah Akbar!" que ce malheureux est égorgé. La décapitation de Daniel Pearl en fut le premier exemple. Il faut regarder ces images atroces diffusées à profusion sur Internet par les auteurs de ces gestes pour prendre la mesure de ce que ces gestes symbolisent. La culture du martyr, la glorification de la bombe humaine (faussement qualifiée "d'attentat suicide" par les médias occidentaux) est l'autre face (sanglante) de ce rapport au monde… Lire la suite.

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