Tribune
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Publié le 24 Juillet 2014

Les principes contre le manichéisme

Par Julien Dray, Conseiller régional PS d'Île de France, ancien député de l'Essonne, publié dans le Huffington Post le 24 juillet 2014

Il fut une époque où nous défilions au cri de "La guerre, ça pue, ça pollue et ça rend con". Ce pacifisme de principe, s'il n'était pas dénué d'une certaine candeur face aux soubresauts du monde, ne me semble pas la pire des positions.

Au contraire, les années passant, je continue de me revendiquer de cet héritage, sans le confondre d'ailleurs avec le règne de l'émotion et je lui fais rejoindre une autre tradition, celle de la République qui, ici ou dans le monde, signifie un combat pour des principes fermes et pour l'émancipation de l'humanité. Il ne s'agit pas de vains mots mais d'un fil conducteur. C'est l'esprit de la République qu'il faut faire souffler.

Tordons d'abord le cou à une expression mal pensée et mal choisie: la "position d'équilibre". Donner alternativement satisfaction aux uns puis aux autres, soupeser chaque déclaration pour concéder le même nombre de mots à l'autre camp, s'ingénier, au final, à entrer dans de macabres comptabilités. Le conflit qui se déroule entre Israël et Palestine appelle à contrario à la prudence et à la défense de fermes principes, seuls utiles aux peuples protagonistes de ce conflit. Car, depuis quelques jours ou semaines, on ne peut dire que la raison l'emporte. Le déferlement de positions radicales, d'imprécisions dans des raisonnements qui n'en sont que davantage faussés devient insupportables. Ce qu'on lit sur les réseaux sociaux, par exemple, permet de constater que les amalgames et caricatures sont légion.

Il faut revenir aux principes, ceux de la France républicaine, principes défendus au cours des années 1980 et 90 par François Mitterrand. Au fil des années, cette politique n'a pas varié. Elle s'appuyait sur l'idée qu'Israël a droit à sa sécurité et les Palestiniens droit à un Etat souverain. La France rappelait aux protagonistes de ce conflit les principes par-delà les soubresauts, les drames humains et les événements marquant le Proche-Orient. C'est parce que cette politique fondée sur des principes s'estompe qu'apparaît celle de l'équilibre qui ouvre la voie à une gestion "communautaire" des enjeux de ce conflit.

Il existe en effet une tendance plus que regrettable à la communautarisation du débat public. On ne peut nier que les uns ou les autres, par identification compréhensible, se sentent plus solidaires de l'un ou de l'autre camp. Mais revient-il aux institutions républicaines d'aller chercher les responsables religieux pour "prévenir" les conflits qui pourraient surgir dans nos villes? Il y a là une tendance dangereuse et il est surprenant de voir que le débat public, ainsi que les nécessaires manifestations républicaines, sont éclipsés par... des prières collectives. Le débat républicain, la concorde civile dépassent les cultes. Il s'agit là d'un autre fil rouge de notre histoire, hérité d'ailleurs des guerres de religions. Une fois de plus, les principes sont clairs: on ne peut tolérer ni antisémitisme ni racisme antimusulman, tous deux s'insinuant dans les discours sur ce conflit pour atteindre la République dans ce qui fait sa force, l'égalité entre ses citoyens par-delà les différences de croyances. Les positions sur ce conflit ne sauraient se délier des principes de la République, pas plus que ce débat ne saurait être délégué à une forme de communautarisme… Lire la suite.