Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le Billet de Richard Prasquier - Le Djihad Islamique et la réaction israélienne

30 May 2023 | 169 vue(s)
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Actualité

Il y a six ans (ndlr. : cet article a été rédigé en mars 2018), en mars 2012, à Montauban et Toulouse, sept vies ont été fauchées par un terroriste islamique, donc je me refuse à rappeler le nom.

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C’est un des signes de leur résilience, d’aucuns diront un des secrets de leur stupéfiante adaptabilité, les Israéliens savent très vite passer à autre chose. L’opération Bouclier et Flèche  ̶  מבצע מגן וחץ  ̶  (Mivtsa Magen veHetz) s’est achevée par un cessez-le-feu le 13 mai. Deux semaines plus tard, on n’en parle presque plus alors qu’elle a tenu la population du pays en alerte. Il n’est pas inutile de réfléchir aujourd’hui à une flambée de violence aussi brutale que répétée au cours de ces dernières années.

Rappel des faits : le 2 mai, Sdérot, à la lisière de la bande de Gaza, reçoit une centaine de roquettes. Elles suivent la mort en Israël d’un prisonnier palestinien en grève de la faim et sont tirées par son organisation, le Djihad islamique. 

Les forces israéliennes répliquent dans la nuit du 9 mai. En quelques minutes, trois dirigeants locaux du Djihad  ̶  le chef de l’organisation, Ziyad al-Nakhalah, réside au Liban ou à Damas  ̶  sont tués par voie aérienne dans leurs appartements à Gaza et à Rafah, d’autres le seront les jours suivants. 

En moins de cinq jours, Tsahal frappe 700 cibles, notamment des lieux de fabrication de roquettes profondément enfouis. Mais 1 200 engins ont été envoyés sur Israël où une partie de la population s’est réfugiée dans les abris. Pour ne pas être saturé, le Dôme de Fer implique des choix et il ne réussit que 95 % de ses interceptions.

À noter que près de 300 roquettes du Djihad islamique ont échoué dans la zone de Gaza elle-même où elles ont provoqué plusieurs morts, qui ont été mis évidemment sur le compte d’Israël.

Celui-ci, quant à lui, déclare avoir tué 18 membres du Djihad islamique et admet qu’il s’y ajoute une dizaine de civils, dont six enfants. Ce sont des voisins ou des membres de la famille des chefs terroristes ciblés. 

Louis Imbert dans Le Monde s’attarde sur ces civils innocents, comme si dans le passé, les bombardements alliés sur les villes normandes n’avaient fait que des victimes allemandes. Il laisse subrepticement à entendre que ces meurtres sont volontaires, car « s’ils l’avaient voulu, les Israéliens auraient facilement pu tuer les activistes palestiniens dans la rue sans toucher à leur famille ». Son éminent journal n’avait pas eu un mot, je l’ai vérifié, sur l’assassinat de Lucy, Rina et Maia Dee, un mois auparavant. 

Sans commentaires…

 

Dans son nouveau livre, Manuel Valls rappelle un passage célèbre de la pièce de Camus, Les Justes, où le révolutionnaire explique qu’il n’a pas lancé la bombe destinée au grand-duc car il avait vu deux enfants dans sa calèche. 

Même s’il ne faut pas confondre action préméditée et effet collatéral, même si le Djihad islamique légitime le meurtre d’enfants israéliens, même si les enfants palestiniens servent parfois de boucliers humains et même si leur éducation est un martèlement répétitif à la haine anti israélienne, le dilemme moral de la mort d’innocents doit continuer de peser lourd. Tsahal a arrêté une attaque car des enfants apparaissaient à l’écran. Lequel de ses ennemis en aurait fait autant ? 

En Israël, deux personnes ont été tuées, dont un Gazaoui travaillant dans le pays, en conséquence d’accords partiels avec le Hamas. L’image complaisamment véhiculée de Gaza comme un camp de concentration à ciel ouvert hermétiquement clos de l’extérieur, avec des barrières électrifiées, est mensongère. Certains, je ne l’ai pas vérifié, prétendent même que la quantité d’électricité distribuée par Israël à Gaza est plus grande que celles dont disposent les habitants de Beyrouth. 

Par contraste, des ONG décidément hémianopsiques, protestaient parce que pendant les cinq jours de conflit, les patients de Gaza n’avaient pas pu bénéficier de soins spécialisés dans les hôpitaux israéliens, ce qu’elles ont considéré comme un crime de guerre. C’est reconnaître que ces transferts sont couramment effectués en période normale, et en l’occurrence ils ont repris après le cessez-le-feu.

Certains en Israël se sont étonnés, voire scandalisés, que l’opération ait été menée contre le Djihad islamique et que le Hamas, dix fois plus puissant, en sorte plutôt renforcé. De plus, les frappes de l’an dernier (opération Aube naissante du 5 août 2022) qui n’ont également visé que le Djihad et ont éliminé le chef militaire de ce mouvement n’en ont pas détruit sa force de frappe ; pourquoi celles de mai 2023 y parviendraient-elles ? De là à évoquer une opération de communication pour aider un Premier ministre mal en point dans les sondages…

Outre qu’on voit mal l’armée et le Shin Bet se prêter à une telle opération de cuisine politique interne, demander à un État de ne pas réagir quand une de ses villes reçoit 100 roquettes en une seule journée de la part d’une organisation internationalement reconnue comme terroriste est quelque peu cavalier…

Car, contrairement à ce qu’écrivent ceux qui sont plus tentés de s’apitoyer sur les lanceurs de roquettes palestiniens que sur les habitants israéliens, ces engins ne sont pas d’inoffensifs pétards lancés comme un signal de détresse. 

Ce sont des engins de mort. S’ils ont entraîné peu de victimes, c’est à cause des contre-mesures exceptionnelles qu’Israël a déployées. 

Ses ennemis pensaient que le pays était en cours de désagrégation du fait des manifestations : ils ont été déçus, les pilotes retraités qui protestaient dans les rues de Tel Aviv sont venus à leur poste de soutien des soldats d’active.

On ne peut qu’être frappé en revanche par l’articulation entre les différentes armes, la coordination entre les services de renseignement et la surveillance aérienne et par la précision des attaques qui a permis de réduire au minimum les pertes humaines dans un environnement parmi les plus peuplés de la planète. Cela traduit une maîtrise technologique qui est un message, et peut-être un test, destiné aux mollahs iraniens.

 

Qu’est-ce que le Djihad islamique ? Contrairement au Hamas, qui est entré dans un jeu louvoyant à l’égard d’Israël à la suite de l’opération Gardien des Murailles de mai 2021 qui lui avait coûté très cher, le Djihad islamique ne recherche pas le pouvoir politique, n’a pas de façade sociale et s’oppose aux arrangements intermédiaires en période creuse. Il n’a qu’une obsession, frapper Israël le plus durement possible et faire de sa disparition le tremplin d’un État islamique promouvant la charia dans sa version la plus rigoureuse.

Il se veut groupe d’élite plutôt que mouvement de masse. Son fondateur, Fathi Shaqaqi était un pédiatre polyglotte et poète ; son successeur, Ramadan Shallah qui a dirigé le mouvement pendant plus de vingt ans avait été Professeur d’Université aux États-Unis. 

Shaqaqi était un disciple de Sayyid Qutb, le père spirituel de la branche radicale des Frères Musulmans, qui ne voyait le monde que comme un lieu d’affrontement entre les vrais croyants et les autres. 

Ni Qutb, ni Shaqaqi n’avaient de prévention de principe contre les chiites à condition qu’ils fussent suffisamment rigoristes (et vice versa, c’est le jeune Khamenei qui a traduit en persan les œuvres de Qutb). Khameini, qui faisait en outre de la reconquête de Jérusalem, Al-Quds, un événement eschatologique qui hâterait le retour de l’imam caché, avait aux yeux du Djihad islamique l’immense avantage de faire de la lutte contre les sionistes une obligation religieuse majeure…

Entre le sunnite Qutb et le chiite Khameini, les deux parrains du terrorisme islamique, les convergences sont donc nombreuses. C’est pourquoi le Djihad islamique, organisation sunnite, est totalement inféodé à l’Iran.

Les vassalités financières que celui-ci a su créer par ailleurs dans le monde sunnite dépassent largement le Djihad palestinien. Elles incluent le Hamas, qui vient sur exigence iranienne de se réconcilier avec Bachar el-Assad, et aussi le FPLP, dont Salah Hamouri est l’agent publicitaire en France. 

Elles s’associent surtout au réchauffement entre l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Émirats, et dans ce grand jeu, les Accords d’Abraham sont en danger…

 

Richard Prasquier, Président d'honneur du Crif

 

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