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Published on 16 June 2025

L'entretien du Crif - Shannon Seban : face à la menace de l’Iran, Israël mène « un combat pour la liberté »

Shannon Seban vient de publier « Française, juive, et alors ? » (Éditions de l’Observatoire). Figure montante du mouvement Renaissance, élue de Seine-Saint-Denis, elle répond aux questions de Jean-Philippe Moinet sur le message central de son livre, son combat « intransigeant » pour l’universalisme républicain et, naturellement, sur l’actualité internationale marquée par les récentes frappes israéliennes sur les sites nucléaires et militaires iraniens, motivées à ses yeux par « la menace existentielle » que le régime des mollahs fait peser sur l’État d’Israël.

Le Crif : Quel a été le déclic qui a conduit à l'écriture de votre livre Française, juive, et alors ? et le message principal qu’il porte ?

Shannon Seban : Ce livre est à la fois un cri d’alerte et un cri d’amour. Un cri d’alerte, parce que je vois la société française glisser insidieusement vers le repli identitaire, la fragmentation, les oppositions entre communautés. Une société où l’on n’écoute plus l’autre, où l’on soupçonne, où l’on catégorise. Mais c’est aussi un cri d’amour, car j’aime profondément la France, cette France des Lumières, de la laïcité, de l’émancipation et de la promesse républicaine. Et je refuse de la voir sombrer dans les haines importées, les calculs clientélistes ou les silences complices.

Je suis née et j’ai grandi en Seine-Saint-Denis, dans un quartier populaire, où l’on vivait ensemble sans se demander quelle était la religion de l’autre. C’est ce souvenir de fraternité, de solidarité simple et concrète, qui fonde ma vision de la République. La diversité était perçue comme une richesse et non comme une tare. Aujourd’hui, je ne peux que m’inquiéter de la façon dont certains voudraient transformer cette richesse en ligne de fracture.

Française, juive, et alors ? est donc une réponse à ceux qui veulent assigner chacun à une identité figée, à ceux qui veulent enfermer les citoyens dans des cases pour faire discriminer : juif, musulman, chrétien, noir, blanc, homosexuel, pro ceci, anti cela… Je l’ai écrit pour refuser la stigmatisation, celle qui vous colle une étiquette. Lors de ma campagne aux élections législatives face à Mathilde Panot, j’ai été insultée parce que juive, traitée de « sale sioniste ». Comme si cela suffisait à disqualifier une parole, à délégitimer un engagement.

Ma réponse n’a pas été communautaire. Ma réponse a été républicaine. J’ai répondu à ces attaques en tant que Française, parce que c’est ainsi que je conçois mon engagement : au nom de la République, une et indivisible. Le message de ce livre est clair : refuser l’antisémitisme comme toutes les autres formes de haine, ne pas hiérarchiser les douleurs, ne pas instrumentaliser les combats. Et surtout, résister à la logique du repli, de la peur et de l’exclusion. La République ne trie pas ses enfants. Elle les rassemble.

 

 

« Nous devons être intransigeants (sur l’antisémitisme et l’universalisme). Ne rien laisser passer. Chaque renoncement affaiblit notre pacte républicain »

 

 

Le Crif : Dans un contexte de tensions communautaires exacerbées en France, de réflexes primaires et de replis « identitaires » provoqués par les extrêmes, la promotion des principes de la République est devenue difficile, vous le vivez. Vous insistez pourtant sur l’universalisme républicain, pourquoi ?

Shannon Seban : L’universalisme républicain est plus que jamais notre socle. Il est le garant de la stabilité, de la cohésion, et de l’unité de notre nation. Et pourtant, il est attaqué de toutes parts : par ceux qui remettent en cause la laïcité, par ceux qui veulent enfermer les individus dans des appartenances communautaires et par ceux qui n’hésitent plus à instrumentaliser des conflits étrangers à des fins électoralistes, comme on l’a vu récemment avec le drapeau palestinien hissé sur la mairie de Saint-Denis.

Ce geste n’est pas isolé. D’autres élus, notamment du côté de La France insoumise (LFI), jouent sans cesse avec le feu de l’antisionisme et alimentent ainsi l’incendie de l’antisémitisme, parfois sans même en prendre la mesure.

Et les Français le savent : 73 % estiment que notre société est trop fragmentée (sondage Ifop, 2023). Mais ils n’ont pas renoncé à la République. Ils attendent qu’on en défende les principes avec clarté et fermeté. Il y a un chemin, à condition de ne rien céder.

Nous devons être intransigeants. Ne rien laisser passer. Chaque renoncement affaiblit notre pacte républicain. Chaque silence nourrit les fractures. C’est maintenant que l’universalisme doit redevenir un combat.

 

 

« Je continuerai, toujours, à me prêter à l’exercice du débat, même lorsqu’il est musclé »

 

 

Le Crif : Dans une période où un populisme xénophobe est devenu d’atmosphère, vous avez été très malmenée récemment sur CNews, votre livre a été brutalement mis en cause par Pascal Praud, qui a parlé de « bouillie », et Charlotte d’Ornellas du JDD. Vous avez répliquez mais n’avez-vous pas senti être tombée dans un piège sur ce plateau ? Quelle leçon tirez-vous de cet épisode ?

Shannon Seban : Je ne parlerais pas de piège. J’ai été invitée, j’ai accepté cette invitation avec ouverture, pour parler de mon livre Française, juive, et alors ? et porter une voix républicaine dans l’espace médiatique. Je ne le regrette pas.

En revanche, je regrette que le débat n’ait pas eu lieu, que l’entretien ait très vite glissé vers une séquence clivante autour du Rassemblement national (RN), dans laquelle j’ai dû me battre pour réaffirmer une position pourtant claire : ni RN, ni LFI.

Les thématiques centrales de mon livre ont été occultées. Pourtant, j’y traite d’universalisme, de lutte contre l’antisémitisme comme contre toutes les formes de racisme, de défense de la République, de laïcité, de dialogue interreligieux, d’éducation et de cohésion nationale. Des sujets essentiels, à l’heure où la société se fracture, et qui méritaient d’être abordés.

Qu’on ne partage pas mes convictions, je le conçois parfaitement. Mais qualifier mon livre de « bouillie intellectuelle », sans jamais en discuter le fond, c’est une attaque gratuite voire méprisante, qui illustre bien la difficulté à faire exister une pensée nuancée.

Je tiens à le dire clairement : j’ai beaucoup de respect pour Pascal Praud, pour son parcours et pour son travail de journaliste. Ce désaccord n’enlève rien à cela. Cette séquence, je l’assume : cela fait partie du jeu. Et je continuerai, toujours, à me prêter à l’exercice du débat, même lorsqu’il est musclé, car je crois profondément que la vitalité démocratique passe aussi par la confrontation respectueuse des idées.

 

 

« La France, dans ce contexte, doit tenir une ligne diplomatique claire et sans ambiguïté en se tenant aux côtés d’Israël »

 

 

Le Crif : Le Proche-Orient est plus que jamais tourmenté, des frappes israéliennes ont été lancée à grande échelle sur l'Iran, ouvrant un nouveau front à la guerre au titre d’une « menace existentielle » pesant sur Israël. Quelle est votre analyse de cette situation géostratégique explosive et les perspectives de paix, recherchées depuis des mois par les autorités françaises, ne sont-elles pas plus que jamais lointaines, voire vaines ?

Shannon Seban : Nous sommes entrés dans une zone de très haut risque stratégique, pour plusieurs raisons majeures.

D’abord, la menace nucléaire iranienne est plus sérieuse que jamais. Le 12 juin dernier, quelques heures avant l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) adoptait une résolution dénonçant le non-respect persistant par Téhéran de ses obligations nucléaires. Ce texte constituait un dernier avertissement avant un possible renvoi du dossier iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies.

Selon les dernières inspections de l’AIEA, l’Iran enrichit désormais de l’uranium à 60 %, soit un seuil extrêmement proche des 90 % nécessaires à la fabrication d’une arme nucléaire. Cette dérive représente non seulement une menace existentielle pour Israël mais un facteur de déstabilisation majeure pour toute la région et, au-delà, pour l’équilibre sécuritaire mondial.

Ensuite, il faut rappeler que le régime iranien opprime son propre peuple. Deux de nos compatriotes, Cécile Kohler et Jacques Paris, sont toujours détenus arbitrairement par les autorités iraniennes. Ils incarnent, à eux seuls, la brutalité d’un État répressif, qui utilise les otages comme instruments diplomatiques. En 2022, l’Iran a procédé à plus de 580 exécutions, souvent à l’issue de procès expéditifs, voire sans procès. Les femmes sont persécutées pour un voile mal ajusté, les étudiants emprisonnés pour une publication sur les réseaux sociaux, les journalistes bâillonnés, les minorités religieuses écrasées. Le régime iranien est l’un des plus autoritaires au monde.

Face à cela, Israël ne mène pas seulement une guerre défensive : il se bat pour la survie d’une démocratie dans une région dominée par les régimes autoritaires. C’est un combat pour la liberté, et le monde libre doit s’en sentir solidaire. La France, dans ce contexte, doit tenir une ligne diplomatique claire et sans ambiguïté en se tenant aux côtés d’Israël. C’est une façon de réaffirmer un soutien sans faille aux démocraties attaquées, de condamner fermement les régimes qui bafouent les droits humains, mais aussi d’éviter que l’Iran ne puisse se doter de l’arme nucléaire, une menace pour le monde.

Elle doit porter une voix forte pour la paix, sans naïveté ni complaisance, et garder à l’esprit que la sécurité d’Israël et l’aspiration à la liberté du peuple iranien sont intimement liées à l’avenir du monde libre.

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n’engagent que leurs auteurs -