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Publié le 4 Juin 2009

Six regards croisés au CRIF sur la violence à l’école

Question : Le ministre de l’Education nationale a défendu le 27 mai 2009 son projet de lutte contre les armes à l’école. Des détecteurs de métaux et des renforts policiers devraient compléter ce dispositif. Ces mesures vous heurtent-elles ?




Yonathan Arfi, conseiller du président du CRIF : je suis relativement embarrassé par des mesures de ce genre dans le champ éducatif. Je pense que la question de la violence à l’école se règle par les enseignants plus que par les policiers.
Roger Benarrosh, vice-président honoraire du CRIF : ces mesures ne me heurtent pas du tout. Ce qui est déplorable, c'est qu'il faille y recourir. Lorsqu'il y a de l'insécurité quelque part, il est de la responsabilité de tout gouvernement de prendre les mesures susceptibles de ramener cette sécurité. L'idéologie n'a rien à voir dans ce domaine. Il faut toutefois veiller à adapter les modalités d'application de ces mesures aux lieux considérés et aux citoyens à protéger, en l'occurrence des enfants.



Jean-Pierre Allali, membre du bureau exécutif du CRIF, ancien professeur de mathématiques : je connais le ministre de l’Education nationale pour l’avoir rencontré avec une délégation du CRIF, c’est à mon avis un homme mesuré et patient. Mais la patiente à des limites. Lorsque l’on est face à des problèmes graves qui sortent de l’ordinaire, on ne peut que chercher et inventer des solutions qui sortent elles-mêmes de l’ordinaire, tout en espérant qu’elles seront limitées dans le temps. Le type de mesure que veut prendre le ministre n’est pas une innovation en Europe, puisque ces mesures sont déjà en vigueur en Angleterre. Je suis donc favorable à ces initiatives à condition que d’une manière régulière un audit soit réalisé pour évaluer l’efficacité de ces mesures et les réajuster régulièrement.
David-Olivier Kaminski, membre du comité directeur du CRIF : bien sûr que ces mesures me heurtent. L’école de la République fait l’apprentissage des connaissances et aussi d’une forme d’école de la vie. Si la vive colère ne se résume plus qu’avec le prisme des violences verbales ou physique - même si il est vrai qu’elles existent - et de l’insécurité dans les collègues et les lycées, c’est que l’on a perdu et même renoncer au principe fondamental de l’école, c'est-à-dire enseigner et apprendre.



Iannis Roder, enseignant, auteur du numéro 12 des Etudes du CRIF : « l’Ecole, témoin de toutes les fractures » (novembre 2006) : cela ne me heurte pas, parce qu’il s’agit d’assurer la sécurité des élèves dans un contexte de plus en plus violent, les rapports entre les élèves sont quelquefois crispés et on trouve même des adolescents qui subitement ont des accès de violence incontrôlés et si ils ont quelque chose à leur portée ils peuvent s’en servir.



François Guguenheim, délégué régional du CRIF Centre Touraine Poitou : oui, car on ne peut imaginer de transformer nos écoles en un camp retranché au droit d’entrée donné par la police.



Question : Si « l’école doit être un sanctuaire, doit elle devenir pour autant l’annexe d’un commissariat de police », selon le propos même de Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur (Libération, jeudi 28 mai 2009) ?
Yonathan Arfi : je considère que l’école est un lieu à part, dans lequel l’usage de l’intervention de la police doit être très limitée. J’ai tendance à penser que l’on a pêché par manque de moyens sur les questions d’éducation.
Roger Benarrosh : certainement pas. Je suis surpris des propos de la ministre de l'Intérieur, dont la responsabilité première, est de rétablir la sécurité là où elle est gravement menacée et de faire en sorte, justement, que l'application des mesures nécessaires ne transforme pas l'école en annexe d'un commissariat de police.



Jean-Pierre Allali : je ne pense pas que les mesures proposées par Xavier Darcos consistent à installer des annexes de commissariat dans les établissements scolaires. Aujourd’hui un élève de classe de 6ème aujourd’hui n’est plus le petit « freluquet » d’il y a cinquante ans. C’est parfois un jeune homme de grande taille, de forte corpulence et que l’on ne peut souvent pas maîtriser à l’aide de seules paroles. Néanmoins, s’il s’avérait possible d’offrir à des professeurs volontaires des formations dans le domaine de la sécurité, cela pourrait être d’une utilité certaine.
David-Olivier Kaminski : je réfute l’idée que l’école devienne une annexe d’un service de police. Je pense que l’idée que protéger l’école par de seuls portiques c’est plutôt renoncer à la pédagogie qui doit être adaptée au sein d’une enceinte scolaire.



François Guguenheim : non… Mais la République a le devoir de tout mettre en œuvre pour éduquer les enfants et les parents, pour qu’ils respectent l’école comme un strict lieu d’éducation. Aucune agressivité de quelque ordre que ce soit ne peut et ne doit se manifester.
Propos recueillis par Marc Knobel
Photo : D.R.