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Publié le 18 Septembre 2015

LA FENVAC : défendre les victimes

Les objectifs de la FENVAC sont l’entraide, la solidarité, la justice, la prévention et la mémoire.

Par Stéphane Gicquel, secrétaire général de la FENVAC 
La FENVAC (fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs) est une association de victimes, animée uniquement par des victimes et des proches de victimes afin de défendre leurs intérêts. 
En début d’année, elle a fêté son vingtième anniversaire avec comme bilan une intervention auprès des victimes de plus de 150 évènements depuis sa création. 
Limitée initialement à la gestion des grandes catastrophes, son intervention a intégré le terrorisme suite à la dissolution de SOS Attentats en 2008.
Elle est signataire de conventions avec le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères qui font qu’elle est pleinement intégrée dans les dispositifs mise en place par les pouvoirs publics. Elle a ainsi été la seule association à participer à la cellule interministérielle de crise mis en place suite aux attentats de janvier. 
Les objectifs de la FENVAC sont l’entraide, la solidarité, la justice, la prévention et la mémoire. Si ses actions sont multiples, tant sur le plan national qu’à l’international, ses deux premières priorités sont la prise en charge des victimes et l’action judiciaire. 
La première des priorités de l’association est l’amélioration constante de la prise en charge et de l’accompagnement des victimes. Si la France n’a pas à rougir de l’assistance apportée par les pouvoirs publics, les axes d’amélioration sont évidents notamment en termes d’effectivité des droits et de la réponse aux besoins des victimes. 
Grâce à l’action de l’association SOS Attentats et de sa fondatrice, Madame Françoise Rudetzki, il existe aujourd’hui un ensemble assez complet de droits et dispositifs : fonds d’indemnisation pérenne basé sur la solidarité nationale (FGTI), statut de Pupille de la Nation, exonération des droits de succession, statut de victime civile de guerre, prise en charge psychologique etc. 
Cependant, l’expérience montre que l’existence de ces dispositifs spécifiques ne suffit pas en soi à assurer une réponse efficace aux besoins des victimes. Le rôle d’une association comme la FENVAC est donc d’abord par un travail d’information d’assurer le meilleur accès possible aux droits et de veiller à «l »adéquation entre ces droits et les besoins des victimes. 
Ensuite, une part importante de notre action se concentre autour de rencontres avec les victimes et leurs proches pour des entretiens approfondis. L’enjeu est d’évaluer au mieux chaque situation en intégrant l’ensemble des répercussions, visibles et invisibles,  de l’acte de terrorisme. Il s’agit alors d’établir les conditions d’un dialogue avec la victime, en confiance, car bien évidemment ces échanges pour une part renvoient à une dimension très personnelle, voire intime. Nous sommes là au cœur de la « plus-value » associative qui permet d’établir avec les victimes un rapport de confiance et une relation  humaine que des administrations ne peuvent pas avoir. 
L’approche développée est une approche pluridisciplinaire : outre des juristes, l’équipe de la FENVAC comprend une assistante sociale et également une psychologue clinicienne. Notre ambition est de faire l’évaluation individuelle la plus précise des besoins et difficultés de chaque victime et surtout d’être capable de l’orienter vers les professionnels les plus à même de l’accompagner (avocats, médecins traitant, experts etc.). Dans une seconde phase, le rôle de la FENVAC se situe dans l’accompagnement des victimes, un engagement dans la durée pour des procédures qui peuvent facilement prendre une dizaine d’année sur le plan judiciaire. 
Lobbyiste des droits des victimes, la FENVAC a obtenu ces deux dernières années un certain nombre d’avancées pour une meilleure reconnaissance des préjudices subis par les victimes et leurs proches. La FENVAC est là aussi pour détecter les problèmes et les relayer auprès des décideurs publics. Plus simplement encore, il s’agit de veiller à ce que les engagements pris par les plus hauts représentants de l’Etat soient vraiment suivis des faits. 
Il ne s’agit pas ici d’avoir de fausse pudeur en critiquant une réponse qui est d’abord financière, avec cet argument pour nous dépasser de l’impossibilité de mettre un prix sur une perte humaine. L’enjeu n’est pas celui-ci. Il est de faire en sorte que les terroristes n’aient pas le pouvoir, au-delà de la détresse immédiate causée, de condamner définitivement leurs victimes à les empêcher de retrouver une existence normale et digne, et donc à un véritable déclassement social. 
Ainsi, nous avons obtenu la reconnaissance par le fonds d’indemnisation du préjudice subi par les proches d’un otage durant la durée de sa rétention. Il s’agissait là de faire écho à la détresse des proches  qui pendant plusieurs années vivent les affres de l’attente et de l’angoisse. Sans faux semblant, il s’agit aussi de répondre très concrètement à d’éventuelles difficultés financières car pour certaines familles la rétention de leurs proches impactaient très concrètement par exemple sur la possibilité pour les enfants de poursuivre des études supérieures. 
Autre résultat significatif de la FENVAC est la reconnaissance d’un préjudice spécifique pour les victimes du terrorisme et leurs proches. Le débat est en fait de savoir si l’on doit être indemnisé de la même façon quand on est victime d’un accident de la circulation ou d’un attentat. 
Dans les années 90, des études épidémiologiques avaient déjà montré scientifiquement  les spécificités physiques et psychologiques des blessures des victimes d’attentat. Plus généralement, dans le ressenti et le vécu, il est évident que l’acte de terrorisme à une dimension particulière en ce qu’il dépasse la situation personnelle de la victime et que fonctionnant précisément sur le moteur de la terreur il ne peut être assimilé dans ses conséquences à un événement accidentel ou même à une maladie. Dès lors, si nous demeurons dans les règles habituelles du droit, il convient que la réponse indemnitaire traduise cette dimension toute particulière. C’est le sens de l’adoption du principe d’un préjudice spécifique qui bénéficie également aux proches d’une victime décédée. 
Sur l’ensemble de ce volet de la prise en charge et de l’indemnisation, la FENVAC bénéficie de toute son expérience dans la gestion des catastrophes qui souvent est plus protectrice des victimes. 
La deuxième de nos priorités est l’action judiciaire à travers nos constitutions de partie civile. La FENVAC est ainsi présente dans une vingtaine de procédures judiciaires dont les plus anciennes sont les attentats de Copernic et la rue des Rosiers. Notre conviction profonde est que la réponse d’une démocratie au terrorisme est la Justice.
Il s’agit bien évidemment de contribuer à la recherche et à la sanction des responsables et sur ce point il convient de saluer la détermination des juges d’instruction du pôle anti-terroriste qui eux ont  besoin d’avoir des parties civiles présentes et actives.
Parce que le temps qui passe ne saurait être un refuge pour les terroriste, le rôle d’une association est justement d’être toujours présente, année après année, aux côtés des victimes forcément éprouvées par cette attente et souvent découragées. 
Etre activement présent dans ces procédures permet aussi à la FENVAC d’acquérir une connaissance du fait terroriste. En cela le fait d’avoir pu arrêter les auteurs des trois derniers attentats est une réelle opportunité pour décrypter leurs motivations et leurs modes d’action. Cela permet notamment de tordre l’idée de « loups solitaires » et de mettre en évidence une menace radicale, avec une organisation sans doute peu structurée, mais bien réelle, et surtout des connexions avec Daesh. 
L’action judiciaire peut ainsi concourir à une approche rationnelle du terrorisme. Il y a un vrai enjeu à décrire la réalité du terrorisme, de ses motivations et objectifs, pour éviter la diffusion de ce venin que sont le complotisme et aussi une certaine bienveillance, pour ne pas dire la franche sympathie, qu’inspirent les terroristes parmi une part de la population. 
Ces deux priorités constituent l’essentiel de l’intervention de la FENVAC avec bien sûr la question de savoir si une association de victimes peut faire plus, notamment dans la prévention du risque terroriste. 
A ce stade de notre réflexion, nous ne croyons pas possible de demander aux victimes de s’engager personnellement et directement dans un combat contre la radicalisation et la menace islamiste alors que même les Etats paraissent bien incertains et même démunis. La seule réponse que les victimes peuvent faire au terrorisme est d’abord leur propre résilience, leur volonté de vivre, différemment mais pleinement. Cela restera le sens premier de l’engagement de la FENVAC à leur côté. 
A destination des gouvernements et de la population, forte de l’adhésion des victimes, la FENVAC peut néanmoins porter un appel à changer notre regard commun sur le terrorisme. Il faut accepter aujourd’hui qu’il est une réalité présente dans notre vie. Il faut donc l’intégrer dans notre quotidien pour mieux pouvoir l’affronter. 
Cela appelle un véritable débat sociétal, dépassant clivages et postures politiques, sur de véritables choix à faire concernant l’équilibre entre libertés publiques et sécurité. Cela passe aussi par une réflexion de chacun sur une vigilance citoyenne à construire. Ceux qu’on a appelé les « héros du Thalys » ont avant tout démontré que tout un chacun peut avoir les ressources en soi et qu’en tout cas la lutte contre le terrorisme est l’affaire de tous. Le pire, malheureusement, est sans doute devant nous. Il y a donc urgence. 
Site Internet de la FENVAC : http://www.fenvac.com/