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«Je ne suis pas un héros. J'ai agi en homme de conviction, en patriote, en policier, pour le bien de mon pays, la France, c'est tout ». Ainsi s'exprimait Maurice Lesanne lorsqu'on l'interrogeait sur ses motivations de résistant pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un regard bien modeste sur une vie exemplaire menée avec discernement dans une lutte implacable contre l'occupant. Il nous a quittés hier matin à l'âge de 93 ans et tous ceux qui l'ont connu sont dans la peine et unis au deuil de sa famille.
Chacun retiendra chez cet homme attachant le républicain exigeant, le serviteur exemplaire d'une France debout, l'humaniste fraternel. Au pays du champagne, il est devenu à l'âge de la retraite, après une carrière remarquée à la Direction de la surveillance du territoire (DST) puis aux Renseignements généraux (RG), un courtier respecté, là encore pour la pertinence de ses choix et son aptitude à bien conseiller.
L'âme du combattant
Mobilisé en 1939, Maurice Lesanne a connu les combats du printemps 1940, la retraite obligée face à l'assaut aéroterrestre de l'ennemi et la réponse choisie par le maréchal Pétain : le renoncement antichambre de la collaboration. Il ne peut pas accepter cette situation et se promet de rester un combattant sans uniforme.
Le jeune fonctionnaire de police au commissariat d'Épernay met en place un redoutable système pour contrer à la fois Vichy et la Gestapo. Il travaille en lien étroit avec Pierre Servagnat futur commandant des FFI de l'arrondissement sparnacien.
Que d'actions glorieuses menées à leur terme ! Juste après la rafle du Vel d'hiv en juillet 1942 à Paris, il avertit plusieurs familles israélites du danger encouru.
Mme Wiener, des Soieries et Lainages de la rue Saint-Martin à Épernay rapporte cet épisode du 20 juillet 1942 : « Sachant que j'avais des ennuis avec les Allemands, Maurice Lesanne est venu me prendre avec ma fille âgée de six ans et il nous a mises en sécurité pendant une journée chez des paysans de Damery. Puis ils nous a escortés jusqu'à la gare d'Austerlitz à Paris et mis dans le train pour Angoulême où grâce à ses contacts nous avons pu franchir la ligne de démarcation ».
Toujours poli et attentionné, Maurice Lesanne sans l'air d'y toucher espionne tout, repère ce qui est suspect et se fait un plaisir de contrer la Gestapo avec ses armes, la ruse et l'intelligence.
« Il a été un policier courageux mais d'abord un vrai Français, le drapeau sur le cœur. Il a rendu d'incalculables services aux organisations de la Résistance dans la région d'Épernay », résumaient aussi Pierre Servagnat et Camille Rousseaux.
De CDLR au BCRA
Membre éminent de Ceux de la Résistance (CDLR), agent du bureau central de renseignement et d'action (BCRA), il prévient ceux que la Gestapo se prépare à appréhender, leur facilite les choses pour qu'ils disparaissent dans la nature. Maurice Lesanne évite ainsi à Fernand Gauché du Bureau des opérations aériennes (BOA) et officier départemental du BCRA d'être capturé lorsqu'il le voit revenir à Épernay le 16 décembre 1943 alors que depuis 5 h 45, la Gestapo perquisitionne son domicile ! L'inspecteur prend en charge cache et organise l'exfiltration de plusieurs aviateurs britanniques et américains dont les appareils ont été abattus dans la région. Il aimait recevoir encore les derniers survivants il n'y a pas si longtemps.
Alfred Pointe, professeur d'éducation physique et sportive du collège de garçons d'Épernay a témoigné lui aussi : « Le 19 novembre 1943, j'ai demandé de l'aide à Maurice Lesanne parce que j'avais eu l'occasion de découvrir ses opinions très favorables à la Résistance. Pendant toute la matinée Lesanne et moi ainsi qu'un gardien qui conduisait la voiture, nous avons recherché de village en village des fermes amies susceptibles de prendre en charge des aviateurs cachés au fond de la Citroën. Nos amis furent mis à l'abri dans l'après-midi et aucun ne fut repris ».
Et d'ajouter : « le 13 janvier 1944 vers 16 heures, Maurice Lesanne m'apprit que la Gestapo me recherchait et venait de trouver les renseignements de l'état civil lui permettant de m'interpeller d'un instant à l'autre. L'intervention de Lesanne m'a permis de me soustraire à une arrestation qui m'aurait certainement conduit à rejoindre mon fils dans un camp de concentration ».
Tel était l'inspecteur. Des témoignages comme ceux-là, il en existe plusieurs dizaines.
Maurice Lesanne était officier de la Légion d'honneur, grand officier de l'ordre national du Mérite, titulaire de la Médaille militaire, de la croix de guerre 1939-1945 avec trois citations, de la Médaille de la Résistance et de nombreuses autres décorations.
Épernay mérite qu'une rue porte son nom. Ses obsèques auront lieu samedi à 9 h 30 en l'église Notre-Dame d'Epernay.
Un article d’Hervé Chabaud, pour l’Union l’Ardenais.