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Par Marc Knobel, historien et Directeur des Etudes au Crif
L’époustouflant Miles Davis, le fabuleux Nat King Cole, le jeune prodigue Joshua Redman, l’incroyable Charlie Parker, l’immense Count Basie, l’étonnant Charles Mingus ou la si belle Billie Holiday… Grâce à mon père, depuis mon enfance, ces musiciens également noirs m’ont régénéré et, par tous les états de la musique, j’ai senti le blues couler dans mes veines, le jazz aussi. J’ai entendu les cadences syncopées, les rythmes enflammés, j’ai vu couleurs et sons, j’ai arpenté Harlem et j’ai espéré la libération de tous les esclaves africains ou des Noirs américains, si souvent mis au ban parce que noirs. L’esclavage pratiqué dans les anciennes colonies, l’inhumanité et la folie ? Les dégénérés du Ku Klux Klan qui pendaient des noirs ? Le racisme et les ségrégations ? Tout cela me heurte profondément. Alors, parce que j’écris ta couleur sur mon cœur, parce que j’écris ton nom car j’aime tes sons ; parce que tu es la plus belle des couleurs, si je vous disais : «I am a black, too», me croirez-vous ?
Pour l’amour du jazz et de la musique, Juifs, Noirs, Blancs ou autres, tous unis autour d’une mélodie dans une inépuisable magie qui transcende l’humanité toute entière.
Tous unis ? Non. Hélas.
Un dénommé Nick Conrad, sorti de nulle part, cherche à faire le buzz. Ce n’est pas simplement de la mauvaise musique, ce sont des paroles criminelles.
Dans son machin, On voit Nick Conrad allumant un cigare en toute décontraction. En arrière-plan, un Blanc pendu se balance au bout d'une corde, puis la chanson «PLB» démarre. Dans son texte, le rappeur appelle notamment à tuer «des bébés blancs» : «Attrapez-les vite et pendez leurs parents, écartelez-les pour passer le temps, divertir les enfants noirs de tout âge petits et grands.» Pour Conrad, ce clip avait pour vocation première de retracer l’Histoire du peuple noir. Ce morceau, c’est un miroir (Le Parisien du 26 septembre 2018). Pour lui, ce clip serait une «réponse aux injustices vécues par ma communauté depuis l’esclavage.»
Conrad décidemment n’a rien compris. On ne combat pas le racisme en fomentant la violence. On ne dénonce pas l’esclavage en inversant les rôles et en provoquant publiquement à la discrimination à la haine ou à la violence nationale, raciale ou religieuse. On ne dénonce pas les maux de notre monde, en provoquant publiquement à la commission d’un crime ou d’un délit (le parquet de Paris a ouvert ce mercredi une enquête pour «provocation publique à la commission d'un crime ou d'un délit» après la diffusion d’une de ses chansons). On ne combat pas le mal par le mal, on ne combat pas l’injustice par l’injustice, on ne répand pas l’infamie à la bassesse par colère. Imagine-t-on un seul instant que des musiciens noirs américains comme John Coltrane, Donny Hathaway, Stevie Wonder, Rihanna, etc… aient réagi ainsi ?
Racisme anti-blanc ?
Dans un excellent article publié par Emmanuel Debono (1), l’historien s’interroge : «Que vaut enfin l’argument selon lequel l’impossible quantification du racisme anti-Blancs serait la preuve même de sa non existence ? Ce n’est pas parce que les statistiques font défaut que les faits n’existent pas. Quant à parler ou non d’un «phénomène», c’est une autre histoire puisqu’il s’agit déjà, dans un premier temps, de nommer et de qualifier au plan juridique l’injure raciale ou l’appel au meurtre.»
Tout comme l’antisémitisme, le racisme qui s’exerce contre les musulmans ou les noirs ou les jaunes et/ou d’autres, le racisme anti-blanc existe. Ce n’est pas faire corps avec les immondes sites de la fachosphère, que de le reconnaître et de le déplorer. Il faut alors le condamner et le combattre. Tous les racismes, les discriminations, les appellations stigmatisantes et les qualifications douteuses (racistes, xénophobes, antisémites, homophobes, sexistes) sont inacceptables et en la matière, il ne saurait y avoir d’exception.
Note :
1) http://antiracisme.blog.