Noémie Toledano et Johan Weisz, de StreetPress, se sont entretenus avec la présidente nationale de l’Union des Etudiants Juifs de France, mercredi 3 février 2010, quelques heures avant le dîner du CRIF :
Est-ce qu’aujourd’hui il y a une différence entre un juif de 20 ou 25 ans et ses parents ?
C’est vrai qu’il y a une différence. La génération des étudiants d’aujourd’hui a vécu les années 2000. Avec la montée de l’antisémitisme, il y a eu une forme de prise de distance avec la société française, avec une tentation de repli. C’est très marquant pour notre génération. Parce que pour être dans l’ouverture ou la rencontre avec les autres communautés, il faut d’abord dépasser cette inquiétude originelle.
Et c’est valable pour tous les Juifs de France ?
Là, on parle toujours du noyau dur de la communauté. A l’ UEJF, on touche aussi le deuxième cercle, parce qu’on est présent dans les facs. Mais il y a un troisième cercle, pas en contact avec les institutions ou les organisations juives.
A part ça, à l’UEJF vous êtes carrément à gauche par rapport au reste de la communauté juive…
…Attendez, quand on s’oppose à Ahmadinejad à l’Onu (le précédent président de l’Uejf avait fait irruption déguisé en clown dans la salle du Conseil des droits de l’homme de l’Onu pendant un discours du président iranien, ndlr), quand on organise un voyage de la mémoire, comment on classe ce type d’action ? …Au final, je n’ai pas de problème à assumer que les combats qu’on porte, si on les regroupe, aient plutôt l’air de droite ou de gauche.
Par contre, on dit que le CRIF va basculer à droite…
… je ne suis pas sûre que le classement PS/UMP soit très opérant.
(Le dîner du CRIF) est un des rares dîners qui passe en direct à la télévision…
Oui, c’est un moment où la communauté juive envoie un message à la République et où la République s’adresse à la communauté juive. C’est médiatique parce que pour les gens, juifs ou pas, ce moment-là compte. Tant mieux !
Mais comment ça se fait qu’il y ait autant de monde au dîner… ?
…Encore une fois, la communauté juive intéresse beaucoup les gens. C’est intrigant, intéressant. On se demande ce qui va se passer. C’est pris au sérieux par les gens qui sont des décisionnaires dans la communauté et dans le gouvernement. Ca vaut le coup d’être écouté. C’est un grand moment de la République.
Certains critiquent le dîner du CRIF parce que le CRIF reçoit plus d’écho médiatique que les autres communautés.
Je veux bien rencontrer les gens qui pensent que c’est un problème que cette soirée intéresse tellement. Après, je ne vais pas régler les problèmes des gens qui ont soit des préjugés, soit qui vont jusqu’à être antisémite. Je n’ai pas fait de statistiques sur la présence de la communauté juive dans les médias, mais je ne suis pas persuadée qu’elle en ait tellement plus… Le CRIF a construit un moment annuel d’échange avec les institutions, les décisionnaires, les médias. Si les autres communautés ont décidé que ça ne se jouait pas à ce moment là mais dans d’autres temps, dans une forme de continuité, c’est leur décision…