Bien que faisant partie des archives cachées à Varsovie, le témoignage du professeur Chaim A. Kaplan est moins connu. C’est pourquoi il faut être infiniment à tous ceux qui ont œuvré pour que sa « Chronique d’une agonie » paraisse en langue française.
D’origine russe, Chaim A.Kaplan est né en 1880 à Horodysche. Après avoir voyagé aux États-Unis en 1921 et tenté une installation en Eretz Israël en 1936, il décida de s’établir en Pologne. Professeur d’hébreu puis directeur d’école à Varsovie, il choisit, bien qu’il ait eu la possibilité d’obtenir un visa salvateur, de demeurer dans la capitale polonaise livrée au chaos et à la barbarie nazie. Arrêté avec son épouse le 4 août 1942, il sera assassiné à Treblinka.
Jusqu’à l’extrême limite de ses forces , Chaim A. Kaplan a rédigé sur de petits cahiers son Journal commencé dès 1933, qui a été recueilli par l’équipe de l’Oyneg Shabes, association clandestine créée, précisément par Ringelblum. C’est après la Guerre, en 1946 et en 1950 que le Journal de Kaplan, dont on pensait une partie perdue, ce qui, fort heureusement, s’est avéré faux, a été retrouvé. Écrit en hébreu, il fut traduit en américain dans les années soixante et aujourd’hui, en français. La chronique qui nous est proposée commence le 1er septembre 1939 pour s’achever le 4 août 1942. Comme le fait remarquer Abraham I. Katsh dans sa préface, Chaim Kaplan « n’épargne personne. Il s’élève aussi bien contre les cruautés commises par le vainqueur que par ceux qui se sont mis au service du tyran. Il fustige les collaborateurs juifs, la police juive du ghetto, ceux qui obéissent avec zèle aux ordres de la puissance occupante, les pillards et ceux qui profitent du malheur des autres ».
Parmi les derniers mots de Kaplan, écrits le 4 août 1942, ces phrases angoissées et prémonitoires : Je n’ai pas encore été arrêté ; je n’ai pas encore été chassé de mon appartement ; mon immeuble n’a pas encore été confisqué. Mais je ne suis séparé de toutes ces infortunes que par la distance d’un pas. Toute la journée, ma femme et moi, nous nous sommes relayés pour monter la garde, regardant par la fenêtre de la cuisine qui donne sur la cour, pour savoir si le siège avait commencé. Les gens courent de côté et d’autre comme s’ils étaient fous…Si je meurs, qu’adviendra-t-il de mon journal ? »
Bouleversant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Calmann-Lévy. Octobre 2009. Édition augmentée avec la collaboration de Dalit Lahav. Introduction de Georges Bensoussan. Avant-propos et traduction de l’américain par Jean Bloch-Michel. Traduction de l’américain du chapitre inédit par Pierre-Emmanuel Dauzat. 480 pages. 21,90 euros.
Éditions Denoël. Février 2009. Voir notre recension en date du 15-01-2010