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Publié le 19 Février 2008

Harry Potter et les reliques de la mort Par Joanne Kathleen Rowling (*)

Avec la sortie du septième et dernier volume des aventures d’Harry Potter, la passionnante saga de J.K. Rowling, comme promis depuis longtemps par l’auteur, a trouvé sa conclusion. Les fans du jeune héros et de ses compagnons du désormais célèbre collège de Poudlard ont déjà découvert ou découvrirons eux-mêmes, prochainement, le « happy end ». Notre intention n’est pas de commenter ici cet ultime et copieux ouvrage aussi alerte et passionnant que les précédents qui conclut 3000 pages d’aventures étonnantes et souvent imprévues.


A l’instar et dans le sillage de Sarah Leibovici qui, avec passion, étudia une iconographie ancienne riche en symboles irrécusables pour mettre en évidence la judéité de Christophe Colomb (1) ou encore de Dominique Aubier, mettant en lumière après des recherches passionnantes, les aspects juifs et zohariques de Don Quichotte (2), je voudrais ici, une fois n’est pas coutume, examiner la saga d’Harry sous l’angle juif, proposer modestement des pistes de réflexions que d’autres, plus courageux ou plus tenaces que moi, reprendront peut-être un jour. L’idée m’en a été donnée par le constat du succès remarquable des sept volumes d’Harry Potter en Israël où 870 000 exemplaires des six premiers tomes ont été vendus et où le million a été dépassé après la sortie des « Reliques de la mort » et le constat concomitant de l’accueil plutôt froid, voire hostile, dans le monde arabo-musulman. Ainsi, à Karachi, en juillet dernier, la police pakistanaise a désamorcé une bombe dirigée contre les acheteurs des aventures du jeune sorcier (3). Quand à la chrétienté, elle a, en son temps, par la voix du futur pape Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger, émis les plus fortes réserves : « Il s’agit d’une séduction subtile qui agit sans qu’on n’y prenne garde et qui, de ce fait, déforme profondément le caractère chrétien de l’âme, avant même qu’elle puisse s’épanouir correctement » (4). Même son de cloche, d’ailleurs chez un pasteur protestant : « Harry Potter véhicule des valeurs qu’on peut mettre en doute : il se permet souvent de mentir, de se venger, de transgresser les règles, transgressions qui sont rarement ou jamais punies ». (5)
En dehors des critiques de cinéma et de celles des ecclésiastiques, les commentaires sont venus, pour la plupart, d’enseignants, de pédagogues, de psychologues ou encore de médecins. Ainsi, le pédopsychiatre Eric Auriacombe considère Harry comme un enfant traumatisé par la mort de ses parents, et l’univers des sorciers comme un monde irréel où l’on se réfugie pour mieux nier la réalité. Il évoque aussi la hantise de grandir et la difficile identification au père (6). Isabelle Cani (7) y voit pour sa part un « Anti Peter Pan », c’est-à-dire un viatique pour se détacher de l’enfance et progresser vers la maturité. Tout à fait autre chose chez le philosophe et linguiste Jean-Claude Milner qui voit dans la saga un texte profondément politique qui parle de l’Angleterre d’aujourd’hui. Enfin, des médecins d’Oxford ont mené une étude dont les résultats ont été publiés dans le très sérieux British Medical Journal. Selon eux, la lecture d’Harry Potter a un impact réel sur le nombre des blessures traumatiques chez les enfants. En période de parution des œuvres de J.K. Rowling, on constate une diminution importante des accidents. Les enfants, occupés à lire, ne chahutent pas et se blessent moins (8).
Quelles pistes juives peut-on donc suggérer pour compléter ces commentaires ? Elles sont diverses et d’importance inégale. Le monde des sorciers, tout d’abord. Le Thora est très sévère à l’égard de la sorcellerie. Devins et astrologues, nécromanciens et oracles sont prohibés (Lévitique 19, 26 ou 19, 31). « Tu ne laisseras pas vivre une sorcière » peut-on lire en Exode 22,17. Pourtant, malgré ces interdictions formelles, le texte biblique nous raconte la visite du roi Saül, désireux de consulter l’esprit du prophète Samuel, à la sorcière d’Ein Dor. Mais, surtout, l’une des accusations antisémites proférées à l’égard des Juifs, notamment au Moyen Âge, était celle de sorcellerie. On pourrait donc voir dans Harry Potter et ses amis, les « bons sorciers », une sorte de réhabilitation de cette « profession ».
Voldemort. Un peu dans l’esprit de la tradition juive qui veut que le nom de Dieu ne soit ni écrit ni prononcé, le nom de Voldemort, son opposé absolu, ne doit pas sortir des lèvres. Il est Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Voldemort, archétype du Mal infini, c’est Amalec, c’est-à-dire l’ennemi absolu du peuple juif et, partant, de l’humanité. Amalec, c’est Haman et c’est Hitler. Et les Mangemorts comme les Détraqueurs, peuvent sans peine être comparés aux légions S.S.et S.A. La lutte contre Amalec est un impératif juif récurrent. Elle rejoint le combat d’Harry contre Voldemort. Ce dernier, d’ailleurs, outre qu’il comporte une partie de lui-même qui s’apparente au serpent, animal, on le sait, connoté très négativement dès les premières pages du texte biblique, apprécie particulièrement la compagnie du serpent Nagini.
Autre thème qui rejoint la problématique juive, celui des sangs mêlés. Les personnages de la saga Potter sont classés en trois catégories : les sorciers de souche, les hybrides, croisement de sorciers et non-sorciers et les non-sorciers ou Moldus. La hargne que certains « méchants sorciers », considérant qu’ils sont des « Sang Pur » , manifestent à l’égard des métis, qualifiés de « Sang-de-Bourbe » ou de « Sang Mêlé » n’a d’égal que celle des inquisiteurs espagnols d’Isabelle la Catholique et de Torquemada obsédés par la limpieza de sangre, la pureté du sang. Dans le roman, un fichier des « Nés-Moldus » qui rappelle d’autres fichiers de sinistre mémoire est d’ailleurs constitué au ministère de la Magie !
Lors de ses aventures, Harry Potter découvre, alors qu’il visite secrètement le bureau de l’infâme Dolorès Ombrage, directrice de la Commission d’enregistrement des Nés-Moldus, le dossier du père de Ron, son meilleur ami, Arthur Weasley. On peut y lire : Statut du sang : Sang-Pur mais manifeste une attirance inacceptable pour les Moldus. Connu pour être membre de l’Ordre du Phénix. Famille : Marié (épouse Sang Pur), sept enfants, les deux plus jeunes à Poudlard. Le plus jeune fils est actuellement alité chez lui, en raison d’une grave maladie confirmée par les inspecteurs. Statut sécurité : Etroitement surveillé. Tous ses déplacements sont sous contrôle. Forte probabilité qu’Indésirable n°1 entre en contact avec lui (il a déjà séjourné dans la famille Weasley). Une fiche qui fait étrangement penser à celle du C.G.Q.J. du temps de Xavier Vallat en France occupée.
Dans un autre domaine, le personnage du géant débonnaire, Hagrid, fait penser aux textes ésotériques juifs qui font état de géants, résidus de populations antérieures de la planète Terre, les Anakim, dont Goliath serait un descendant ou encore les Eymim, les Rephaïm, les Zamzourim et les Gibborim dont serait issu le célèbre chasseur Nemrod.
Enfin, la fameuse formule des sorciers et autres magiciens « Abracadabra », qui, dans Harry Potter devient « Avada Kedavra » est issue, on ne le sait pas toujours, directement de l’hébreu « Bara ké Davera » qui signifie : « Il a créé comme Il a dit ».
Un dernier mot. En y regardant de près, Harry Potter, c’est de l’hébreu. Potter, c’est celui qui interprète. Yossef était considéré comme « Potter Halomot », c’est-à-dire « Celui qui interprète les rêves ». Quant à Harry, Ari, faut-il rappeler que c’est le lion, surnom du maître que fut, en son temps, Yits’hak Louria, Ari Hakadoch
Après La Bible et Le Petit Livre Rouge de Mao, Harry Potter est devenu le livre le plus lu au monde. Et si c’était aussi, sous forme subliminale, une histoire juive ?
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Gallimard. Octobre 2007. 816 pages. 26,50 euros
(1) Sarah Leibovici. Christophe Colomb Juif. Défense et Illustrations. Editions Maisonneuve et Larose. 1986
(2) Dominique Aubier. Don Quichotte prophète d’Israël. Editions Robert Laffont. 1966. Editions M.M.L. La Bouche du Pel. 2007. Voir notre recension dans la Newsletter du CRIF du 05 novembre 2007
(3) Le Monde du 23 juillet 2007
(3) Le Monde du 18 juillet 2007
(5) Le Monde du 18 décembre 2005
(6) Le Monde du 16 novembre 2005
(7) Isabelle Cani. Pour en finir avec la magie de l’enfance. Editions Fayard. 2007
(8) Le Monde du 29 décembre 2005