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Publié le 22 Octobre 2007

L’Impossible retour. Une histoire des Juifs en Allemagne depuis 1945 Par Olivier Guez (*)

Cela peut sembler incroyable, mais c’est pourtant une réalité. L’Allemagne, celle qu’Hitler, dans sa folie meurtrière voulut judenrein, le pays de la Nuit de Cristal et de la Conférence de Wannsee, est aujourd’hui une terre attractive pour des dizaines de milliers de Juifs. Il y a ceux qui ne font qu’y passer et il y a ceux qui s’y installent définitivement ». Dans Berlin, « le tourisme juif est en vogue. Des milliers de visiteurs arpentent chaque année les rues de l’ancien quartier juif et partent à la découverte de sa riche histoire ». Un « Disney-yiddishland » et autres curiosités « judéo-kitsch » de pacotille, totalement artificiel attendent les visiteurs. Plus symbolique et plus solennel, un mémorial de la Shoah a été érigé en 2005, en plein centre ville.


C’est à la rencontre de « l’étonnante et troublante histoire des Juifs au « pays des meurtriers » que nous conduit l’écrivain et journaliste strasbourgeois, Olivier Guez.
Il y avait 600 000 Juifs en Allemagne, dont 160 000 à Berlin, en 1933. Des Juifs profondément intégrés. « Qu’ils aimaient l’Allemagne pourtant ! Elle avait été leur demeure ; elle avait été leur mère, leur père et leur maîtresse. Ils vénéraient sa culture, sa langue, sa cuisine et ses paysages ; en 1871, certains Juifs avaient comparé l’avènement du Reich à la venue du Messie ». On sait ce qu’il en est advenu. Au sortir de la catastrophe, il n’y en avait plus que 14 000 dont 7000 dans la capitale. Ce nombre, logiquement, aurait dû décroître jusqu’à l’extinction complète, au demeurant inéluctable. C’est le contraire qui s’est passé et qui continue de se passer sous nos yeux. Dès 1945, des dizaines de milliers de Juifs de l’Est, à l’instar d’Arno Lustiger ou Lola Waks, se sont installés en Allemagne. Dans l’attente de jours meilleurs avec l’espoir d’un départ en Palestine, nombreux sont ceux qui se sont retrouvés, en Bavière ou dans le Würtemberg, dans des camps de personnes déplacées, véritables shtetls artificiels. Plus tard, la politique de « Wiedergutmachung » (Refaire le bien), lancée par le chancelier Konrad Adenauer, a cherché à rassurer les esprits. Et, en 1970, on a pu assister au geste inouï du chancelier Willy Brandt s’agenouillant devant le monument à la mémoire du ghetto de Varsovie. Cela peut expliquer, en partie, le retour, de tous les coins de la terre, y compris d’Israël, de Juifs allemands « rémigrés ». Sans oublier les Juifs russes : « Surprenante Allemagne : après ses tergiversations initiales, sa législation s’inspirait de la loi du retour en vigueur en Israël. Tous les citoyens soviétiques de nationalité juive ou dont l’un des parents était juif pouvaient émigrer en ses terres ». Mais pourquoi donc, se demande Olivier Guez, ont-ils été si nombreux à prendre le chemin de l’Allemagne au lieu d’aller en Israël ou aux Etats-Unis ? Peut-être parce que « L’avenir est aux plus jeunes. La sécurité pour les anciens ». Imre Kertesz, prix Nobel de littérature, qui fut déporté à Auschwitz alors qu’il n’avait pas quinze ans, vit à Berlin. Il s’explique : « J’aime cette cité. Je m’y sens bien. C’est une grande métropole cosmopolite, ouverte, curieuse et libérale. C’est peut-être la plus européenne des villes. Elle ressemble à New York : personne ne vous demande d’où vous venez. Je ne m’y sens pas étranger ».
Et bien que peu à peu, au sein de la jeunesse, le sentiment de culpabilité vis à vis du peuple juif s’estompe et que l’admiration pour Israël se dilue, les Juifs sont de plus en plus nombreux à choisir l’Allemagne, y compris certains, issus du monde séfarade, comme les frère Toubiana de Düsseldorf.
« L’impossible retour ? ». « Il est en marche », conclut l’auteur.
Impressionnant. A lire absolument.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Flammarion. Août 2007. 352 pages. 22 €