« Clémenceau est connu comme le Père La Victoire et comme la personne qui a trouvé le titre de l'article de Zola J'accuse. En général, ça s'arrête la. On a négligé le fait qu'il a écrit énormément d'articles sur l'affaire Dreyfus dans L'Aurore et dans La Dépêche de Toulouse. Ces articles représentent près de 4 000 pages, qui ont ensuite été rassemblées dans sept volumes. Mais ces volumes n'ont jamais été réédités après 1903, et ont été victimes d'un décret de Vichy en 1941, qui ordonnait leur retrait de toutes les bibliothèques publiques de France. Ils sont devenus introuvables, sauf chez des libraires spécialisés. Pourtant, à l'époque, beaucoup de protagonistes ont trouvé ces articles magistraux. Hannah Arendt a lu ces livres, et a dit que « le plus grand héraut de l'affaire Dreyfus, c'est Clémenceau.
Le génie politique de Clémenceau a été de montrer que l'affaire Dreyfus n'était pas seulement une affaire d'antisémitisme, mais une conspiration militaire qui visait à détruire la République, ce qui n'a été reconnu par l'armée qu'en 1995. Clemenceau a compris qu'à travers l'affaire Dreyfus se jouait le destin de la République. L'affaire Dreyfus a été une circonstance qui lui a permis de réviser tout ce qu'il pensait de la République, de ressourcer ses idées en repartant des Droits de l'Homme et des acquis de la Révolution.
Ces sept ouvrages sont des manuels de civisme. Quand on les lit aujourd'hui, c'est d'une actualité extraordinaire, on y retrouve tous les grands débats actuels. J'essaie de rééditer ces volumes depuis 15 ans. Pour l'instant, seuls les quatre premiers sont disponibles. »
« L'affaire Dreyfus : Dictionnaire », sous la direction de Michel Drouin (Flammarion)
« L'Affaire Dreyfus ; L'Iniquité », de George Clémenceau et Michel Drouin (Mémoire du Livre)
Photo : D.R.