Bonne étoile, don exceptionnel de survie, culot monstre, comment s’en est-il sorti ? Il répond : « Ce fut un miracle ! ». Et, dans son cas, ce miracle portait un nom : la boxe. Et c’est un fait que c’est parfois en acceptant de se donner en spectacle devant leur tortionnaires allemands, friands de combats arrangés où le Juif devait nécessairement avoir le rôle du perdant, que certains auront la vie sauve. Ce n’est pas la première fois que des récits relatant des combats de boxe à l’intérieur des camps nous sont relatés. Qu’on songe, notamment, à la destinée du champion juif tunisien Young Perez, titulaire de la ceinture mondiale des poids mouches, conquise en 1931 et qui périra à Auschwitz où il livra son dernier combat (1). Le recueil de Noah Klieger nous apporte un éclairage nouveau. En chapitres courts, issus de textes parus au fil des ans dans le « Yedioth Aharonot » dont il est un collaborateur, l’auteur nous raconte des histoires invraisemblables avec un incroyable accent de vérité. Ainsi, lorsque son père est arrêté par la Gestapo, il n’hésite pas à écrire au général Von Falkenhausen, gouverneur militaire de la Belgique et du Nord de la France pour demander, au motif de son mauvais état de santé, sa libération. Et la réponse est positive. Le « Sturmbannführer » Joachim Erdmann, contre toute attente, est chargé de le recevoir. Naïvement, il étaye sa demande : « Mon père n’est pas un criminel et je me suis adressé au commandant en chef parce que je suis encore un enfant, maman est malade et nous avons besoin de papa, et j’ai pensé que les Allemands comprendraient mes raisons ». Inconscience ? Pourtant le nazi lui répond à son grand étonnement…en hébreu, langue que le jeune homme ne parle pas. « Comment, tu es Juif et tu ne parles pas l’hébreu alors que moi, qui ai vécu en Palestine, je le pratique !! C’est un comble !! ». Quinze jours plus tard, le père était libéré. Noah Klieger nous raconte aussi comment il échappe à la mort grâce à une partie de basket, comment il se fit dresseur de chiens, comment il fut raflé et envoyé à Auschwitz où il échoua le 18 janvier 1943 et, enfin, ces fameux combats de boxe en compagnie de Sally et Sam, de Hollande et de Jean, de Belgique. Sally Weinschenk avait été champion amateur de Hollande pendant quatre ans et champion d’Europe mi-moyen. Sam Potts, avec ses deux mètres et ses cent dix kilos, excellent footballeur et espoir hollandais des lourds, justifiait largement sa sélection par les nazis pour une équipe de boxe. Quant à Jean Korn, gardien de but dans une équipe de football de première division, il avait du muscle à revendre. Noah, lui, n’avait que sa foi et sa témérité. Il passa un premier test en se faufilant habilement entre les gouttes. Le manager, Kurt Matagans, ex boxeur qui avait sombré dans la délinquance n’y vit que du feu. Noah, en compagnie de Juifs venus de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Grèce, d’Allemagne et de France, est désormais estampillé « boxeur du camp d’Auschwitz ». C’est là qu’il va croiser et fréquenter le célèbre Victor Young Perez, le préféré du commandant, affecté aux cuisines. Les précieux renseignements qu’il nous fournit sur le champion, complètent ceux dont nous disposions déjà. Voici aussi un autre champion, Alfred « Artem » Nakache, plusieurs fois champion de France de nage libre et de brasse, recordman d’Europe et du monde, initiateur de la brasse-papillon, rencontré au printemps 1944 à Auschwitz3-Monowitz.
Les récits de Noah Klieger, tout aussi étonnants les uns que les autres constituent un témoignage irremplaçable. Un très beau livre.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Elkana. Jérusalem. Traduit de l’hébreu par Ghislaine Maman et Norbert Pariente. Préface d’Élie Wiesel. Automne 2008. 180 pages. 18,90 euros.
(1) On pourra lire avec profit à ce sujet : d’André Nahum : « Quatre boules de cuir », Éditions Bibliophane, 2002, d’Émile Brami, « Histoire de la poupée », Éditions Écriture, 2000 et, de Paul Steinberg, « Chroniques d’ailleurs », Éditions Ramsay, 2000.