La cabbale ! Un mot qui fait rêver tant il est chargé de mystères. Le Talmud d’ailleurs ne cesse de nous prévenir des risques encourus par celui qui, trop jeune ou mal préparé, s’apprête à en pénétrer les arcanes. Avec Daniel Epstein, en entrée en matière, nous retrouvons avec plaisir la fameuse histoire des quatre sages en quête de savoir et qui ont l’audace d’entrer dans le Pardès, c’est-à-dire le verger céleste, à ne pas confondre avec le jardin d’Eden : Ben ‘Azzaï, Ben Zoma, Aher et rabbi Akiba. Seul rabbi Akiba, on le sait, sortit indemne et en paix de ce périple dans le monde supérieur de la connaissance. Le mot Pardès, par ailleurs, est généralement considéré comme l’acronyme des quatre niveaux de lecture d’un texte : pchat (sens littéral), remez (sens allusif), drach (parabole) et sod (niveau ésotérique).
Roland Goetschel évoque la figure peu connue de Meïr ibn Gabbay, né en Espagne en 1480, peu avant la tragique expulsion des Juifs, auteur d’un livre Avodat ha-kodech (Le service sacré) dont l’idée principale est que l’homme, qui est au service de Dieu, est capable de transformer l’ordre divin et même d’agir au niveau de ce monde. Le regretté Charles Mopsik nous parle du livre révolutionnaire de Moshé Idel, de l’Université Hébraïque de Jérusalem, successeur de Gershom Sholem, La Cabale, nouvelles perspectives. Une occasion de distinguer entre la cabbale extatique d’Abraham Aboulafia et la cabbale théosophique ou théurgique essentiellement connue à travers le Zohar. Toujours avec Charles Mopsik, c’est un livre rarissime qui est en quelque sorte exhumé. Dû à Joseph Gikatila, il s’intitule Le secret du mariage de David et Bethsabée avec, en toile de fond, l’idée de la prédestination des couples qui se forment et dont le modèle est, bien entendu, Adam et Ève.
Moshé Idel est interrogé, lui, sur son livre L’Expérience mystique d’Abraham Aboulafia, pour lequel, la cabbale est une méthode permettant à tout Juif de parvenir à la plénitude avec Dieu.
Un autre auteur méconnu, italien cette fois, le cabbaliste Moïse Haïm Luzzato, est l’auteur d’un ouvrage Le philosophe et le cabaliste dont nous parle Joëlle Hansel qui enseigne la pensée juive à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Luzzato, nous dit Joëlle Hansel, « voulait mettre l’art d’une « belle langue » et l’art du raisonnement au service de la cabbale ». Avec le rabbin-philosophe, Marc-Alain Ouaknin, une belle étude du mot Beréchit, le premier vocable de la Bible, nous est proposée et nous apprenons que la Torah comporte 304 805 lettres exactement qui forment un seul grand mot, le Grand Nom de Dieu.
C’est sur tout autre chose que nous invite à réfléchir Éliane Amado-Valensi à travers son livre La poétique du Zohar : les rapports judéo-arabes. Une remarque intéressante, au passage. En hébreu les mots ‘Ivri (Hébreu) et ‘Aravi (Arabe), sont formés des mêmes lettres. Cela donne à réfléchir.
Enfin, Henri Atlan présente son ouvrage, considéré en son temps comme révolutionnaire, Les étincelles du hasard.
Un ensemble remarquable.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Albin Michel. Avril 2009. Conversations avec Daniel Epstein, Roland Goetschel, Charles Mopsik, Bernard Maruani, Moshé Idel, Joëlle Hansel , Marc-Alain Ouaknin, Éliane Amado-Valensi et Henri Atlan. Avant-propos de Gilbert Werndorfer. 192 pages. 15 euros