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Publié le 17 Novembre 2009

Le Concert (*)

Époustouflant ! Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier ce film hors du commun. On sort de la salle, après deux heures de spectacle, complètement abasourdi, ivre de musique et essoufflé par le rythme endiablé du scénario. Après Trahir (1993), Train de Vie (1998) et Va, vis et deviens (2005), Radu Mihaileanu nous offre, avec son dernier film, Le concert, un somptueux joyau, de véritables moments de bonheur et d’émotion.



Nous sommes en URSS, à l’époque de Leonid Brejnev. Oppressés, victimes au quotidien d’un antisémitisme pernicieux et sournois, les Juifs soviétiques cherchent par tous les moyens à quitter le pays. Ainsi en est-il des nombreux interprètes juifs du fameux orchestre national du Bolchoï. Mais la demande de sortie, la moindre velléité de « sionisme », fait du requérant un paria qui perd son emploi. Ses amis et ses voisins l’évitent. Le Juif d’URSS candidat à l’émigration devient un pestiféré. Le célèbre chef d’orchestre Andreï Semionovitch Filipov (Alexeï Guskov) ne l’entend pas de cette oreille et cherche, par tous les moyens, à protéger ses musiciens juifs dont son ami Sacha Grossman (Dimitry Nazarov). Dès lors, il signe sa perte et sa déchéance. Alors qu’il dirige l’orchestre du Bolchoï dans son interprétation du Concerto pour violon de Tchaïkovski, le maître est interrompu par un commissaire politique envoyé par le KGB, Ivan Gavrilov (Valeri Branov) qui, non seulement fait tirer le rideau, mais, dégradation suprême, brise en deux ostensiblement la baguette du chef. Dès lors, c’est la descente aux enfers pour Filipov. Pendant trente ans, il sera employé au Bolchoï comme homme de ménage, ne tenant moralement que grâce à l’amour et à l’aide psychologique de son épouse, Irina Filipovna (Anna Kamenkova Pavlova).



La revanche viendra d’une idée folle qui germera dans la tête du chef-domestique lors de l’interception inopinée d’un fax destiné à la direction du Bolchoï pour une invitation à se produire au Théâtre du Chatelet à Paris. Avec la complicité inattendue et inespérée de l’infâme Gavrilov, qui y trouve, lui, un tout autre intérêt, Filipov va reconstituer un orchestre de bric et de broc où Juifs et Tziganes s’unissent pour une entreprise extraordinaire de subtilisation.



Des dirigeants du Théâtre du Châtelet, Olivier Morne Duplessis (François Berléand), Jean-Paul Carrère (Lionel Abelanski) et Guylène de La Rivière (Miou-Miou), affolés par une annulation de dernière minute et désireux de combler, à prix réduit, leur programme, le chef russe va obtenir tout ce qu’il demande et voir tous ses desiderata et ceux de ses comparses, acceptés : une visite en bateau-mouche de la capitale, un repas au Trou Normand dont le patron n’est autre que Ramzy Bedia et, surtout, la participation comme premier violon de la vedette du moment, Anne-Marie Jacquet (Mélanie Laurent). Dans ce film, tourné pour une bonne part en Russie et en Roumanie, la scène finale, qui se déroule au Châtelet demeurera comme un morceau d’anthologie cinématographique et musicale. Mélanie Laurent, qui a travaillé ses arpèges pendant trois ans avec Sarah Nemtanu, premier violon soliste de l’Orchestre National de France, est tout simplement éblouissante dans le Concerto pour violon.



On regrettera toutefois que dans son désir de faire très couleur locale, le réalisateur ait cru bon de brosser un tableau de certains musiciens juifs bien typés avec leurs kippot, en commerçants avisés et avides, n’hésitant pas, pour rentabiliser leur séjour à Paris, à organiser une revente au marché noir de téléphones portables dans les rues de la ville. Malgré cette légère incongruité, il faut, toutes affaires cessantes, aller voir « Le Concert ».



Jean-Pierre Allali



(*) De Radu Mihaileanu. 2h. Avec Aleksei Guskov, Mélanie Laurent, François Berléand, Miou-Miou, Lionel Abelanski, Dimitry Nazarov, Valeri Barnov, Guillaume Galienne, Alexander Komissarov, Anna Kamenkova Pavlova, Ramzy Bedia et Jacqueline Bisset



Photo : D.R.