Ils reviennent encore sur cette difficulté de choix dans les pages consacrés à Léon Askénazi Manitou où, citant certains élèves du maître, Gérard Israël, Henri Atlan, Stéphane Mosès, Georges Hansel et Jean Zacklad, ils notent : « Ils auraient dû figurer dans ce livre mais les exigences de l’édition ne nous ont pas permis de le faire ».
De même, le commentaire, entre autre, sur Gershom Scholem, permet, d’un trait de plume, de citer quelques « oubliés » célèbres. Comme il faut lire celui sur David Grossman pour voir apparaître, en filigrane, A.B. Yéhoshua. Quand à l’israélien très prometteur, Etgar Keret, il est ignoré.
Depuis la Bible, les Prophètes, les Psaumes et les Proverbes jusqu’aux auteurs les plus contemporains en passant par des Juifs périphériques tels Montaigne ou Marcel Proust, les Abécassis, père et fille son allés à la rencontre de ceux qu’ils considèrent comme des « passeurs », un terme cher au regretté Paul Ricoeur.
Le principe de présentation est simple : Un texte choisi, d’une ou deux pages est suivi d’une forme de commentaire biographique bien construit et très éclairant.
Comment ne pas approuver la publication des belles pages signées Vassili Grossman, Theodor Adorno, Zvi Kolitz ou Elie Wiesel.
Reste que les absents sont nombreux et que des pans entiers de textes de « passeurs » sont abandonnés : le fameux psaume 137, par exemple ( Là bas, au bord des fleuves de Babylone…), le classique « Il y a un temps pour tout » de Kohelet, les textes du ‘Hida, et pour la période moderne, les travaux de Raphaël Draï, de Gérard Haddad, de Marc-Alain Ouaknin, de Shmuel Trigano, d’Adin Steinsaltz, de Haïm Zafrani, de Léon Poliakov, entre autres, les textes d’Irène Némirowsky, d’Israël Singer, de Liliane Atlan, d’Henri Raczymov, de Cyrille Fleischman , de Nine Moati ou de Marek Halter.
Pour ce qui est des rabbins contemporains, la parole, fort opportunément, est donnée à Gilles Bernheim ou Josy Eisenberg. Mais pourquoi pas à René-Samuel Sirat , Philippe Haddad, Ryvon Krigier ou Daniel Farhi?
La littérature juive d’Afrique du Nord, patiemment répertoriée par le tenace Guy Dugas (1) est complètement délaissée : Elissa Rhaïs, Blanche Bendahan, Albert Memmi, Claude Brami , Emile Brami, Claude Kayat, Colette Fellous, Hubert Haddad pour n’en citer que quelques-uns, sont ignorés.
Un exemple, celui de la poésie, permet de comprendre la difficulté qu’il y a à proposer une anthologie en si peu d’espace. Il a fallu plus de six cents pages à Pierre Haïat pour répertorier les poètes juifs (2). Michèle Bitton (3) a consacré tout un volume aux seules poétesses juives dont la remarquable Sara Copio Sullam. Or nos auteurs se limitent, sur ce thème, à quelques noms, certes justifiés, dont l’israélien Yehuda Amichaï.
Entreprise difficile donc que cette anthologie. On regrettera par ailleurs l’attention accordée au texte abject de Karl Marx sur la question juive et on pourra être étonné de voir l’ouvrage s’achever sur un florilège de bonnes blagues juives.
Reste un travail utile qui aurait mérité deux, voire trois volumes plutôt qu’un seul
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Robert Laffont. Octobre 2007. 474 pages. ?? €
(1) Guy Dugas. Littérature judéo-maghrébine d’expression française. Editions Celfan. 1988.
(2) Pierre Haïat. Anthologie de la poésie juive du monde entier depuis les temps bibliques jusqu’à nos jours. Editions Mazarine. 1985.
(3) Michèle Bitton. Poétesses et lettrées juives. Une mémoire éclipsée. Editions Publisud. 1999.