Depuis quelques années, en effet, au sein des instances internationales qui dépendent de l’ONU, des groupes de pays, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils ne brillent ni par leur démocratie, ni par leur respect des droits fondamentaux, ont entrepris, sournoisement, méthodiquement, de manière répétée, d’introduire, dans des concepts que l’on croyait, depuis René Cassin et les rédacteurs de la Déclaration Universelle, assez clairs pour être intangibles, une dose, plus ou moins grande, de relativisme.
Attention, prévient l’auteur, sans ambages : il y a le feu ! « Les Droits de l’Homme pourraient disparaître au XXIème siècle s’ils perdaient leur universalité ». « Car la démocratie, précise le préfacier, Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, pas plus que les Droits de l’Homme, ne peuvent être l’objet d’un mimétisme conceptuel, d’un transfert institutionnel, comme on parlerait d’un transfert de technologie ».
Bref, les Droits de l’Homme se trouvent à la croisée des chemins. Car si leur indivisibilité était un jour, à Dieu ne plaise, battue en brèche, leur universalité perdrait de sa pertinence et nous nous dirigerions, tête baissée vers une régression, vers une véritable catastrophe.
La plus grave des menaces auxquelles les Droits de l’Homme ont à faire face est ce que Gérard Fellous appelle le relativisme culturel et religieux.
Ce relativisme entraîne des dérives insupportables et inacceptables pour le militant des Droits de l’Homme. La menace religieuse vient essentiellement d’une fraction de l’islam dont l’Iran d’Ahmadinejad s’est fait le héraut. Quand on pense que ce pays, l’ancienne Perse, fut, dans le monde antique, l’un des berceaux des droits de l’homme ! Or, « la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme » est en contradiction avec la charia (le droit islamique) , et cela concerne en particulier les droits de la femme, la liberté de changer de religion, ou la liberté d’opinion et d’expression ».
Pour Joseph Maïla, doyen de la Faculté de Droit catholique de Paris, « les États du monde arabe vibrent à l’unisson d’une même violation des Droits de l’Homme ».
De leur côté, des pays comme la Chine ou l’Inde, mettent en avant ce qu’ils considèrent comme « l’exception asiatique ». Lors d’une Conférence Régionale qui s’est tenue à Bangkok en 1993, quarante gouvernements ont affirmé la nécessité et l’urgence de réécrire les Droits de l’Homme dans la perspective asiatique, c’est-à-dire en tenant compte des particularités culturelles, historiques et religieuses de l’Asie. Faut-il rappeler ici que les Hindous, en 2010, ne sont pas égaux car discriminés hiérarchiquement par un système qui comprend 3000 castes subdivisées en 25 000 sous-castes. Sans parler des dallits, les intouchables, 16,6% de la population qui se retrouve hors système.
Toujours en Asie, le Japon n’a pas de terme dans sa langue pour désigner l’universel. C’est dire ! Quant à la Corée du Nord, comme le souligne l’auteur, elle « offre un extrême planétaire en matière d’ignorance, un degré zéro, des Droits de l’Homme ».
Monde arabe, monde musulman, Chine, Japon, Inde, Corée du Nord…L’Afrique noire n’est pas en reste dans ce combat contre l’universalité. Une « Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », dite « Charte de Banjul » est entrée en vigueur le 21 octobre 1986. Elle suscite plusieurs réserves quant à son universalité et ce sont les femmes, encore elles, qui figurent parmi les principales victimes de ce relativisme culturel qu’on veut nous imposer afin de justifier les pires horreurs que sont les mutilations génitales féminines, le mariage-rapt, l’achat de l’épouse, la quarantaine imposée à la veuve lors du décès du mari, la répudiation en cas de grossesse hors mariage, l’exclusion à l’héritage, la polygamie, le viol ethnique ou de razzia etc… etc…
Tout cela n’est pas facile à gérer comme il n’est pas facile d’essayer de contenter les uns et les autres comme a tenté de le faire la Cour Européenne des Droits de l’Homme en introduisant un concept un peu flou, celui de « marges nationales d’appréciation », qui permettrait, sans descendre au dessous d’un certain seuil de compatibilité, de reconnaître aux États un droit à la différence.
Le danger d’une fragmentation et d’une atomisation est évident et les Droits de l’Homme sont, on le voit, particulièrement menacés. Sous prétexte d’une « Alliance des Civilisations », une idée conçue immédiatement après les attentats islamistes de Madrid en 2004, par le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero, qui a donné naissance, en 2005 à l’OAC, Organisation de l’Alliance des Civilisations, un cheval de Troie a été introduit à l’ONU. En décembre 2008, une résolution spécifiquement consacrée au « dénigrement des religions » a été adoptée en commission à l’ONU. Tensions et dérapages se multiplient. « Le ver est déjà dans le fruit ». C’est pourquoi Gérard Fellous, qui conserve un certain optimisme en appelle à la lucidité et à la vigilance. Avec raison.
Un livre phare à lire et à méditer sans modération.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions de la Documentation Française. 2010. Préface de Boutros Boutros-Ghali. Postface d’Yves Repiquet. 272 pages. 14,50 euros