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Publié le 8 Juillet 2010

Paul Celan, les lieux d’un déplacement, par Alexis Nouss (*)

C’est un travail véritablement monumental sur Paul Celan que nous propose Alexis Nouss, longtemps actif au sein de la communauté juive de France et désormais professeur à l’université de Cardiff et professeur associé à l’université de Montréal.




Aujourd’hui mondialement connu et encensé, Paul Celan a longtemps été un poète méconnu dans notre pays. Né en 1920, à Czernowitz, au cœur de la Bucovine roumaine, berceau du hassidisme, Paul Antschel était le fils unique d’un négociant en bois. Après son baccalauréat, il rejoint la France, à Tours, où il entreprend des études de médecine. De retour au pays en été, il va assister à la tragédie qu’entraîne l’alliance fasciste entre la Roumanie et l’Allemagne. Des milliers de Juifs sont déportés, les autres enfermés dans un ghetto. La synagogue, incendiée est détruite. Ses parents sont arrêtés et lui-même se retrouve dans un bataillon de travaux forcés. Son père mourra du typhus et sa mère sera assassinée au camp de concentration de Michailova. Désormais, marqué dans sa chair, Paul Celan (anagramme de son nom d’origine) alias Paul Aurel alias A.Pavel, est, selon les termes de Spire, « à jamais au milieu des siens, couché au sein de leur mort ». Celan retrouve sa ville natale réoccupée par les Soviétiques en 1944. Puis le voilà à Bucarest, en Hongrie, à Vienne et, en 1948, Paris.



Ce polyglotte qui parle l’allemand, le yiddish, le roumain, le russe et le français devient lecteur d’allemand à l’École Normale Supérieure. En 1951, il épouse une artiste, Gisèle Lestrange. Son premier recueil de poèmes, Pavot et Mémoire paraît en 1952. Son œuvre maîtresse, La rose de personne, date de 1963. Marqué à jamais par la Shoah, marqué par la calomnie et l’incompréhension de nombre de ses contemporains, Celan déprime à longueur de journée. Comme il l’écrit à Ilana Schmueli, son amie la plus proche, « Il se fait tard dans ma vie, et ce avant l’heure ». On le sait, Paul Celan a mis fin à ses jours dans la nuit du 19 au 20 avril 1970 en se jetant dans les eaux de la Seine.



Pas à pas, œuvre après œuvre, Alexis Nouss nous offre une véritable analyse de textes, analyse d’autant plus bienvenue que Celan n’est pas un auteur facile. Un travail remarquable.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Le Bord de l’Eau. Janvier 2010. Préface d’Antoine Spire. 384 pages. 24 euros