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Publié le 29 Janvier 2014

Israël amour et désamour, par David André Belhassen (*)

Voici un livre étrange, déconcertant et même, par certains côtés, exaspérant. C'est le cri du cœur d'un Israélien qui semble désespéré par la vie et par la tournure que prend l'histoire d'Israël et qui semble dire : « Eh bien tant pis. Je vous l'avais bien dit. Après moi le déluge !» De même qu'il n'envisage pas de réciter le kaddish sur la tombe d'Israël dont il prévoit la fin prochaine, il refuse qu'on récite la prière des morts sur sa propre tombe et réfute par avance la présence d'un rabbin.

David André Belhassen est né à Tunis et, comme bien d'autres « Tunes », il a été amené, lorsqu'il fut évident qu'il n'était plus possible de demeurer en terre d'islam, à quitter Tunis pour le 18e arrondissement de Paris puis à opter pour l'alya, la montée en Israël.

 

Belhassen est-il déçu par sa propre existence ? Son quotidien familial et professionnel ne correspond-il pas à ses attentes ? Toujours est-il que dans son livre fortement autobiographique, il tire à boulets rouges sur tout ce qui bouge.

 

« Ni Israël, ni Palestine » est le titre de l'un des chapitres qui renvoie dos à dos les deux adversaires. « Misérables dirigeants israéliens qui, tels des Juifs de ghetto, sont prêts à se défaire de tout canton 'à majorité arabe ', afin de maintenir le 'caractère juif de l'État d'Israël'. Et indignes dirigeants palestiniens qui voient dans la femme un arsenal, et dans ses enfants, fruits de l'acte d'amour, des instruments de guerre ». Pour l'auteur, le mot même de « Palestinien » est un terme dévoyé, artificiel, inventé par les Romains. Le terme « Israël », lui, renvoie à « Taureau de Dieu », le « Veau d'Or ».  Quant aux « printemps arabes », « ils ont vite donné naissance à des étés islamiques réactionnaires ». Avec le « Mur de Sharon », l'État d'Israël a signé, dit l'auteur, sa perdition.

 

En remontant le temps, Belhassen nous décrit Theodor Herzl comme un homme dont l'idéologie « fut responsable de la dégénérescence qui nanifia le sionisme à une aumône de 'foyer national' ». Quant à son héritier spirituel, Ben Gourion, il sera « le croque-mort du mouvement hébreu » et le maire de Jérusalem, Teddy Kollek, rien moins qu'un « kapo ». Henry Kissinger aura été  un « Machiavel des temps modernes » et Golda Meir « une naïve ». Dans un tout autre domaine, l'auteur n'hésite pas à comparer, pour les identifier, le « Shoulhan Aroukh » de Yossef Caro et son « copié-collé », le « Petit livre vert » de l'ayatollah Khomeïni.

 

Les rabbins et les imams, voilà les ennemis du genre humain. « Le Coran se fonde sur la Thora, Mohammad est le sosie d'Abraham. L'islamisme est le fantasme réalisé du pharisaïsme, la Hadith est le prolongement fidèle du Talmud, la charia est calquée sur la Halakha, le cadi est l'avatar du rabbin, la mosquée est le verjus de la synagogue. Bref le judaïsme est la mamelle, ou plutôt la mère porteuse de l'islam ».

 

C'est pourquoi « la séparation de l'État d'Israël de son judaïsme est indispensable à l'avortement de la Palestine  et à l'éradication de son idéologie islamiste ».

 

La seule solution, pour Belhassen, loin de l'idée perverse selon lui de « deux États pour deux peuples », serait la fusion en une seule entité des Cananéens, Hébreux et Arabes en un seul pays, Qedem, le retour à l'origine qui verrait Hébreux arabes et Hébreux juifs  retrouver leurs racines communes. Mais, dit l'auteur, il est déjà trop tard.

 

Exaspérant donc, mais intéressant à lire pour se faire une idée plus précise de la pensée que peuvent véhiculer aujourd'hui certains intellectuels israéliens.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions de la Différence. Juillet 2013. 352 pages. 19 euros.

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