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Publié le 2 Décembre 2014

Quand à l'université de La Rochelle certains réécrivaient le Juif Süss

Par Jacques Tarnero, publié dans le Huffington Post le 2 décembre 2014

Il se nomme Michel Goldberg. Il est enseignant, maître de conférence en biochimie à l'Université de La Rochelle. Il est très investi dans la vie de son université. En 2013 il apprend par un de ses étudiants qu'une pièce de théâtre se monte. Cette pièce a une vocation éducative. Elle devrait mettre en scène les mécanismes de la finance capitaliste débridée qui ravage le monde. Les dégâts planétaires provoqués par les faillites des grandes banques (Goldman Sachs, Lehmann Brothers) avaient nourri l'inspiration des auteurs que sont cinq étudiants de l'Université réunis dans un atelier d'écriture. La pièce en question porte un titre en forme de programme: "une pièce sur le rôle de vos enfants dans la reprise économique mondiale" Quand Michel Goldberg assiste à la première, c'est une très mauvaise surprise qui l'attend.

Voilà que la banque prédatrice porte son nom: "Goldberg & Co"! Pour le professeur de biochimie dont le nom de sa mère est aussi Goldberg, le choc est rude. Pourtant le pire est encore à venir. Tous les poncifs antijuifs les plus classiques de l'antisémitisme à la fin du XIXe siècle défilent sous ses yeux. Le beau souci éducatif dévoilé des méfaits du capitalisme n'est qu'un brûlot innocemment antisémite.

Cette innocence proclamée dévoile l'inconscience des auteurs ou plutôt leur non-conscience de la qualité de l'objet culturel ainsi réalisé, produit et joué. Cette bonne conscience anti finance prédatrice, anti-capitaliste, nommant Goldberg, Cohen 1 et Cohen 2, les prédateurs aussi vils que cupides (y voyez-vous un clin d'œil antijuif? Noooon! Vous avez l'esprit mal tourné! Allons, un peu d'impertinence, que diable!) Cette bonne conscience donc, ne va pas se réduire au cercle étroit de l'Université. Auteur, metteur en scène, autorités académiques et défenseurs des droits de l'homme ne vont rien trouver à y redire. Sous le couvert de l'insolence provocatrice propre aux gens d'esprit et à l'abri de la liberté d'expression, c'est un condensé de l'air du temps qui éclot à La Rochelle. Au moment même où Dieudonné fait des clichés antijuifs la source essentielle de sa petite entreprise, voilà qu'animés des meilleures intentions progressistes et libertaires, le monde académique, mais aussi des défenseurs patentés des droits de l'homme de la paisible Charente vont prendre étonnamment la défense de ce spectacle.

Cette invraisemblable histoire, Michel Goldberg la raconte en détail dans un livre "L'antisémitisme en toute liberté". Elle est emblématique de la confusion intellectuelle présente autant que de la déréliction d'un air du temps aussi nourri de bons sentiments que de bonne conscience. En effet l'histoire ne s'arrête pas au montage de la pièce ou a son contenu médiocre, mais - et c'est ce qui est le plus désolant - l'effet de la pièce est encore plus consternant. Les polémiques multiples, et le refus d'en comprendre la part scandaleuse constituent l'autre versant de cette histoire. Michel Goldberg va prendre l'initiative d'interpeller la direction de l'université, il va interpeller ses collègues, il va questionner le théâtre qui a abrité cette entreprise, il va solliciter les associations qui habituellement se mobilisent contre le racisme et Michel Goldberg va rapidement devoir faire face au front uni de la sottise bien-pensante… Lire la suite.

Source: http://www.huffingtonpost.fr/jacques-tarnero/quand-a-luniversite-de-la-rochelle-certains-reecrivaient-le-Juif-suss_b_6248180.html?utm_hp_ref=france

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