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« Si je veux vivre je dois renaître » écrivait à 34 ans le leader sioniste Zeev Vladimir Jabotinsky, épurant par ces mots lapidaires le sionisme de sa dimension collective et politique, le « nous », pour la serrer au plus près de ce qu’elle contient ; son combat acharné contre le déterminisme, le « je » envers et contre tous.
Un soir de shabbat bancal- entendez un shabbat où l’on fume après dîner- chez une tante inquiète, de celles qui vous reprochent de ne pas vous voir assez, mais précisément le soir où vous êtes là, Alex Raphaëlson jette à son cousin israélien : « Emmène-moi avec toi ». Plus rien à perdre donc… Plus rien à miser non plus peut-être. Le nouveau deal, honnête celui-ci, consiste à investir 15 000 euros dans un restaurant en rénovation à Tel-Aviv.
Mais Alex Raphaëlson connait-il Tel-Aviv ? Non. Est-il déjà allé en Israël ? Possible, mais pas à l’âge adulte, jamais de son plein gré. Y a-t-il de la famille ? Pas vraiment. Sait-il parler hébreu ? Pas un mot. Connait-il le cheminement de l’olé hadash (nouvel immigrant), ses droits et ses devoirs ? Pas plus que le reste. Possède-t-il seulement les 15 000 euros ? Non, mais il sait comment les trouver…
Quel est le sens de cette Alyah ?
Coincé dans une vie étriquée entre un frère incapable, menteur et dangereux avec qui il s’applique pourtant à maintenir une relation d’aspect fraternel, mais qui est en vérité une relation de soumission, une ex-fiancée impérieuse et exaspérante qu’il a quittée (et on se dit qu’il a bien fait), un père désinvolte et une mère morte ; Alex Raphaëlson emprunte aux mots de Jabotinsky leur portée révolutionnaire, l’idée d’une renaissance hors du champ clos de la communauté.
Peut-on renaître dans la rupture ? Assurément. Le récit biblique du cheminement solitaire d’Abraham vers Canaan et le monothéisme, les mots de Ruth à sa belle-mère Naomi, « Ne me presse pas de retourner d’où je viens, là où tu iras j’irai » sont autant d’enseignements plaidant en faveur d’un possible, ailleurs et autrement.
Le film d’Élie Wajman manquerait son objet sans la figure de la belle Jeanne ; Jeanne comme une interférence dans la vie d’Alex Raphaëlson. Peut-on renaître dans l’amour ? Dans l’éros peut-être moins que dans la philia et l’agapé…Jeanne au visage de madone diaphane sourit et toute la puissance de sa beauté n’est rien face au tourment de celui qu’elle commence à aimer. Elle rit avec lui, mais sous son rire rougeoient les signaux de détresse d’une solitude annoncée. Leur ultime face à face dans un café parisien est pétri de connivence, mais tout dans leur échange demeure fragile comme la porcelaine.
Les formalités administratives remplies auprès de l’agence juive ; Alex s’est arraché de la table de jeu, s’est levé et est parti avec celle qui l’attend depuis toujours. Et sous son poids seulement, elle a pris corps :
L’Alyah c’est d’abord l’union d’Alex Raphaëlson et de son existence. Tout le reste n’est que commentaire.
Stéphanie Dassa