Virginie Guedj-Bellaïche

Journaliste-Blogueuse

L'engagement n'est jamais vain

30 Juin 2015 | 458 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Depuis plusieurs années, le cinéma international ne cesse de plébisciter les cinéastes iraniens. Asghar Farhadi en est l’exemple même. Cependant, certains réalisateurs n’ont pas la chance d’être autant ovationnés.

Pour leur cinéma engagé, frontal et dénonciateur du pouvoir politique et du régime iranien, grand nombre de réalisateurs iraniens ont été, pour les plus chanceux, contraint à l’exil, tandis que d’autres en détention, subissent le triste sort réservé aux prisonniers iraniens.

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Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Il y a des rencontres qui vous structurent. Ma rencontre avec l’Uejf – qui a commencé avec un mauvais sandwich dans un local mal-aéré – fait partie de celles-là. J’avoue humblement que sur le coup je ne me suis pas vraiment rendue compte de ce qui se jouait pour moi. Emportée dans une vague irrésistible où se sont succédées des réunions politiques aussi enflammées que les pizzas qui nous accompagnaient étaient tièdes, des tractages dans le froid, des lectures de noms aux commémorations de la Shoah sans oublier les manifestations aux slogans dont la naïveté, nous fait aujourd’hui pouffer. A l’Uejf, j’ai appris mais surtout j’ai compris. Compris que finalement l’engagement était une nécessité, que la formation  ne passe pas seulement pas les savoirs, que l’action même si elle parait stérile sur le papier, n’est jamais vaine.

Je me souviens d’une campagne en milieu scolaire pour le souvenir de Ron Arad. J’ai préparé mon texte. Mes fiches sur des bristols de couleurs sont bien rangées. Je suis droite comme un i, mon discours est un peu raide, mon ton professoral sonne faux dans cette salle de classe de l’ORT de Montreuil où les élèves m’écoutent avec autant d’intérêt que si je leur présentait un plan épargne retraite. Nous sommes en 1997. J’ai 21 ans. Un grand type lève le doigt. « Mais madame, tout le monde sait qu’il est mort le mec, on fait quoi là ? ». Autant vous dire qu’à ce moment, j'aurais bien manger  mes fiches en pleurant. Je tente  de faire bonne figure. Le prof présent dans la classe n’est pas juif. Il décide de m’aider en leur faisant parler de leur rapport à Israël, de leur admiration pour Tsahal. Nous sommes à l’époque des doubonnes et des emblèmes des para de Tsahal qui se déclinent en pin’s et pendentifs.

A l’Uejf, j’ai appris à prendre la parole en public, à organiser un événement, à rameuter du monde pour une manifestation. On parle d’une époque où le réseau des téléphones portables en était à ses balbutiements. A l’Uejf, j’ai appris à accepter que quand on organise un goûter au local on réunit 60 personnes mais que pour un débat sur les élections universitaires on ne soit que 2 (dont moi).

Quand je pense à l’Uejf, je revois ….

·         Mes parents réfléchir avant de me laisser aller à la convention nationale à Strasbourg, organisée là pour participer à la manifestation monstre contre le Front national. « Mais non, maman, je te dis c’est pas dangereux »

·         Mes copines d’enfance me dire « mais attend t’y vas  juste pour trouver un mec rassure-nous ? »

·        La commission de contrôle compter et recompter les voix pour l’élection du président qui opposait Michaël Journo et Arnaud Burtin.

·         Les parties interminables de Trivial Poursuitoù on ne comprenait pas comme moi faisant des études d’histoire, je ne choisissais jamais les questions jaunes.

·         L’inscription « ISRAEL = SS » sur la porte du local de Nanterre qui sera le premier d’une longue série me dira mon successeur à la présidence de cette section.

·         Le flipper du café à côté du siège dans le XVe arrondissement

·         William Ramet éteindre les lumières dernières nous et nous intimer l’ordre de composer le 01 en vertu de la nouvelle numérotation en vigueur, « il parait qu’on est surfacturé sinon »

Quand je pense à l’Uejf, je eepense à Alexandre, Thomas, William, Noa, Michaël, Nicolas, Isabelle, Vanessa, Igal, Patrick, Benjamin, Clélia, Shira, Valérie, Flora, Yariv, Arnaud, Cyril, Itzhik, j’en oublie plein qu’ils me pardonnent. Comme le veut la formule de Patrick Bruel, « on est tous devenus quelqu’un dans son quartier ou plus loin ». On partage quelque chose d’indicible qui fait qu’à chaque fois qu’on se trouve on se serre dans les bras comme si on revenait de loin. A l’Uejf, j’ai rencontré des gens que je n’aurais jamais rencontré ailleurs, j’ai ouvert des portes, découvert d’autres chemins. J’ai appris à décryptr les luttes de pouvoir, les tractations internes, les coups de billards à trois bandes. A l'Uejf, j'ai vu des couples se former, des talents éclore, des carrières se dessiner, des clans se former, des amitiés se défaire. Après mon départ de l'association, j'ai vu de communiqué de presse en manifestations, la France changer, l'antisémitisme exploser, la parole se libérer. Mais j'ai aussi vu, les institutions s'organiser, la relève assurer les places que nous avions laisser vides pour voguer vers d'autres cieux, d'autres engagements. J’ai retrouvé ce quelque chose chez ceux qui nous ont suivi, Raphaël Haddad et Yonathan Arfi ou encore Arielle Schwab. 

L’Uejf a 70 ans.

C’est l’anniversaire d’une organisation mais aussi de tous ses militants. C'est l'anniversaire de tous ceux qui ont délaissé leurs chemins pour donner du sens à quelquechose de plus grand que leur destin personnel, leurs études, leurs loisirs. Mais c'est l'anniversaire de tous ceux qui ont pensé, pense et penseront à un moment donné que l'engagement n'était jamais vain.