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Publié le 29 Juin 2022

Actu - Ida Apeloig : sa mission de vie pour Châteaumeillant

Grâce au combat et à l’obstination d’Ida Rozenberg-Apeloig, réfugiée juive à Châteaumeillant pendant la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui âgée de 84 ans, la cité castelmeillantaise intègre le réseau des Villes et villages des Justes de France. La cérémonie officielle s'est tenue vendredi 24 juin, sur la place de la Mairie.

Nous avons rencontré Ida et Marcel Apeloig, chez eux, en novembre 2021, pour préparer l'exposition Lest We Forget - N'oublions pas*. Ida nous a raconté son histoire, et son combat pour les Justes de Châteaumeillant, le village dans lequel elle a été cachée pendant la Seconde Guerre mondiale. Extrait.

"En 2003, Ida tombe sur le livre d’un résistant du département du Cher, Roger Sandrier. Elle comprend que cet homme a fait partie du même réseau de résistance que son père, à Châteaumeillant.

Ida réalise soudain le rôle que les habitants du village ont joué dans son sauvetage et la survie de sa famille pendant la guerre. Elle veut désormais remercier tous ces gens.

Ida monte un dossier auprès de Yad Vashem afin de faire reconnaître Châteaumeillant comme village de Justes. Cela n’est toutefois pas possible, Yad Vashem s’en tenant aux reconnaissances individuelles, à l’exception du Chambon-sur-Lignon.

En cherchant dans les archives, Ida découvre alors que 144 juifs ont été cachés à Châteaumeillant.

Après une bataille de très longue haleine et un travail acharné pour rencontrer des anciens enfants cachés et des familles de Justes, le 20 novembre 2004, Ida fait apposer une plaque commémorative à Châteaumeillant. Un événement largement relayé par les médias et dont Ida est fière.

Ce jour-là, Ida retrouve Janine, son amie d’école. Janine l'emmène dans la maison de sa grand-mère et Ida y découvre - très émue - une photo d’elle, enfant, sur la cheminée.

Depuis, Ida n’a rien lâché et n’a jamais renoncé à faire rentrer Châteaumeillant dans le réseau des Villes et villages des Justes de France du Comité français pour Yad Vashem. 

Et sa détermination a payé. Châteaumeillant a, enfin, intégré le réseau.

Sa “mission de vie”, comme dit Ida, c’était ça, cette bataille pour la reconnaissance de ceux qui ont aidé."

 

*A partir du 9 juillet, découvrez les portraits et histoires de Ida et Marcel Apeloig sur les grilles du Jardin du Luxembourg, en visitant l'exposition Lest We Forget - N'oublions pas.

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Publié le 24 juin 2022 dans Le Berry

Son obstination aura fini par payer. Depuis des années, Ida Rozenberg-Apeloig, réfugiée juive à Châteaumeillant pendant la Seconde Guerre mondiale, se bat pour que Châteaumeillant devienne membre du réseau des Villes et villages des Justes de France.

« C’est ma mission de vie », confie cette Parisienne de naissance qui, pour rien au monde, ne manquerait la cérémonie de ce vendredi matin, place de la Mairie, qui va officialiser l’intégration de la cité castelmeillantaise au réseau des Villes et villages des Justes de France, distinction accordée par le Comité français pour Yad Vashem.

« Le réseau des Villes et villages des Justes de France a pour ambition de réunir les communes ayant nommé un lieu porteur de mémoire pour perpétuer le souvenir et les valeurs portées par les Justes parmi les nations, ces femmes et ces hommes qui, au péril de leur vie, ont, au cours de la Seconde Guerre mondiale, sauvé des juifs en s’opposant aux persécutions antisémites nazies et à l’État français de Vichy », détaille l’association présidée par Pierre-François Veil, fils de Simone Veil.

Une quarantaine de familles réfugiées

D’après les estimations d’Ida Rozenberg-Apeloig, près de 150 personnes de confession juive, « soit environ une quarantaine de familles », ont, comme elles et son entourage, trouvé refuge à Châteaumeillant à cette époque. Née en juillet 1937, Ida Rozenberg-Apeloig, elle, est arrivée, « début 1940 », à Châteaumeillant, en provenance de Paris, avec sa mère et son frère, Benjamin. « Mon père est démobilisé, à la suite de l’Armistice de juin, et nous rejoint dans cette ville du Cher où nous sommes restés près de cinq ans et où mon petit frère, Jean, a vu le jour en 1942 », se souvient-elle.

« Après la disparition de la zone libre, et l’arrivée des troupes allemandes, la famille, par prudence, se disperse et mes parents me placent chez un couple sans enfant, poursuit-elle. Ces gens m’expliquent, à moi petite fille de 5 ans, que si je rencontre ma mère ou mon père dans la rue, je ne dois pas leur parler ni aller vers eux. Nous réussissons à échapper aux arrestations et, bien sûr, à la déportation et, en 1945, nous sommes remontés sur Paris. »

« Toute ma vie, je serai reconnaissante à Châteaumeillant, dit-elle, soixante-dix-sept ans plus tard. Avec ce titre, je veux l’honorer et dire “merci” à ses habitants qui, malgré les risques encourus, ont recueilli, caché et sauvé la très grande majorité des juifs, hommes, femmes et enfants, qui étaient venus se réfugier dans la commune. »

Une plaque dévoilée

D’où son combat, acharné, pour permettre à Châteaumeillant d’obtenir sa place parmi les Villes et villages des Justes de France. Combat marqué par une première tentative infructueuse, il y a quelques années. Malgré cet échec, Ida Rozenberg-Apeloig n’a jamais perdu de vue son objectif de toujours. Une détermination sans faille aujourd’hui récompensée.

Pour bénéficier de cette distinction, « et même si madame Rozenberg-Apeloig a initié le mouvement », précise le maire, Frédéric Durant, la municipalité n’est pas restée inactive. « On a dû adhérer au Comité français pour Yad Vashem en motivant les raisons de notre demande de reconnaissance », explique l’élu.
« On est dans un souci de devoir de mémoire pour ne pas oublier le passé alors que la Seconde Guerre mondiale s’éloigne et que les témoins sont de moins en moins nombreux », justifie-t-il.

L’émotion devrait, donc, être palpable, ce vendredi, aux alentours de 11 heures, au moment où la plaque commémorative sera dévoilée, sur le mur extérieur du musée des Vieux Métiers. Juste à côté de celle qu’avait apposée, « à titre personnel », Ida Rozenberg-Apeloig, déjà pour remercier Châteaumeillant, en 2004.

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Découvrez le discours de Ida Apeloig lors de la cérémonie du 24 juin 2022 

"Aujourd’hui je suis heureuse et fière d’accomplir ma mission de passeuse de vie.

Je remercie YAD VASHEM, son Président, Monsieur Pierre-François Veil, son équipe et Monsieur David Adam de m’avoir écoutée et d’avoir accepté, exceptionnellement, mon projet de faire intégrer Châteaumeillant dans le RÉSEAU DES VILLES ET VILLAGES DES JUSTES DE FRANCE.

J’ai pris contact avec vous, Monsieur Frédérique Durant, Maire de Châteaumeillant, en vous proposant cette intention. Cela a mis du temps, mais vous m’avez entendu. Je vous en remercie.

J’ai voulu qu’il y ait une continuité dans la reconnaissance à Châteaumeillant à cette plaque que j’ai fait apposée le 20 novembre 2004. Qui disait MERCI.

Merci d’avoir, pendant plusieurs années, de 1939 à 1945, hébergé, caché, et sauvé une trentaine de familles, soit environ 140 juifs.

Pour cette journée mémorielle, je suis entourée de Marcel mon mari, notre fille Évelyne, notre fils Philippe et nos deux petits-enfants, Sacha et Sarah.

Je remercie les représentants de YAD VASHEM qui m’accompagnent, ainsi que Madame Catherine Vieu-Charier et Monsieur François Guguenheim.

Quelques enfants cachés de l’époque sont présents :

La famille Kémélharen, dont Liliane née le 21 juin 1943 à Châteaumeillant, la famille Cogos, la famille Zylberberg - Korman et la famille Samuel Goldberg, venues dire MERCI à :

- Harry Bonjour, photographe qui a fait des fausses cartes d’identité, dont celle de ma mère Golda Rozenberg
- Germaine Bourdeau, qui a caché mon jeune frère Jean, né le 05 septembre 1942 à Châteaumeillant
- Maurice Chaussé, atelier de menuiserie, mon père Samuel Rozenberg y a travaillé.
- Lucien Cluzel pâtissier.
- Germaine Cotineau, qui distribuait le lait aux réfugiés.
- Maurice Delaire, maire de 1940 à 1945
- Armand Déterne, conseiller général
- Madame Ducluzeau
- Madame et Monsieur Dumaille, cultivateurs
- Madame et Monsieur Fayat, cultivateurs qui ont caché ma famille, ma mère, mon père et mon frère ainé Benjamin
- Madame et Monsieur Girodon
- Léon Guyot médecin, qui a mis au monde pendant cette période sept bébés juifs, dont Jean mon frère.
- Camille Lacaisse, tailleur.
- Madame Lamoureux
- Madame et Monsieur Lorman
- Antonin Massicart, ancien maire
- Madame et Monsieur Martin épiciers
- Madame et Monsieur Petitjean
- Auguste Petit, boulanger
- Madame et Monsieur Raffinat, viticulteurs
- Jean Raveau gendarme qui alertait en disant : Triste besogne ce soir, à Auguste Petit, qui transmettait ensuite à toute une chaine de sauvetage
- Madame et Monsieur Roger Sandrier, marbrier.
- Madame et Monsieur Saulnier
- Madame et Monsieur Sotton, qui m’ont cachée et étaient prêts à m’adopter.
- André Vacher ébéniste et camarade de résistance de mon père.

Cette liste n’est pas exhaustive, d’autres noms peuvent y figurer. Tous, par leurs comportements, méritent le titre de « Juste ».

Aujourd’hui, des descendants de ces familles sont venus pour m’accompagner. 

- Jean-Claude Sandrier,
- Michel Cluzel,
- La fille de madame Germaine Bourdeau, Simone Boitier, accompagnée d’André son mari et leurs filles,
- Agnès Masson, la fille de ma camarade de classe Jeanine Lemort-Maréchal.

Probablement bien d’autres !

Je voudrai vous dire combien il est important de ne pas faire abstraction que les habitants de Châteaumeillant qui se sont comportés courageusement pendant cette triste et horrible période de l’occupation allemande, où une partie des Français avaient perdu le sens de la dignité.

Je suis optimiste que rien ne sera oublié. La présence de la jeunesse, aujourd’hui et les plaques scellées sur le mur du « Chapitre » qui était l’ancienne mairie de Châteaumeillant, témoignent à tout jamais.

Étant à l’origine de cette histoire, peut-être un jour mon nom complétera ces traces de mémoire, ici à Châteaumeillant, ville de mon enfance et de mon cœur."

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