Billet de blog – Michel Zaoui, pour mémoire

16 Octobre 2025 | 139 vue(s)
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Crédits photo : ©FRANCOIS GUILLOT / AFP

 

La disparition de Michel Zaoui prive le monde juif d’un de ses plus ardents défenseurs mais ce serait une erreur de jugement que de limiter ses exigences de justice au seul espace communautaire.

Juif, il l’était de toutes les fibres de son âme et la Loi, l’idée de la loi organisait toute sa vision du monde, car cette jurisprudence était structurellement inscrite chez ce fils de rabbin. Michel Zaoui fut l’un des rares avocats à avoir plaidé dans les trois procès mémoriels de l’après-guerre : ceux de Klaus Barbie, de Paul Touvier et de Maurice Papon.

À la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), au sein du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), c’est au prisme du droit qu’il pensait son action. De sa belle voix grave, il ferraillait dur contre les assassins et leurs défenseurs. Il avait su nommer et décrypter ces « crimes de bureau » que certains, en France, auraient préféré oublier. Citant Kafka au cours du procès Papon, il devait rappeler que « les chaînes de l'humanité torturée sont faites en papier de ministères ».

Au début des années 80, l’émergence des faussaires de l’histoire (la formule est empruntée à Robert Badinter) constitua le grand combat intellectuel, juridique et politique de l’époque. Le travail de taupe du négationnisme eut même un certain succès dans les esprits tordus ou chez les nostalgiques de Darquier de Pellepoix. Qui aurait pu imaginer que la contestation de la vérité historique puisse devenir objet de débats ?

Michel Zaoui eut toute sa part dans ces combats et, on en comprend aujourd’hui l’importance rétrospective, quand les mots de « génocide », de « crimes contre l’Humanité », sont dévoyés et détournés de leur sens à des fins de propagande. C’est dès ce moment que s’opère le renversement du sens des mots, le renversement de leur statut symbolique. Il faut se souvenir de ces basculements où à côté des néo-nazis diabolisant depuis toujours les Juifs, toute une gauche à la dérive se mit à établir un signe d'équivalence entre la Svastika et l’étoile de David.

La brutalité de sa mort nous prive de son intelligence, de sa sensibilité et de son amitié. Violoniste, musicien, soucieux des belles choses de la vie, il subit il y a dix-huit ans, un accident vasculaire effroyable. Comment continuer à vivre quand le destin fait tout chavirer ? Cette leçon de choses par l’absurde vient de s’achever. Pour ses amis, il reste une amputation infinie. Notre tristesse est immense.

Que la terre lui soit légère…

Que son souvenir soit honoré.

 

Par Georges Bensoussan, Henri Hajdenberg, Richard Prasquier, Jacques Tarnero

 

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