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Publié le 1 février dans GEO
Quatre-vingts ans après, de macabres témoignages des activités des camps de la mort continuent de refaire surface. Depuis une dizaines d'années, des archéologues mènent des fouilles approfondies dans le camp de concentration de Sobibór situé au sud-est de la Pologne et elles ont livré de nouvelles découvertes.
Dans un récent communiqué, l'Autorité des antiquités israéliennes (IAA) qui participent aux recherches a annoncé la mise au jour de trois pendentifs en métal. Bien que différents, les bijoux présentent tous des représentations de Moïse portant les Tables de la Loi sur une face et une prière juive, "Chema Israël", inscrite à la main sur l'autre face.
"L'aspect personnel et humain de la découverte de ces pendentifs est glaçant", a expliqué dans le communiqué Eli Eskozido, directeur de l'Autorité des antiquités israéliennes. L'un des trois pendentifs est apparu dans les restes d'un bâtiment où les victimes se déshabillaient avant d'être conduites vers les chambres à gaz.
De nombreux autres objets dont des épingles à cheveux ont été trouvés sur le sol du même bâtiment. Un deuxième pendentif a été découvert dans une pièce similaire au sein du camp II tandis que le troisième, où seule la face avec la prière est encore visible, est apparu à proximité d'une fosse commune.
Originaires d'Ukraine, de Pologne et de Tchécoslovaquie
Construit en mars 1942, le camp d'extermination de Sobibór était isolé mais situé à proximité d'une voie ferrée qui permettait d'y conduire les Juifs et les prisonniers capturés en Pologne et dans d'autres zones occupées de l'Union soviétique. Selon une estimation, quelque 250.000 Juifs y auraient été assassinés jusqu'à sa fermeture en octobre 1943.
Au vu des caractéristiques des pendentifs, les archéologues suggèrent qu'ils appartenaient à des individus originaires de Lviv en Ukraine, de Pologne et de Tchécoslovaquie. Mais difficile d'en savoir plus sur leur identité. "On sait peu de choses sur l'histoire derrière ces pendentifs, ce qui est bouleversant", a souligné Yoram Haimi, archéologue de l'IAA qui co-dirige les fouilles.
"Il a été possible d'identifier une sorte de tradition ou de mode parmi les communautés juives d'Europe de l'Est avec de tels pendentifs", a-t-il ajouté. "Mais étaient-ils distribués par les communautés juives locales ou plutôt produits sur commande individuelle ? Les recherches sont en cours et nous invitons le public à nous fournir des informations à leur sujet".
Fermé après une révolte
Le camp de Sobibór a connu le 14 octobre 1943 une importante révolte durant laquelle près de 300 prisonniers ont réussi à s'échapper du centre en faisant une brèche dans les barbelés. Plus de 150 d'entre eux sont re-capturés et fusillés par les nazis et seuls une cinquantaine survivent à la fuite. Parmi eux, Semion Rosenfeld, un soldat juif né en Ukraine et mort en 2019 à Tel-Aviv.
Après la révolte, le camp est fermé et démantelé par les nazis qui tentent d'en dissimuler les traces en plantant des arbres. Très peu de photos et documents ont survécu et le site, longtemps non protégé, a fait l'objet de pillages. Mais son histoire et les témoignages de quelques survivants ont inspiré plusieurs fictions et documentaires.
"Cette découverte bouleversante nous rappelle encore une fois [...] notre obligation de révéler le passé, de le connaître et d'en tirer des leçons", a conclu Eli Eskozido.
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