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Publié le 23 décembre dans L'Obs
Né vers 1040, l’homme passa sa vie à Troyes, en Champagne, et on sait, grâce à des indications dans ses textes, qu’il était vigneron. Par ailleurs, il était juif et rabbin. Il s’appelait Salomon fils d’Isaac (Rabbi Chlomo Its’haqi), on le connaît sous son acronyme : Rachi. Il tient une place centrale dans l’histoire du judaïsme pour ses commentaires, toujours étudiés, de la Bible hébraïque et du Talmud. Il mérite à plusieurs titres sa place dans une histoire de France.
Ses gloses, souvent écrites en français mais notées en caractères hébraïques, donnent aux linguistes d’excellentes pistes pour comprendre la prononciation de l’époque. La vie de leur auteur nous renseigne sur l’évolution de la place des juifs dans la société médiévale. Son métier lié à l’agriculture nous rappelle que pendant des siècles, ils ont été parfaitement intégrés à la vie des villes et des villages. Ce n’est qu’à la fin de la vie de notre rabbin, au moment de la première croisade (1095-1099) que commencent les persécutions. Les foules fanatisées en partance pour la Terre sainte s’en prennent de façon violente aux communautés établies sur le Rhin ou encore à Rouen.
Au XIIe siècle apparaissent les premières accusations de « crime rituel », ces folles rumeurs des temps de Pâques qui prétendent que les juifs assassinent des enfants pour en boire le sang. En 1215 le concile de Latran se raidit dans l’orthodoxie et impose aux juifs et aux musulmans un signe distinctif. Vers 1240, le trop pieux saint Louis fait brûler des Talmud à Paris. En 1394 enfin, Charles VI expulse les juifs du royaume. L’histoire de Rachi le vigneron nous rappelle qu’avant ces temps obscurs, les juifs avaient connu en France et ailleurs en Europe des temps heureux.
Illustration : Portrait de Rachi de Troyes (1040-1105). (c) Fototeca/Leemage via AFP