Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Élections américaines, un mode d’emploi

29 Août 2024 | 77 vue(s)
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De l’élection du Président américain dépend en partie l’avenir du monde.

Par un contraste saisissant, les motivations des électeurs ne dépendent nullement de ces considérations géostragtégiques, mais de leurs soucis quotidiens : le coût du panier alimentaire, le prix de l’essence à la pompe, les intérêts à payer pour sa propriété, la coûteuse couverture des soins ou les dépenses pour l’éducation. De ce point de vue, les indicateurs de la présidence Biden sont indiscutablement favorables : le plein emploi ou presque, l’inflation contenue, la production repartie, la couverture sociale sauvegardée.

Mais le ressenti des citoyens consommateurs est assez déconnecté des indices macroéconomiques, et les facteurs émotionnels, dont le rôle a longtemps été sous-estimé par la vulgate économique influencée par l’analyse marxiste, sont exacerbés par les outils de communication actuels et peuvent générer des réactions d’attirance ou de rejet irrationnelles.

Alors que les ennuis judiciaires de Donald Trump n’ont pas entaché sa popularité, les lapsus de Joe Biden ont entraîné une chute catastrophique dans les sondages qui l’a obligé à ne pas se représenter. Trump triomphait. Il a eu tort. La mise en orbite de Kamala Harris au cours d’une convention démocrate réussie a provoqué chez le candidat républicain une véritable réaction de panique, des commentaires particulièrement inappropriés et une sanction immédiate dans les intentions de vote.

Aujourd’hui, c’est Kamala Harris la favorite, mais les jeux ne sont pas faits et un événement imprévisible pourrait modifier la donne électorale. La situation du monde ne devrait pourtant pas dépendre d’une parole mal placée, mais c’est la loi de la démocratie…

Le système électoral américain a des facettes ahurissantes pour un Français.

À chacun des cinquante États et du District de Columbia est attribué un nombre de grands électeurs qui dépend de sa population. Le parti arrivé en tête emporte la totalité de ces électeurs aussi étroite qu’ait été sa victoire. Le Nebraska et le Maine qui ont institué un système plus nuancé font figure de curiosité.

Parfois le candidat qui a obtenu la majorité des votes n’a donc pas remporté les élections. Ce fut le cas de Al Gore en 2000 et de Hillary Clinton, qui malgré trois millions d’électeurs de plus a été battue par Trump en 2016.

Dans la plupart des États, la campagne est en réalité inutile : on sait que la Californie enverra 54 grands électeurs démocrates, l’État de New York 28 et le Texas 40 républicains.

La compétition se concentre sur les « battleground states » ou « swing states ». Il y en a cinq, car le Michigan, qu’on y inclut en général et où se trouve la plus grande communauté arabo-musulmane américaine, va certainement voter démocrate.

Il reste le Wisconsin, le Nevada, l’Arizona, la Géorgie et la Pennsylvanie, ces deux derniers particulièrement observés.

En Pennsylvanie, 20 % des citoyens ne peuvent pas voter car ils ne se sont pas inscrits sur les listes électorales. Comme ces citoyens négligents voteraient plutôt démocrate, le gouverneur démocrate (Josh Shapiro) a poussé à des mesures d’inscription automatique.

En Géorgie, le Comité de contrôle électoral, à majorité trumpiste, s’est octroyé le droit de ne pas certifier le vote à la moindre suspicion, ce qui prépare à des accusations de malversations si Trump n’obtient pas la majorité. Le gouverneur de Géorgie, pourtant lui-même républicain, tente de s’opposer à cet activisme débridé. Mais la chicanerie juridique américaine a du ressort…

À une bipartition électorale géographique qui contraste grosso modo aux États-Unis un centre républicain et des États démocrates sur la côte Est et la côte Ouest, se surajoutent des différences de genre parfois considérables, peut-être liées à la politique de l’État en matière d’interruption de grossesse. Les femmes votent nettement démocrate et les hommes républicain.

Parmi les inconnues, il y a le comportement des partisans de Robert Kennedy junior, candidat indépendant, de la famille emblématique du parti démocrate. Militant complotiste anti-vaccinal au cours de la pandémie du Covid, il vient de se rallier à Donald Trump, qui lui aurait promis carte blanche dans le domaine de la santé. Ils partageraient tous deux une passion pour la liberté, une estime pour Poutine et une volonté de lutter contre des agences gouvernementales soi-disant corrompues et des sociétés agro-alimentaires qui détruiraient la santé des enfants américains.

Les électeurs orphelins de Robert Kennedy pourraient-ils amener à Trump les voix qui feraient la différence dans les swing states ? Pour l’instant : les sondages suggèrent qu’ils reporteraient plus souvent leurs votes sur Kamala Harris.

Affaire à suivre.

Chez beaucoup de ceux qui se préoccupent du soutien à Israël par le Président des États-Unis, la candidature de Kamala Harris suscite des craintes.

Ils constatent que la plupart des personnalités hostiles à Israël sont liées au parti démocrate, par exemple les membres de ce qu’on appelle la Squad à la Chambre des Représentants et les partisans du wokisme dans le monde universitaire.

Ils minimisent les antisémites à l’ancienne qui rôdent autour de Trump et soulignent que ce dernier appelle les Israéliens à « finir le travail » alors que Joe Biden, qui parle de façon peu réaliste de cessez-le-feu et de paix, a trouvé que les manifestants anti-israéliens à Chicago avaient des arguments à faire valoir.

Ils relèvent que les relations personnelles de Benyamin Netanyahu avec Joe Biden et plus encore avec Kamala Harris n’ont rien de chaleureux.

Ils craignent l’influence de Barack Obama dont la Présidence avait renforcé l’Iran et rappellent que ce sont les Accords d’Abraham, qui ont tenu jusqu’à aujourd’hui, qui semblent les meilleurs véhicules à une solution future du conflit israélo-arabe.

Ils regrettent enfin que les orateurs à la Convetion démocrate n’aient pas insisté sur le fait qu’Israël est le seul allié fiable dans cette région du monde et que le combat qu’il mène contre le fanatisme islamiste est aussi le combat de la démocratie américaine.

À cela s’ajoute qu’Ilan Goldenberg l’homme que Kamala Harris a choisi comme liaison pour les relations avec Israël est un proche de JStreet, et un critique de la politique israélienne.

Ces inquiétudes sont légitimes.

Mais les tentatives de faire virer la convention vers une démonstration de solidarité avec les Palestiniens ont piteusement échoué, les massacres du 7 octobre ont été décrits pour ce qu’ils étaient, des parents d’otages ont pu parler et des Palestiniens non, le droit d’Israël à se défendre a été proclamé sans ambages.

Sans attacher une importance exagérée au fait que Kamala Harris a épousé un Juif qui aime manifestement Israël, je constate qu’elle a toujours proclamé son soutien à Israël et que Jo Biden lui-même a été irréprochable dans ce domaine, tout critique qu’il ait parfois été…

Au cours de cette convention démocrate, il me semble que le parti traditionnel a commencé à se dégager de l’emprise de son aile gauche anti-israélienne. Il y a un long travail à faire tant le narratif de l’innocente victime palestinienne face à l’lsraélien surarmé est devenu dans le public l’estampille de la bonne pensance.

Mais il est fondamental pour Israël que le soutien américain reste bipartisan.

Dans une conjoncture géopolitique exceptionnellement délicate, laisser les clefs de la Maison Blanche à un Donald Trump qui a montré un mépris absolu pour les individus et pour la vérité des faits, qui s’est mis à dos les forces armées par ses déclarations méprisantes envers les soldats tués au combat, qui a les yeux de Chimène pour les autocrates de la planète, tout cela, malgré ses déclarations favorables, est pour beaucoup d’Américains proches d’Israël au-delà de leurs forces.

Je les comprends. Mais à l’intérieur du parti démocrate, les amis d’Israël ne devront pas baisser la garde…

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif

 

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