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La cicatrice reste béante et cette journée de mémoire et de souvenir nous oblige tous, toute génération confondue à poursuivre sans relâches toutes sortes de discrimination raciste et antisémite et de rester vigilants
Nous voici rassemblés comme chaque année à cette même date sur ce lieu de mémoire qui à lui seul est un symbole pour tous les juifs de France. Cette tragédie française des 16 et 17 juillet 1942 nous conduit à une confrontation de notre Histoire commune.
L’opération appelée « Vent Printanier » avait été préparée minutieusement et méthodiquement par les autorités de Vichy avec un zèle qui en avait étonné les responsables de la Gestapo. La Préfecture de Police avait soigneusement établi des listes permettant l’arrestation massive de juifs. Le but poursuivi était de résoudre « la question juive » en France en recensant, excluant, spoliant puis regroupant et exterminant.
A Drancy où nous nous trouvons, ce fut l’antichambre de la mort : « le Seuil d’Auschwitz ». Ce camp a été pendant 3 ans le principal lieu de départ de la France vers les camps d’extermination nazis pour la majorité des convois vers Auschwitz. Dès 1941, des rafles codifiées « billet vert » eurent lieu dans les 4ème 11ème et 12ème arrondissements de Paris. Elles regroupaient exclusivement des hommes français et étrangers de 18 à 50 ans ainsi que les notables français. Au total 4232 personnes furent arrêtées et emprisonnées à Drancy.
A cet instant, je veux rappeler les propos du Président Chirac qui déclarait en 1995 : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français ».
Durant ces 2 journées des 16 et 17 juillet 1942, 13150 juifs furent appréhendés par la police française, dont 4115 enfants. Pour la 1ère fois, des enfants avaient été raflés ; plus tard, ils seront séparés de leur mère.
Dans sa lettre du 13 juillet 1942, le Directeur de la police municipale de Paris avait demandé d’urgence au Préfet de la Seine de mettre à disposition, et ce, dès 5 heures du matin à la fin du service 50 autobus. Ces véhicules devaient se rendre dans les différents centraux des commissariats d’arrondissement et à la caserne de la Cité suivant une répartition communiquée directement à la Compagnie (du métropolitain).
Après les avoir arrêtés quelquefois brutalement, ils furent conduits dans ces autobus vers le Vel d’hiv où les conditions étaient abjectes et dantesques : pas d’air, aucun ravitaillement, rationnement de l’eau, indignité des conditions d’hygiène, aucune intimité. Des infirmières présentes dans l’enceinte du Vel d’hiv ont rapporté des scènes d’horreur et de désolation. Ce lieu avait été choisi, car il pouvait contenir un très grand nombre de personnes.
Dès le 19 juillet, soit quelques jours après la Rafle, un convoi d’adultes quitte Drancy pour Auschwitz où la plupart sera exterminé. Certains sont conduits vers les camps du Loiret avant d’être à leur tour déportés puis exterminés. Là les gendarmes français ont excellé dans l’innommable. Ils vont séparer les mères de leurs enfants souvent par la force, les abandonnant à leur propre sort, le plus souvent malades, sans hygiène, sans soins. Très rapidement, ces enfants seront convoyés vers Auschwitz via Drancy et seront gazés dès leur arrivée.
Cependant, les autorités avaient prévu 22000 arrestations. Le compte n’y était pas. Il faut alors mentionner le courage de certains fonctionnaires qui avaient prévenu des amis et voisins. Ceux qui avaient compris le piège tendu avaient abandonné leurs appartements et étaient partis. Ces Français qui souvent au péril de leur vie ont averti, aidé, accueilli, caché ou qui ont simplement fait preuve d’humanité et de solidarité ont sauvé l’honneur de la France. A tous « ces Justes », nous leur devons une reconnaissance infinie. Sans leur engagement, il est probable que les crimes commis par l’occupant et les complices de Vichy eussent été encore plus nombreux. Leur souvenir nous oblige à méditer sur la liberté de chacun, de sa responsabilité et de son choix.
Sur cette place où nous nous trouvons rassemblés aujourd’hui, 70 ans après, je ne peux éviter de me remémorer un certain 31 juillet 1944.
Arrêtée le 21 juillet 1944 par Alois Bruner, commandant de Drancy en guise de représailles , après avoir vécu et participé au sauvetage des enfants et adultes dont les parents avaient été arrêtés puis déportés pendant toute cette période noire, mon devoir est de transmettre cette mémoire vive qui a sali à jamais l’honneur de la France.
Du convoi 77 parti de Drancy le 31 juillet 1944 dont j’ai fait partie, 300 enfants des maisons de l’UGIF seront gazés dès leur arrivée à Birkenau.
Avec beaucoup d’émotion, je pense à toutes ces vies brisées, ces destins anéantis, ces sourires perdus qui avaient juste le malheur d’être nés JUIFS.
La cicatrice reste béante et cette journée de mémoire et de souvenir nous oblige tous, toute génération confondue à poursuivre sans relâches toutes sortes de discrimination raciste et antisémite et de rester vigilants.
Notre souffle d’anciens survivants s’épuise lentement et sachez que notre mémoire est votre héritage.
Je vous remercie.