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On doit insister sur le fait qu’il faut agir à cause du danger que les islamistes font courir au caractère profondément républicain de la France
« Abdelghani, l’un des frères aînés de Merah, m’a confié que sa mère a insufflé des sentiments antisémites très forts à tous ses enfants. Il réitère ces mêmes affirmations dans un livre qu’il vient de publier. Sa sœur a proclamé à quel point elle est fière de son frère Mohamed, face à la télévision française. Lorsque l’ancien Président Nicolas Sarkozy a proposé qu'on accorde une minute de silence en mémoire des victimes, dans les écoles, des élèves musulmans, dans certaines d’entre elles, ont refusé de s’y conformer ».
« Nous avons parlé avec les représentants des organismes musulmans, en leur disant qu’ils devraient condamner sans réserve aucune les meurtres de Merah. Ils les ont, effectivement, condamnés, mais essentiellement, pour essayer de prouver que les Musulmans étaient aussi les victimes de Mohamed Merah, parce que ses crimes risquaient d’alimenter « l’Islamophobie ». La plupart des organisations musulmanes officielles sont faibles et ne bénéficient que d’un soutien limité, au sein de la communauté musulmane. Les radicaux sont parvenus à réduire au silence la majeure partie des musulmans modérés. Nous assistons aussi à une influence croissante, en provenance des pays arabes, parmi les Musulmans français. C’est particulièrement criant dans le cas du Qatar, qui est très influent et investi dans les sports français. Il y a aussi, malgré tout, de bonnes nouvelles. Dix-huit imams français ont récemment fait le voyage en Israël. Leur volonté de visiter Israël est un acte courageux, puisque beaucoup d’entre eux font l’objet de vives critiques de la part des autres Musulmans ».
« Les meurtres de Merah ont eu des effets contrastés, en France. Certains médias commencent à comprendre que les islamistes radicaux mettent en danger les idéaux républicains qui incarnent les valeurs françaises. Dans un éditorial du Monde, j’ai expliqué à quel point l’Islam radical partage des caractéristiques communes avec le Nazisme ».
« On a, traditionnellement, identifié l’antisémitisme en France comme un pur produit de l’extrême-droite. C’est vrai, mais ce type-là est en déclin. Cela permet de passer sous silence l’antisémitisme significatif, qui est vivace au sein de la gauche et de l’extrême-gauche. Il s’exprime principalement sous la forme de l’antisionisme. On peut s’opposer, par principe, à l’idée sioniste, pourtant si certaines personnes font bien la distinction, en classant le Sionisme parmi un ensemble d'idéologies, c’est aussi par ce biais que d’autres deviennent antisémites ».
« L’antisémitisme de gauche se nourrit de racines historiques anciennes. Au XIXe siècle, l’antisémitisme était puissant parmi les précurseurs du socialisme. De nos jours, les antisémites de gauche comparent, de manière fallacieuse, l’attitude israélienne envers les Palestiniens à celle de la France dans ses anciennes colonies. Ils perçoivent les Palestiniens comme les victimes d’un supposé « colonialisme » israélien qui n’a aucune forme d’existence concrète, et projettent leurs propres sentiments de culpabilité sur les Israéliens ».
« La situation est même pire, du fait que la majorité des médias français font preuve d’un parti-pris anti-israélien. Le CRIF a récemment invité un groupe de 66 étudiants en journalisme à se rendre en Israël. Ils viennent de l’école de journalisme de Lille, la plus prestigieuse du pays. Nous savons, grâce à des sondages internes, qu’à une écrasante majorité, ils ont voté contre Nicolas Sarkozy, aux récentes élections présidentielles et qu’un nombre significatif d’entre eux soutenaient plutôt les candidats d’extrême-gauche ».
« L’antisémitisme français est un phénomène complexe. Peu de temps avant l’élection, Dominique Strauss-Kahn, qui est publiquement identifié en tant que Juif, paraissait être le candidat socialiste incontesté. Son Judaïsme n’est devenu un sujet d’intérêt que sur quelques blogs d’extrême-droite. Sarkozy, cependant, était convaincu qu’une part importante de l’opposition que lui-même a suscitée est due à un antisémitisme latent, alors qu’on le perçoit, de façon erronée, comme Juif, simplement parce que son grand-père maternel était d’origine juive ».
« Avant de devenir Président, Hollande n’avait que très peu de relations avec les organisations juives. Malgré cela, on l’a toujours considéré comme fermement opposé à tout antisémitisme. Depuis son élection, Hollande en a fait un point important pour montrer son soutien sans faille à la Communauté juive. Il l’a exprimé lors d’une cérémonie de commémoration pour les Juifs déportés, à Paris, en juillet et l’a, une fois encore, manifesté, lors de l’inauguration d’un centre pour la mémoire, à Drancy, en septembre. La majorité des Juifs de France ont été déportés et conduits à la mort, au départ de ce camp de transit. Hollande a, également, accompagné Benjamin Netanyahu à Toulouse, et a déclaré, à cette occasion, que le Premier ministre israélien était tout à fait dans son rôle, lorsqu’il montre sa préoccupation au sujet de l’antisémitisme français ».
« Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, s’est aussi exprimé avec force contre l’antisémitisme. Plusieurs socialistes actuellement au pouvoir éprouvent de la sympathie à l’égard d’Israël. C’est, cela dit, bien moins le cas avec la nouvelle génération qui monte ».
Richard Prasquier conclut : « D’une part, la Communauté juive de France est inquiète pour son propre avenir. Il existe une émigration juive qui se met en place, dont une minorité seulement choisit de partir pour Israël. De l’autre côté, nous demeurons une des communautés juives les plus importantes, selon les normes internationales. Il y a des signes d’espoir, alors que de plus en plus de Français reconnaissent les dangers qui proviennent des cercles radicaux islamistes. Les Juifs ne devraient pas accepter de passer des alliances malsaines avec l’extrême-droite populiste, qui tente de se les aliéner sur la base d’une crainte commune de l’Islamisme. On doit insister sur le fait qu’il faut agir à cause du danger que les islamistes font courir au caractère profondément républicain de la France. Il n’est pas nécessaire d’insister sur le fait que la principale motivation de cette lutte se résumerait uniquement aux menaces que les islamistes radicaux font spécifiquement peser sur les Juifs ».
Le Dr Manfred Gerstenfeld est membre du Conseil d’Administration du Centre des Affaires publiques et de l'État à Jérusalem, qu’il a présidé pendant 12 ans. Il a publié 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.