Le CRIF en action
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Publié le 17 Octobre 2013

«Notre première priorité : lutter contre l’antisémitisme»

Propos recueillis par Ève Moulinier pour le Dauphiné Libéré

 

Roger Cukierman est le Président national du CRIF. À l'occasion de sa venue en Isère et de la tenue d'une réunion publique à Grenoble, il a répondu aux questions du Dauphiné Libéré sur l'avenir de cet organisme. 

Il est temps de travailler avec l'Éducation nationale, les pouvoirs publics, les parents, les représentants des différentes religions

Quel est votre projet pour le CRIF, à la tète duquel vous avez été récemment réélu?

 

Notre première priorité est la lutte contre l'antisémitisme. Vous savez, j'ai déjà été président du CRIF de 2001 à 2007 et la situation s'est vraiment aggravée en France. Non pas avec le gouvernement, avec lequel nous entretenons des relations aussi bonnes que celles que nous avions avec Nicolas Sarkozy. Mais l'antisémitisme progresse dans l'opinion publique.

 

Quels sont les signes, selon vous, de cette progression?

 

Le premier signe est la montée spectaculaire du Front national, qui banalise finalement l'antisémitisme traditionnel. Certes, ce n'est pas violent, certes, on ne peut rien reprocher à l'attitude de Marine Le Pen. Mais on n'est pas naïfs, on sait qu'elle a dans son entourage des personnalités au passés critiquables.

 

Mis à part le FN, d'autres formations politiques vous inquiètent-elles?

 

Évidemment, il y a, à l'extrême gauche, une forte poussée de l'antisionisme, qui est, en fait, le mot convenable pour dire antisémitisme. Dans certaines formations, comme les Verts ou le Front de gauche, il y a des personnalités antisionistes qui appellent au boycott des produits israéliens et qui défendent au Conseil européen l'interdiction de la circoncision. Je ne suis pas pratiquant, mais cela me heurte. Car tout cela participe à une vague porteuse, même si là encore, ce n'est pas violent.

 

Vous évoquez aussi une hausse des violences physiques...

 

Les actes de violence ont augmenté, et notamment depuis l'affaire Merah à Toulouse. Aujourd'hui, par exemple, se promener avec une kippa sur la tête dans Paris peut être dangereux. Les chiffres sont parlants. De plus, ces actes sont généralement commis par certains jeunes issus de l'immigration. C'est-à-dire que des actes antisémites sont commis par des personnes qui pourraient elles-mêmes être victimes de racisme. Il y a donc besoin d'un vrai travail d'éducation, auquel le CRIF veut participer. Il est temps de travailler avec l'Éducation nationale, les pouvoirs publics, les parents, les représentants des différentes religions. II est temps de travailler sur le vivre ensemble.

 

« Le CRIF ne doit pas apparaître comme la deuxième ambassade d'Israël»

 

Pour Roger Cukierman, « le grand public a une opinion faussée du CRIF » et c'est pourquoi il a décidé d'ouvrir son organisme. Il nous explique pourquoi : « Le fait qu'on ait longtemps mené un combat pour défendre la politique d’Israël - combat dont je ne renie rien - a pu fausser notre image. Le CRIF ne doit pas apparaitre comme la deuxième ambassade d'Israël, car nous sommes une fédération des associations juives de France. Je souhaite donc que nous nous recentrions sur les besoins des Juifs de France, sur les problèmes qu'ils rencontrent. Je précise toutefois que nous continuerons à soutenir Israël, comme à soutenir toutes les actions en faveur de la paix. » En ce qui concerne la structure même du CRIF, M. Cukierman annonce qu'il a réussi à faire changer ses statuts afin que des personnes physiques, et donc des personnalités, puissent aussi faire partie du comité d'administration. « Nous voulons ouvrir notre organisme sur le monde. Nous avons aussi lancé l'association des Amis du CRIF où chacun, Juif ou non-juif, peut adhérer pour une somme modique. Dans ce cadre, nous organisons des rencontres-débats avec des personnalités. Nous avons déjà reçu Harlem Désir, du Parti Socialiste. Prochainement, nous allons projeter en avant-première le dernier film de Claude Lanzmann et nous recevrons bientôt Jean-François Copé, en tant que président national de l'UMP. »