Lors de cette commémoration présidée par Jacqueline Keller, vice-présidente de la commission du Souvenir, plusieurs personnalités ont pris la parole pour rappeler le souvenir des combattants du ghetto de Varsovie, et des autres ghettos : Béatrice Prasquier, représentante de la jeunesse juive ; Larissa Cain, rescapée du ghetto de Varsovie, historienne, écrivain ; Mendel Feldman, au nom des organisation du secteur yiddish ; Roger Cukierman, président du CRIF.
On notait la présence de nombreuses personnalités dont : Jan Tombinski, ambassadeur de Pologne ; Gedrus Cekuolis, ambassadeur de Lituanie ; Rafaël Barak, chargé d’affaires ad interim d’Israël en France ; Avi Pazner, président mondial du Keren Hayessod, ancien ambassadeur d’Israël en France ; Georges Sarre, ancien ministre, et maire du XIème arrondissement ; Danièle Hoffman-Rispal, députée de Paris ; Charles-Edouard Lasnier Lachaise, représentant le Maire de Paris ; Dominique Bertinotti, maire du IVème arrondissement ; Jean-Michel Rosenfeld, maire-adjoint du XXème arrondissement ; Pierre Besnainou, président du Congrès Juif Européen.
On lira ci-dessous le texte de l’intervention de Roger Cukierman :
ALLOCUTION DE ROGER CUKIERMAN PRESIDENT DU CRIF
C’était le 19 avril 1943. La veille de Pessah. A Varsovie. Dans le ghetto. Ils se sont révoltés, avec un armement dérisoire, contre la plus forte armée du monde, sans la moindre aide extérieure, sans la moindre chance de gagner, sans la moindre perspective de survie, à mains nues, avec des cocktails molotov. Ils se sont attaqués au monstre nazi, pour l’honneur,
Ces « untermensch » ont tenu plus longtemps que l’armée polonaise, plus longtemps que l’armée française.
Ces hommes, femmes et enfants venaient de tous les horizons : communistes, bundistes, sionistes, religieux, athées.
Ils ont été réduits par les tanks, par les lances flammes, un par un, maison par maison.
C’était pour le prestige nazi totalement insupportable.
Ils se sont révoltés à Varsovie, mais aussi à Vilnius, à Bedzin, à Bialystok, à Brody, à Czestochowa, à Kremenetz, à Lublin, à Lwow, à Minsk, à Ratno, à Sosnowiec, et au total dans une quarantaine de ghettos.
Comme les combattants de la MOI en France, comme la résistance juive en France. Ils ont combattu pour la liberté. Ils sont notre fierté.
- Ce que nous commémorons aujourd’hui, c’est le refus de la soumission
- Les combattants des ghettos se sont levés, sachant que leur combat était désespéré, mais fiers d’être Juifs. Ils ont surgi de la nuit, du fond du désespoir, pour nous montrer à nous, leurs enfants, qu’il y a toujours de l’espoir quand on a le courage de dire non.
- Ce que ces hommes, ces femmes, ces enfants ont subi dans ces ghettos était inhumain. Le ghetto c’était d’abord la faim, cette faim qui réduit puis détruit l’esprit, qui fait de vous un animal.
Le ghetto, c’était aussi la maladie, les épidémies.
Le ghetto, c’était l’indifférence des autres, le silence du monde, l’enfermement.
C’était une immense prison. C’était la souffrance morale d’être abaissé, avili. C’était la perte progressive, inéluctable des raisons de vivre. Et le sentiment d’avoir été déshonoré, abaissé, c’est une souffrance morale pire que la souffrance physique.
Ils étaient mûrs pour la mort, mais avec toujours ce petit espoir qui aurait pu anéantir les velléités de rébellion.
- Et parmi ces combattants, tous ces enfants à qui on a volé leur jeunesse, morts sans bar mitzva, morts sans que leurs parents puissent les emmener à la Houpa, sans qu’ils puissent jamais fonder un foyer et avoir à leur tour des enfants.
- Et comment expliquer que le monde n’ait rien voulu entendre ? Pourquoi les Américains ont-ils été sourds au cri d’angoisse lancé par l’Américain Karski qui avait réussi à entrer puis à sortir du Ghetto de Varsovie, et qui a essayé, en vain, de convaincre et les Juifs Américains, et les Gouvernements alliés de l’extermination qui était en cours ?
- Mais où étaient ceux qui auraient pu bombarder les rails, les gares, les camps de déportés, où étaient Roosevelt, Churchill, Staline, où étaient les héroïques résistants polonais, les justes qui auraient pu fournir des armes ?
Certes, il y a eu en Pologne 5.000 Justes Polonais. C’est un chiffre considérable. Nous leur devons une profonde reconnaissance. Mais qu’est-ce que 5.000 Justes en comparaison des 3 millions de Juifs Polonais, des 6 millions de martyrs juifs ?
Ces héros du ghetto de Varsovie ont marqué la renaissance du peuple juif, le refus de l’anéantissement, le courage de mourir debout.
Ces 600 combattants du Ghetto de Varsovie ont été les premiers dans cette horrible guerre mondiale à organiser une révolte armée contre l’oppresseur, avant même la résistance française, et avant les résistants yougoslaves de Tito.
Ils ont écrit pendant un mois entier l’une des pages les plus héroïques de l’histoire humaine.
- Nous leur devons respect, fidélité, et amour car ils nous ont donné, ils nous donnent la fierté d’être juifs. Leur sacrifice, nous permet de mesurer le prix de la liberté, le prix du courage. Et nous transmettrons leur souvenir à nos enfants car c’est notre devoir de mémoire.
- Et face à cette abomination, où était Dieu ? Il était sans doute avec les Juifs enfermés dans les ghettos, affamés, condamnés, abandonnés, qui se sont attaqués au monstre nazi, pour l’honneur.
- Ils ont marqué la renaissance du peuple juif, le refus de l’anéantissement, le courage de mourir debout.
- Ils étaient les annonciateurs de la création de l’Etat d’Israël. Leur courage a guidé les pas des fondateurs de l’Etat juif.
Cet état juif se bat aujourd’hui entouré de haine, entouré d’ennemis, mais avec courage, avec détermination.
Ces héros n’ont pas eu d’enfants. Mais à cause de leur sacrifice, nos enfants peuvent vivre fièrement et librement en Israël et dans le reste du monde.
Que leur mémoire reste éternellement dans la mémoire de nos enfants !