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L’importance numérique de sa communauté juive pose aussi des problèmes, après 70 ans de régime communiste et une émigration massive. L’évaluation est large. Elle va de 150.000 à 500.000 personnes selon les critères d‘appartenance juive.
On y trouve un phénomène semblable à la Russie. Avec l’accord du pouvoir politique, le mouvement Loubavitch, dont le dynamisme est omniprésent, a pris le contrôle du judaïsme orthodoxe, se superposant à ce qui existait. Il y a peu de temps, la réunion des Rabbins européens a manifesté sa solidarité avec le Grand Rabbin Bleich, dépossédé de ses fonctions par un nouveau grand rabbin.
L’unité n’est pas non plus la dominante au sein du judaïsme ukrainien. Aussi l’initiative de la Communauté unifiée juive d’Ukraine, animée par le Congrès juif pan-ukrainien, de convoquer un grand congrès à Kiev est elle très importante.
Ce congrès qui a réuni plus de deux mille délégués, de toutes les communautés d’Ukraine, s’est tenu les 18 et 19 mai dans la magnifique salle du Centre International d’art et de culture. Une grande banderole en ukrainien dominait la scène. « Congrès des Juifs d’Ukraine ». Les débats eurent lieu en ukrainien (un peu) et en russe (beaucoup), le russe restant la langue dominante du Judaïsme ukrainien.
Après un message de la Présidence de la République ukrainienne, puis du Premier ministre, de nombreux parlementaires ukrainiens prirent la parole, dont M. Youshenko, un des candidats virtuels aux prochaines présidentielles, du parti « Notre Ukraine », alors que l’on ne sait pas si le Président Koutchma se représentera.
Le Grand rabbin ashkénaze d’Israël, prit la parole en hébreu, ainsi que plusieurs parlementaires israéliens et l’ancien chef du Shabak. L’ambassadrice d’Israël prit la parole en russe, comme le Président du groupe Israël-Ukraine de la Knesset.
Dans un brève allocution en russe, je pris la parole au nom du CRIF et du Président Cukierman, pour assurer le judaïsme ukrainien de l’amitié du judaïsme français et de l’intérêt porté par la Communauté juive de France au développement de la Communauté juive d’Ukraine, et à la lutte commune contre l’antisémitisme. Je tins à rappeler que dans ce combat nous avions l’appui sans réserve du Président français, du gouvernement et du Parlement, toutes tendances confondues. J’y ajoutais le souhait de voir nos relations se développer.
Le Congrès a élu à sa présidence M. Vadim Rabinovitch, président du Congrès juif pan-ukrainien. Il s’agit d’une personnalité très forte, de dimension nationale, très lié aux Loubavitch. Il a publié un livre sur les « Secrets des sages juifs » émaillé de citations de très nombreux rabbins du passé et édite un hebdomadaire communautaire VIEK (le Siècle) tiré à 15.000 exemplaires et qui écrit s’adresser aux 400 communautés juives de toutes les régions d’Ukraine.
Plusieurs vice-présidents furent nommés, en tête desquels le député Tchervonenko suivi de plusieurs personnalités du monde économique.
Prenant la parole, le rabbin Dukhovni, s’est étonné de l’absence de place faite au « Judaïsme progressif » (libéral) dont il anime les 50 communautés en Ukraine. Le Président Rabinovitch lui demanda alors de venir prendre place au Présidium de la séance.
L’un des thèmes des débats fut bien entendu l’antisémitisme, phénomène un peu consubstantiel à l’histoire de l’Ukraine et l’idée fut lancée de créer une structure semblable à l’Antidiffamation League américaine. Si cette proposition est suivie d’effet cette structure aura du pain sur la planche. Il suffit de se promener au Centre de Kiev, place de l’indépendance, pour voir sur les étals des marchands d’objets touristiques des brochures et livres antisémites, en ukrainien, avec des titres tels que « le Syndrôme juif » ou la traduction du vieux livre d’Henri Ford (qui l’avait désavoué sur ses vieux jours) « Le Juif international » ou de livres plus récents du révisionniste américain David Duke.
Claude-Gérard MARCUS