Une sorte de cécité ou d’autisme frappe quelques commentateurs israéliens, lorsque la question du boycott des produits israéliens redevient d’actualité. Pourtant, nous savons tous que le mouvement dit de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) s’est restructuré. Nous savons également que les militants du BDS mènent des actions répréhensibles -tant moralement que juridiquement- dans de nombreux pays (Grande-Bretagne, Italie, France, Allemagne…). Ces militants sont si déterminés, si mobilisés et si structurés qu’ils ont élaboré et mis en place des actions coups de poing qui visent à empêcher non seulement la commercialisation des produits israéliens, mais encore à médiatiser leurs actions et à délégitimer l’Etat d’Israël. Il ne s’agit pas simplement d’empêcher que des produits des territoires soient vendus. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’article qui a été publié dans Electronicintifada, le 11 novembre 2008. Le théoricien palestinien Omar Barghouti révèle la stratégie et s’oppose d’emblée à ceux et celles qui voudraient limiter l’impact du BDS aux seuls produits des territoires. Que dit-il ? « Le boycott des produits des colonies, s’il peut être proposé dans certains contextes ne peut être qu’un premier pas vers le boycott de tous les produits israéliens », Cette phrase a au moins le mérite d’être parfaitement claire.
Un autre point mérite d’être souligné. Après la codification et la légalisation de l'Apartheid en Afrique du Sud (1948), le boycott des fruits sud-africains en vente à l'étranger a été suivi avec passion et persistance dans beaucoup de pays et pendant longtemps. Il ne s'agissait pas, cependant, de perturber de façon grave l'économie sud-africaine, basée en large mesure sur l'or et les diamants (en 1979, les exportations d'or constituaient 61% du total des exportations, les oranges et autres fruits quelques pour-cent seulement); ni d'avoir comme but précis (pour reprendre la phrase de Robert Ecuey) « la disparition de l'Etat de l'Afrique du Sud ». Il s'agissait de stimuler la création du climat mondial de réprobation, mépris et colère, qui a contribué à isoler le gouvernement sud-africain. C’est ce qui a permis d'arriver ensuite à la concrétisation des sanctions, décidées par l'OPEP, par le gouvernement japonais, par les Nations Unies, par le Congrès étasunien, etc. Jusqu'à la fin du régime de l'Apartheid en 1992.
Mais, c’est cette campagne qui inspire le stratège Omar Barghouti. Son argumentation s’appuie sur le modèle du boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. Selon lui, la lutte pour l’abolition de l’Apartheid peut effectivement servir de référence à la lutte actuelle pour la Palestine.
Que dit Barghouti ? : « Les crimes commis à Gaza ont donné une impulsion aux campagnes de la société internationale pour obtenir qu’Israël soit traité comme l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Sans s’en rendre compte, Israël a déclenché le commencement de la fin pour son régime d’occupation coloniale et sa version particulière d’apartheid » (L’Humanité, 28 mars 2008). En 2009, Omar Barghouti précise sa pensée : « Des gens qui disent maintenant que nous ne devrions pas boycotter les universités israéliennes, qu’est-ce qu’ils ont fait dans les années 80 ? Est-ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes boycotté les institutions universitaires sud-africaines ? En fait le boycott sud-africain était un boycott total contre toute chose et toute personne d’Afrique du Sud, pas seulement les institutions. Le boycott palestinien est contre les institutions. Les mêmes personnes qui dans les années 80 ont rejoint un boycott total contre tout ce qui était sud-africain et l’Apartheid sud-africain sont les mêmes personnes qui disent hypocritement maintenant que nous ne devrions pas boycotter Israël. C’est de l’hypocrisie, c’est deux poids deux mesures et c’est traiter Israël comme une exception. » A noter que ce théoricien du boycott ne s’exprime pas sans l’autorisation de l’Autorité palestinienne, qui couvre et encourage totalement son action.
Avec le BDS, nous sommes donc en présence d’une campagne structurée qui vise à délégitimer Israël. Malheureusement, lorsqu’il m’arrive de parler de ce sujet à quelques Israéliens, je m’entends répondre : « ne t’inquiète pas Marc. Cela n’a pas d’influence sur les ventes. Et puis, l’économie israélienne est forte, puisqu’Israël vient d’entrer à l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui regroupe les économies les plus puissantes de la planète. » Certes, et nous nous en félicitons. Mais cela, n’a rien à voir avec le mouvement du BDS qui vise, répétons le une fois encore, à diaboliser, à nazifier l’Etat d’Israël et à punir tout un peuple.
Ne pas mesurer que le BDS est tout aussi pervers pour l’image d’Israël que pouvait l’être la conférence de Durban de 2001 est une erreur fondamentale, une erreur qui sera lourde de conséquences.
Marc Knobel
Photo : D.R.