Le CRIF en action
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Publié le 16 Juin 2010

Discours de candidature du président réélu Richard Prasquier, prononcé le 13 juin 2010

« La démocratie électorale est un trésor commun qu’il n’est pas question de brader et il est sain que le Président du CRIF remette son mandat en jeu après trois ans. Qui représentera le mieux les Juifs de France dans leurs engagements et leur diversité, qui témoignera le mieux pour leurs attentes et leurs inquiétudes ? Qui dira de la façon la plus convaincante la pérennité de leurs liens avec Jérusalem et avec un Israël multiple et démocratique ? Voilà les questions, les seules questions, auxquelles vous devrez répondre aujourd’hui. Ni la tradition, ni les souvenirs de jeunesse, ni l’amitié, ni la sympathie ou les calculs, ni, bien entendu, les pressions ou tentations affectives ou matérielles, ne sauraient vous détourner de la responsabilité qui est la vôtre. Jamais peut-être elle ne fut plus grande au cours de l’élection d’un président du CRIF. Je sais que chacun d’entre nous saura faire son choix, en conscience, dans l’intérêt de notre Communauté.




Nous devons relever de difficiles défis dans la société française où les Juifs ne sont qu’une petite minorité. Cette société est travaillée, comme celle d’autres pays du monde, par des courants puissants et hostiles. Que cela nous plaise ou non, les perceptions de l’opinion publique nous sont actuellement peu favorables, bien que l’antisémitisme soit rejeté avec vigueur par les pouvoirs publics. Nous devons combattre nos détracteurs et travailler pour mieux nous faire entendre dans cette société, nous devons ouvrir des passerelles et les éclairer par les lumières de nos expériences, car celles-ci nous préfigurent l’avenir. Cela a toujours été au cœur de mon engagement.



Le travail du CRIF, c’est souvent un effort de longue haleine où les résultats ne sont que lentement perceptibles de l’extérieur. Les interventions souvent discrètes, les contacts, les mises en garde, les relations intra-communautaires ou intercommunautaires, nationales ou internationales, les interventions ou les conférences, en France ou à l’étranger, la préparation des dossiers ou des colloques, font le quotidien du président et de ceux qui l’entourent. Un travail de fond est fait notamment à l’intérieur des commissions dont certaines sont particulièrement actives et je m’engage à les ouvrir à ceux d’entre vous qui voudront les rejoindre.



Cette campagne se termine alors qu’aujourd’hui plus que jamais l’heure doit être à l’unité. Nous avons besoin d’être ensemble. Mais ne vous inquiétez pas, nous sommes ensemble et si vous me faites l’honneur de me reconduire dans mes fonctions, nous resterons ensemble.



Unité, cela va de soi, pour lutter contre un antisémitisme qui se formule comme une évidence chez tant de jeunes et moins jeunes dans les quartiers qu’on dit difficiles. Mais aussi l’antisémitisme classique qui reprend force dans certains pays européens ou américains et qui réalise volontiers des alliances apparemment, mais apparemment seulement, contre nature, l’antisionisme permettant d’agglomérer toutes les haines disparates. Unité aussi devant la détestation d’Israël et le traitement de ce pays et lui seul par la communauté internationale et ses représentants politico-médiatiques, comme on a pu le voir ces jours-ci lors de l’opération de contrôle de la flottille dite humanitaire.



Quelques heures après cette opération, il était déjà clair que le commando chargé d’arraisonner le Navi Marmara était tombé dans un piège, monté par une organisation islamiste turque. Avant les autres, dans le communiqué du CRIF, nous avions parlé d’embuscade, contrairement à ce qu’a d’abord prétendu l’AFP. Je l’ai ensuite martelé dans les différents media où je me suis exprimé.



Neuf morts, c’est un bilan humain lourd. Qui se rappelle aujourd’hui qu’en novembre 2004, des soldats français assiégés, se sentant en danger, avaient ouvert le feu sur la foule d’Abidjan entrainant 67 morts. Avait-on vu des réactions indignées, des manifestations dans le monde, des slogans comparant la France aux nazis? Non, non heureusement. Des exemples comme celui-ci, vous en connaissez bien d’autres.



A Israël, rien n’est pardonné, et la vérité une fois connue ne provoque aucune réflexion en retour sur la légèreté avec laquelle a été faite l’analyse initiale. C’est l’image initiale, aussi biaisée soit-elle, qui continue de s’imposer et les clichés faux sur les humanitaires pacifistes résistent encore au dévoilement des faits. Il y a bien une différence de traitement politique et médiatique qui fait d’Israël le Juif des Nations, et c’est à cause de cette différence que le drame de la flottille implique directement la communauté juive et pas seulement l’Etat d’Israël et ses représentants.



Le CRIF, malgré la campagne électorale, a travaillé sans relâche pendant la semaine de crise. Je suis resté en lien étroit avec les pouvoirs publics et les dirigeants des partis politiques. C’est de façon unanime que la décision a été prise par le bureau exécutif de ne pas manifester sur le moment. Tous les membres du bureau ,se sont exprimés en faveur de ces décisions prises à des heures parfois inhabituelles. Cela confirme que ce qui nous unit est bien plus important que ce qui nous sépare et que l’institution fonctionne dans l’urgence quand c’est nécessaire.



Si je suis élu, le CRIF continuera de fonctionner de façon collective. Meyer Habib y restera comme vice-président s’il le désire. Sa place et son rôle seront conformes aux statuts.



C’est aussi tous ensemble que nous avons décidé d’organiser, à l’appel du CRIF et avec le soutien d’autres organisations communautaires, un rassemblement le 22 juin à l’occasion des 4 ans de l’enlèvement de Gilad Shalit. Cette manifestation sera l’occasion de rappeler que le blocus de Gaza on parle tant aurait déjà probablement été levé si des garanties élémentaires, comme des visites régulières de la Croix Rouge, avaient été données à Gilad. Mais comme vous le savez cette demande humanitaire-là ne convenait pas aux objectifs borgnes des militants de la flottille.



Je ne reviendrai pas sur les dérapages qui ont émaillé cette campagne. Je pense qu’ils ont nui à leurs auteurs. Malheureusement ils ont aussi nui à notre institution. Ce n’est plus ici le moment de répondre aux critiques qui m’ont été faites. Je l’ai fait par ailleurs. J’assume parfaitement un bilan qui est aussi celui de l’équipe exécutive qui m’a entouré et par conséquent celui de mon vice-président. Je suis conscient des progrès qui restent à accomplir, mais comme tout médecin qui se respecte et qui apprend des conséquences de ses décisions, je pense que je sais tirer réflexion des expériences passées et les utiliser pour améliorer le futur.



Je voudrais rendre hommage à l’équipe remarquable et nombreuse avec laquelle j’ai travaillé pendant toute cette campagne, membres du CRIF, amis ou professionnels. Je remercie particulièrement Yonathan Arfi, mon directeur de campagne pour sa hauteur de vue, sa pondération et son efficacité.



Je vous ai envoyé il y a quelques jours un document détaillant mes objectifs pour le Crif dans les trois années à venir. Ces projets s’appuient en grande partie sur nos différentes rencontres ainsi que sur les réunions de travail thématiques que nous avons réalisées au cours de la campagne, sur la gouvernance du CRIF et la perception de l’antisémitisme dans la Cité.



De quoi s’agit-il?



Je veux que le CRIF mobilise les talents de nos institutions



Ceux de l’Assemblée générale et du Comité Directeur, mais aussi les CRIF régionaux, ainsi que les CCJ, qui doivent être sollicités de façon plus fréquente. Des mesures seront prises pour mieux les faire participer à la vie du CRIF ainsi qu’à la réflexion et, quand c’est possible, à la décision prise par le Bureau Exécutif. Cela signifie en particulier que tous les courants d’opinion pourront s’exprimer à l’intérieur du CRIF qui doit plus que jamais rester la voix d’expression de la communauté dans sa multiplicité. Le Président du CRIF doit en être le garant. Et au-delà, prendre enfin en compte que les institutions qui nous composent sont peuplées de militants formidables, compétents et prêts à s’impliquer davantage. Certaines institutions, notamment les plus importantes, effectuent des travaux remarquables dans des domaines adjacents ou identiques à nos propres objectifs d’action. Il nous revient de mieux nous coordonner, de mieux faire jouer les synergies au bénéfice de tous et d’exploiter les bonnes volontés. Oui, nous devons progresser, oui les talents, les énergies, les institutions doivent être mobilisés, oui il faut que chacun trouve sa place, car aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de tous. « Il n’est de richesse que d’hommes » écrivait un moraliste politique de la Renaissance, Jean Bodin. Si les hommes dont nous disposons ne sont pas très nombreux, beaucoup d’eux décèlent eux de véritables richesses dont nous devons tous profiter. Mon ambition va bien entendu au delà de notre trop étroite structure face à la largeur de nos enjeux. Je m’engage à développer notre organisation progressivement, tant sur le plan humain que financier



Je veux que le CRIF soit le Quartier Général de la lutte contre l’antisémitisme.



L’antisémitisme en France n’est pas mort. Au cours des 3 années de mon mandat j’ai tenu à m’impliquer auprès des victimes et leurs familles ont apprécié cet appui que je compte évidemment continuer en espérant d’avoir besoin de le faire le moins souvent possible. Je prends aujourd’hui devant vous l’engagement de travailler encore plus dans le futur avec les représentants des communautés où les difficultés sont les plus grandes, nos liens sont déjà étroits, ils doivent se renforcer. Le CRIF encourage et favorisera les travaux de recherche sur l’antisémitisme et notamment celui, terrible, qui s’est développé dans les milieux islamistes et qui s’accompagne d’une stratégie à long terme pour la conquête du pouvoir. Nous travaillons en coopération avec plusieurs centres d’information sur le moyen orient, la Palestine et le monde arabo-musulman. Nous avons commencé à réfléchir en association avec la fondation pour la Mémoire de la Shoah à la constitution d’un organe de réflexion français, un think tank, si vous voulez, de façon à disposer à long terme et aussi en réaction immédiate conjoncturelle, d’un outil de production et d’idées. Cela est très important. Une fois de plus les Juifs ne sont que des vigies avancées d’enjeux qui vont au-delà de leur sort. Il s’agit de lutter pour reprendre une hégémonie culturelle dans un monde qui paraît insouciant de enjeux géopolitiques, qui danse autour du volcan, aveugle aux risques de marginalisation idéologique et d’emprise par des modes de pensée aux antipodes de la démocratie des lumières que nous vénérons sans la défendre.



Je veux que le CRIF soit l’atout maître d’Israël en France



C’est parce que nous sommes différents et autonomes, au cœur de la société française que nous pouvons être entendus et utiles. Israël n’a pas besoin de faux israéliens, mais de vrais juifs français. Nous ne resterons pas silencieux lorsqu’on attaquera ce qu’on appelle l’ « entité sioniste » pour ne pas lui donner le nom d’Israël. Ce rejet de l’existence d’un Etat du peuple juif est au fond un rejet de notre propre existence. Il est au centre de la problématique du conflit israélo-palestinien, avant même les questions de frontières ou d’affectation des réfugiés. Nous savons que, outre la guerre des armes, Israël a dû se confronter à la guerre de l’histoire et à la guerre des images. Il est actuellement la cible d’une guerre juridique particulièrement intense, élaborée et perverse. Le rapport Goldstone, le boycott contre lequel le CRIF d’ailleurs est particulièrement présent, les décisions récentes sur le TNP, la mise au pilori à la suite de l’affaire de la flottille ne sont que des épisodes de cette guerre dont la délégitimation d’Israël est l’objectif essentiel. Sur cette question de la délégitimation d’Israël je vais réunir un groupe de communicants de haut niveau pour les mettre au service d’Israël et de son image. Cela a été acté lors de mes rencontres récentes avec les dirigeants du judaïsme américain.



Je veux que le CRIF travaille avec l’ensemble de la société française



Ne restons pas entre nous comme dans une citadelle assiégée, ne coupons pas les pont-levis vers l’extérieur, nous nous ferions plaisir quelque temps mais notre voix disparaitrait dans l’indifférence. Nous avons dans la société française de nombreux amis. Les passerelles avec la société civile existent. Nous avons la chance, grâce au maillage de nos institutions, grandes et petites, de pouvoir renforcer des liens pérennes. C’est un lourd travail, qu’il nous faut encore développer. Il s’agit de tirer le meilleur parti possible des ressources et des expertises des adhérents de vos associations. Il faut renforcer, par cette coopération, tous les réseaux qui informent la société et influencent l’opinion et les preneurs de décision. Il faut améliorer la communication, la formation et la coordination. Vous avez unanimement apprécié les journées Shomrim, elles sont la préfiguration des Journées annuelles du CRIF, lieu d’échange, de réflexion et de débat avec la société civile que je souhaite organiser au plus tôt.



Mes très chers amis,
Comme je l’ai dit au diner du CRIF, le CRIF c’est d’abord la maison de tous les Juifs de France. Le Consistoire y a bien entendu toute sa place. Avec ses dirigeants, nous travaillons à son retour, et je salue en prémonition nos amis de Nice qui ont signé ces jours-ci la réintégration du Consistoire dans le CRIF régional.



Le CRIF, ce n’est pas seulement une institution, c’est un lieu de rassemblement et d’échange, un lieu d’identité et de combat. C’est un lieu où le débat est libre et chacun doit être respecté.



Le CRIF est aussi, et c’est très important, un instrument de parole. J’ai toujours essayé de l’employer en associant la modération sur la forme et la fermeté sur le fond, et en exprimant la vérité, même lorsque cela m’a coûté en termes de popularité. La vérité des Juifs n’est pas, comme l’a prétendu la semaine dernière un journaliste qui m’interrogeait, opposée à la vérité du peuple français, je parle ici de la vérité tout court, celle qu’il est parfois plus agréable de ne pas voir, comme tous ceux qui n’avaient pas voulu voir ce qu’était Munich.



Je revendique pour la communauté juive de faire entendre sa voix, le droit d’intervenir dans les débats qui nous concernent et parfois nous mettent en cause. Je crois à l’utilité d’une expression forte parce que commune. Je crois à la justesse et non au culte de la réserve. Ne rien dire quand des supermarchés suppriment sous pression des rayons kasher, laisser qualifier Israël d’état pirate, se taire donc n’est pas faire preuve de retenue ou de réserve, c’est laisser le pire aller bon train et face à l’histoire, c’est capituler.



Je vous le dis, avec moi, le CRIF ne sera jamais ni aveugle, ni muet.



Le CRIF n’est ni ashkénaze, ni sépharade, ni de droite, ni de gauche, ni réactionnaire, ni révolutionnaire, ni élitiste, ni populiste.
Je souhaite que le débat y foisonne, que les idées s’y confrontent. Le CRIF est un Forum, notre Forum.



Si je suis élu, je serai toujours le garant de son intégrité, le garant de l’alchimie entre ceux qui sont là et ceux qui arrivent, du lien maintenu entre ceux qui critiquent et ceux qui soutiennent.



Je mesure l’ampleur de la tâche et l’importance de mener ensemble cette mission qui nous incombe à tous. Nous connaissons tous les enjeux. Les années qui viennent seront difficiles. De votre choix dépend ce que sera le CRIF demain et la sérénité avec laquelle il pourra accomplir sa tâche.
Pour un CRIF juif et fier de l’être,
Pour un CRIF français et fier de l’être,
Pour un CRIF au côté d’Israël et fier de l’être.



Je vous demande de m’accorder votre confiance (et de voter pour moi).



Du fond du cœur, merci. »



Photo : © 2010 Alain Azria