Le CRIF en action
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Publié le 13 Octobre 2010

Discours du grand rabbin gilles Bernheim à la commémoration des 30 ans de l’attentat de Copernic

30 ans se sont écoulés depuis le 1er attentat antisémite en France.



30 ans où le monde et la France ont considérablement changé.
30 ans aussi, où les violences et les attentats ont changé de nature et de revendication, et ce partout dans le monde
30 ans où le plan Vigipirate a changé plusieurs fois de couleur et d’intensité.
Mais ce qui n’a pas changé depuis 30 ans, c’est la protection des synagogues et des lieux juifs, qui, elle, reste constante.



Au-delà de nos remerciements aux forces de l’ordre qui, en France, accomplissent admirablement leur mission de protection depuis 30 ans déjà, on peut observer deux choses, en apparence contradictoires:



La première, c’est qu’à travers la protection des synagogues et des lieux juifs, à travers la lutte contre les actes antisémites, ce combat permanent de la France pour la pérennité de notre existence de juifs, dans notre pays, ce combat contribue à la grandeur de la France.



La seconde observation, c’est que lorsqu’on est protégé, habituellement c’est parce que l’on a fait quelque chose de spécial, que ce soit en bien ou en mal.



Alors quelle explication donner aux enfants juifs qui se posent la question: «qu’est-ce qu’on a fait?», face aux policiers à l’entrée des synagogues?



Et quelle explication peuvent bien donner les parents qui ne sont pas juifs, à leurs enfants qui les interrogent sur la présence policière devant les synagogues mais leur absence devant les églises?



Les juifs aspirent à la normalité, et c’est pourquoi ils aspirent – en rêve – à la fin de la présence policière.



Les français juifs n’ont pas commis d’actes particuliers qui justifieraient une protection particulière.



Ils se contentent d’être Français juifs.



Mais malheureusement leur seule existence en tant que juif est intolérable pour certains.
Alors avant de conclure, permettez-moi de poser à haute voix une question que je me pose depuis 30 ans.



Que faut-il entendre dans cette haine et cette horreur qui poussent à la barbarie, hier Hassan Diab, aujourd’hui les nébuleuses terroristes qui gravitent autour de Ben Laden?



Peut-être ceci: on n’occidentalise pas rapidement des peuples d’une tradition toute autre.



Les cris poussés à Téhéran – ou ailleurs – par des foules dont l’hystérie religieuse me remplit d’horreur, ces cris me semblent une déformation monstrueuse – comme seuls en produisent les fanatismes – déformation d’une question essentielle: quel sens donner à la vie?



Questions que ces foules nourrissent de sacrifices humains à défaut de pratiques religieuses accompagnées d’étude, de réflexion, mais aussi de contradictions assumées et donc de dialogue et d’altérité.



Mais il faut aussi rappeler que tous les fanatiques ne sont pas des terroristes et que tous les musulmans ne sont pas des fanatiques.



En ce moment précis où nous nous souvenons, ici même rue Copernic, de cet ignoble attentat, je conclurai par trois souhaits dont je sais que le Président du Consistoire Central, Joël Mergui les partagent étroitement:



Que la nouvelle année juive 5771 qui s’est ouverte à Roch Hachana voie la fin des violences et des crimes qui sont commis en invoquant et en dévoyant le nom de Dieu



Que cette nouvelle année soit placée sous le signe de la paix et de la sécurité pour les Israéliens, pour les Palestiniens et pour tous les peuples du Proche Orient



Et que cette année nouvelle soit aussi l’occasion de marquer notre attachement à la République, à ses règles, à ses valeurs qui sont partagées par notre religion.



Photo : © 2010 Alain Azria