Dans le très impressionnant catalogue de l'exposition, le critique d'art, Philippe Dagen rappelle : "Felix Nussbaum, qui a été assassiné par le nazisme, appartient profondément à l'histoire de la peinture moderne allemande, tout comme Walter Benjamin appartient à celle de la philosophie allemande et Carl Einstein à celle de la littérature germanique." Felix Nussbaum fut un immense artiste dont l'oeuvre présente des connexions avec les peintres de son époque : Picasso, Chirico, Dix, Gross et Beckmann. Parmi les tableaux exposés notre regard s'arrête devant "Triomphe de la mort" (Les squelettes jouent une danse), 1944. La date est importante à retenir; en effet, c'est sa dernière oeuvre. "Avec le pressentiment d'une fin inéluctable, Felix Nussbaum élabore et peint dans l'urgence un ultime tableau, une oeuvre magistrale, aboutissement tragique et horrible, dernier arrangement de tous les éléments dont il a nourri son langage pictural depuis ses débuts" (cf. catalogue). Felix et Felka, son épouse, sont dénoncés et arrêtés le 20 juin 1944. Le 31 juillet ils sont déportés depuis le camp de Malines, dans le dernier convoi partant de Belgique. Le 2 août le train arrive à Auschwitz. Ils seront gazés. Début septembre Bruxelles est libérée. Une fois de plus résonne dans nos têtes le "Chant du Peuple Juif assassiné", du poète yddish Itzhak Katzenelson : "Ô chemins où ruisselait la souffrance, chemins vivants qui menaient à la mort !". L'ouvre tragiquement prophétique de Felix Nussbaum, présentée au MAHJ, s'inscit dans le travail de mémoire auquel des institutions juives, telles la FMS, le Mémorial ou le CRIF (et sa Commission du Souvenir), sont profondément attachées.
Felix Nussbaum (1904-1944) au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme
71 rue du Temple 75003 Paris
du 22 septembre 2010 au 23 janvier 2011.
Photo : D.R.