Née à la fin des années 30 bien après l’arrivée en France de ses parents Samuel (Schmil) et Golda Rozenberg du shteitl natal de Kazimierz-Dolny, dans la région de Lublin, Ida Apeloig a grandi avec son frère Faubourg Saint-Antoine à Paris, parmi les meubles copies d’ancien que son père, ébéniste, réalisait avec art. Le yiddish était la langue maternelle d’Ida Apeloig, celle dont l’accent irrésistible laisse des souvenirs impérissables, comme lors des jours d’hiver de Châteaumeillant où Golda Rozenberg intimait à sa fille de se couvrir : « Yda, il fait froid, mets ton pull-over à col roulant ».
La famille était modeste, mais unie.
Le père d’Ida, Samuel Rozenberg, a adopté la France. Menacée par le danger hitlérien, il s’enrôle dans les rangs du 12ème régiment étranger d’infanterie, comme 40 000 de ses compagnons d’infortune.
Héritière de cet engagement, Ida Apeloig réalise avec ses camarades de l’UEVACJ un travail remarquable que le Président du CRIF a salué chaleureusement. En autres activités, une exposition et un film « Les régiments ficelles » ont été réalisés par cette association membre du CRIF.
Maintenir la mémoire en vie, avant qu’elle ne devienne souvenir est un défi que relève Ida Apeloig avec brio. En 2004, elle a fait apposer une plaque à Châteaumeillant, le village du Cher où ses parents ont trouvé refuge pendant la guerre. Une recherche dans les archives lui a permis d’y découvrir la présence sous l’occupation de 500 réfugiés dont 144 juifs. Trois d’entre eux ont été déportés et assassinés dans un des centres de mise à mort en Pologne.
Richard Prasquier a rendu hommage à la présence du député du Cher Jean-Claude Sandrier, en même temps qu’à la complicité silencieuse et salvatrice des habitants de ce village ainsi que ceux des nombreux villages français qui furent pour les Juifs des abris.
Il a souligné toutefois que la particularité française du nombre comparativement faible de la proportion de déportation ne peut faire oublier les 76 000 juifs français ou étrangers déportés depuis la France.
Le président du CRIF a encouragé les descendants des familles juives réfugiées à Châteaumeillant à déposer des demandes de reconnaissance de Justes de France.
En 1973, lorsque le CES Pailleron du 19ème arrondissement de Paris prend feu et qu’y décède le fils de ses amis, le jeune Eric Bakon, Ida Apeloig entreprend une démarche engagée et citoyenne auprès des tribunaux pour que les établissements scolaires bâti avec les mêmes matériaux extrêmement inflammables et dangereux soient interdits. Deux collèges de Vitry sur Seine doivent fermer leurs portes suite à cette action, pour garantir la sécurité des élèves. Ida Apeloig est une femme habitée par la justice…
En 1977 Ida et Marcel Apeloig s’installent à Choisy le Roi ou ils créent une station technique diffusant du matériel Sony. Son mari gère les aspects technologiques et Ida dont le sens des relations humaines est aigu s’occupe des rapports avec les employés et la clientèle. Leur petite entreprise a crée 25 emplois en faisant appel à l’ANPE. Ces gens venant de tous les pays, à et qui elle a fait confiance, protégés par cette structure d’entreprise plutôt familiale continuent pour certains d’entre eux d’être présents à ses côtés.
En 30 ans de résidence dans cette agglomération de la banlieue parisienne, des liens forts et pérennes se sont tissés avec le Maire Daniel Davisse, présent lors de la cérémonie du 30 mars, dont les deux parents juifs allemands ont été déportés sans retour à Auschwitz-Birkenau.
La ténacité et la pugnacité d’Ida Apeloig ne sont pas légendaires. Elle a réussi, par une initiative personnelle et bénévole à faire indemniser par la « Claims Conference » 80% des 541 requêtes qu’elle a déposées. Ce travail minutieux et difficile se réalise dans son appartement du 2ème arrondissement de Paris où elle reçoit ceux pour qui au-delà du « dédommagement » auquel ils ont droit par l’Allemagne, il s’agit surtout de pouvoir exprimer l’histoire d’une vie précieuse. Le Maire de l’arrondissement figurait au premier rang des invités d’Ida Apeloig.
La médaille sur le cœur, cette légion d’honneur qu’elle a dédié à ses parents, aux siens, Ida Apeloig semble écrasée d’émotion.
La République française n’est jamais plus glorieuse que lorsqu’elle élève ses enfants pauvres.
Stéphanie Dassa
Photo : D.R.