Le CRIF en action
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Publié le 18 Juillet 2011

Intervention de Sylvie Veillith, dimanche 17 juillet 2011

Je suis l’unique petite fille de Dora Riviere à laquelle l’institution Yad Vashem Jérusalem a décerné la distinction suprême de « Juste parmi les Nations » pour avoir aidé à ses risques et périls des juifs pourchassés et en danger de mort pendant l’occupation.



C’est donc en ma qualité d’héritière de cette belle destinée et de l’hommage qui lui est rendu que j’ai l’honneur de m’exprimer aujourd’hui devant vous.
Mon émotion est grande et ma fierté aussi mais demeure une pensée particulière pour le magnifique silence de ma grand-mère qui a toujours considéré que ses actions étaient de l’ordre de l’évidence et qui n’a jamais revendiqué, même auprès de ses proches, la moindre reconnaissance et à même refusé toute distinction honorifique.
Elle n’a jamais donné son nom d’épouse pour éviter toutes représailles contre ses deux enfants Hélène et Jacques Veillith, mon père.
Je m’adresse ainsi à vous avec le double respect que je lui dois pour ses actes et sa lumineuse humilité.
La vie de Dora Riviere a été tournée vers l’autre dès son enfance ; après des études aux hospices de Lyon, elle est devenue l’une des premières femmes médecins du XX ème siècle puis a quitté le sol natal, la région stéphanoise, en 1923 pour une action humanitaire en Pologne alors ravagée par une épidémie de typhus ; revenue à Saint Etienne elle a multiplié les actions sociales en faveur des enfants et des mères déshéritées.
Dès 1941, elle est entrée dans une résistance active sous le nom de code de Monsieur LIGNON et son parcours de résistante s’est cristallisé autour de la protection et du sauvetage des enfants juifs.
Après l’horreur de la rafle du Vel d’hiv, stigmatisée par les paroles bouleversantes des Pasteurs du plateau cévenol, renvoyant chacun à sa conscience, l’engagement de Dora RIVIERE a pris une nouvelle ampleur.
Elle considérait que, tout enfant juif traqué par la police allemande, devait être protégé dans les maisons d’enfant du plateau, caché chez elle ou dans les fermes ; elle a également été au cœur d’une filière d’évasion de familles juives vers la Suisse avec l’aide de Pierre PITON et des transports Riviere.
Dénoncée en raison des actions menées pour sauver des personnes pourchassées, elle fut déportée au camp de femmes de Ravensbruck, en est revenue en très affaiblie en 1945 et a continué dans la Haute-Loire ses actions de protection envers les enfants et les femmes.
En 2008, le jeune Jack Lewin ayant fait souche à New York, dans ces derniers instants, où le passé doit revenir en force dans la mémoire, a écrit un magnifique témoignage et notamment « Je n’oublierai jamais la famille Riviere et je ne pourrai jamais assez les remercier »
Le témoignage de cet enfant juif caché pendant plus de 4 semaines avec son frère dans la maison de Dora Riviere, sauvés par elle alors qu’ils étaient traqués par la police allemande, a révélé son action dévouée et courageuse et m’autorise aujourd’hui à exprimer ma fierté pour toute cette abnégation et ce dévouement au service de l’autre et vous dire l’immense honneur que j’éprouve pour la reconnaissance de ma grand-mère par l’Etat d’Israël.
Je n’oublierai jamais le travail remarquable des nombreux bénévoles qui œuvrent inlassablement à Yad Vashem dans le but de mettre en lumière ses martyrs, ses héros ainsi que les Justes parmi les Nations.
Que leur action perdure afin de mettre en valeur les femmes et les hommes d’honneur de toutes les nations pour qu’ils servent d’exemple aux générations futures
Je sais que cette distinction, décernée seulement à des non juifs qui ont sauvé des juifs de manière totalement désintéressée, est conforme à ces principes bibliques : Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier ;
Je mesure l’importance de ce message et je charge ma descendance Anthony, Louise et Léonie ainsi que tous les enfants de maintenir cette mémoire sacrée pour le respect, la liberté et la dignité de l’homme.
Je vous remercie.
Photo : © 2011 Alain Azria