C'est dans la magnifique salle du Cour Mably prêtée par la mairie de Bordeaux, pour cette occasion remplie jusqu'à son dernier rang que s'est tenue la réunion d'étape du 4ème tour de France de l'Amitié Judéo-Musulmane de France. Après un moment musical mêlant musiques juives et orientales, la partie consacrée aux débats a été ouverte par un échange chaleureux entre les organisateurs de l'étape girondine.
Anne Brézillon, adjointe au maire de Bordeaux, chargée de la vie associative, représentant Alain Juppé , maire de Bordeaux, a salué la participation au vivre ensemble , qui soude les valeurs communes, tout en favorisant l'expression de toutes les sensibilités.
Albert Roche, président du CRIF Sud Ouest Aquitaine a rendu un hommage appuyé à l'action de l'AJMF et à ses co-présidents, Michel Serfaty et Djelloul Seddiki. Il a replacé ces rencontres pleines d'espoir dans le contexte des avancées que représentait à ses yeux le début d'une trêve même fragile entre la bande de Gaza et Israël. Il s'est félicité de la remarquable coopération avec les acteurs locaux juifs et musulmans et a salué la présence de Jean-François Strouf, en charge de l'interculturel, représentant le président du CRIF national, Richard Prasquier.
Jawad Rhaouti, président de l'Association des Musulmans de la Gironde, a rappelé l'histoire commune entre juifs et musulmans avec l'Andalousie et le Maghreb. "Les engagements des différents acteurs de l'AJMF, a-t-il déclaré, sont avant tout un exemple pour nos enfants, pour les générations à venir… puisque juifs et musulmans, sont des citoyens français et qu'ils ont le privilège de vivre ensemble dans un espace laïc."
Michel Serfaty, co-président de l'AJMF a rappelé l'évolution de ce tour de France. "En quatre ans sur le terrain, dans les mairies, sur la place publique –symbolisant l'antique agora comme à Montpellier-, dans les communautés, dans les mosquées, dans les écoles, et quand les écoles ne voulaient pas de nous, devant les écoles… dans les maisons de quartier, nous avons rencontré un million de personnes !" Il a remercié en les faisant applaudir les présidents et délégués des CRIF régionaux qui constituent la cheville ouvrière de l'action de l'AJMF en région. Dans les nouveautés remarquables de ce 4ème tour, il a cité la participation accrue des mairies dont dix ont déjà accepté que la brochure de l'exposition de l'AJMF soit imprimée à 5000 exemplaires personnalisés par ville avec une introduction du maire. Il a rendu hommage à Manuel Valls, député-maire d'Evry qui fut le premier en France à s'engager dans cette initiative. Désormais, chaque passage dans une ville a donné l'occasion, chaque fois que les acteurs locaux s'y impliquaient, de créer une section locale de l'AJMF. Le binôme qu'il a formé cette année depuis le départ du tour d'Ile de France avec l'imam Ahmed Alami (présent dans la salle) détaché par la Mosquée de Paris, est selon Michel Serfaty, la preuve absolue de l'amitié judéo-musulmane. "Quand Ahmed, imam, parle de son ami le rabbin qui se trouve concrètement à ses côtés, à des jeunes musulmans venus à notre rencontre, mais non dénués de préjugés, les préjugés s'envolent."
Comment ne pas citer la présence de Marwan el Bakhour, nouveau président du CRCM de la région Aquitaine, celle du consul du Maroc à Bordeaux, Samir Addhar, représentant un pays de cultures "arabe, musulmane, juive, berbère", faisant siennes toutes ces cultures, partie intégrante de son propre patrimoine ! Comment ne pas être impressionné par ces groupes de discussion entre rabbins et imams bordelais qui se formaient à chaque interruption de la séance.
Mais s'imposait une mention particulière pour la qualité du dialogue et des échanges entre deux débatteurs rompus à cet exercice, Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux et Hervé Rehby, président du centre Yavné de cette même ville. Dans ce très riche débat, il a été question de post-modernité, de quête des origines et des identités, du "think global, act local" (penser globalement et agir localement), cher aux Anglo-saxons et qu'appliquent depuis longtemps les deux intervenants, du concept "de faire place à l'autre, pour que l'autre existe", tel que l'a formulé Armand Abecassis, … Ils ont rappelé avec force, l'un et l'autre, se faisant écho, la nécessité, pour que les enfants ne soient pas ghettoïsés, d'une école comme lieu de brassage et de rencontre, "pour que de jeunes musulmans, comme de jeunes juifs, n'attendent pas l'âge de 18 ans pour découvrir qu'il existe un autre qu'eux-mêmes "(H. Rehby), tout en déplorant que "l'école publique soit devenue dans bien des lieux, celle des laissés pour compte, alors que dans les familles musulmanes un peu aisées et les plus intégrées, on fait le choix de l'école privée catholiques" (T. Oubrou).
La soirée s'est terminée dans une ambiance très festive autour d'un buffet au cours duquel, tard dans la soirée autour de thés à la menthe et de gâteaux orientaux, on a pu voir à quel point le vivre ensemble n'était pas un vain mot.
Photo : © 2008 Richard Zeboulon