« Attaché à la République et à ses valeurs », selon les mots du Directeur général, Haïm Musicant qui présentait la soirée, le CRIF, représentation politique de la communauté juive, est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
Dès 19 heures, les convives, par centaines, se pressaient dans les allées du Bois de Boulogne. Tous les dirigeants des partis politiques, une bonne partie du gouvernement, les ambassadeurs de nombreux pays parmi lesquels, ceux d’Algérie, d’Égypte, de Jordanie, du Maroc, de Mauritanie, du Pakistan, de Tunisie et de Turquie, députés, sénateurs, anciens ministres, vedettes du spectacle, écrivains et journalistes, 800 personnes en tout, devisaient dans une atmosphère chaleureuse.
En attendant ce que le Directeur général nomme le « plat de résistance », à savoir les discours très attendus du président du CRIF et du Premier ministre, un plat qui, c’est une caractéristique de ce dîner de prestige, est servi avant le premier plat, l’apéritif a été l’occasion de rencontres et de conversations à bâtons rompus.
La tragique affaire de l’enlèvement et du meurtre d’Ilan Halimi était sur toutes les lèvres, chacun se demandant si on allait en parler. Et on en a parlé, en effet, longuement. Dès le début de son intervention, Roger Cukierman, qui était présent à l’enterrement du jeune homme, « sauvagement assassiné par une bande de monstres » a mis l’accent sur « le calme et le sang froid d’une population juive émue et inquiète », posait sans ambages la question : « Est-il mort parce que juif ? » Et, à l’adresse du Premier ministre : « Vous devez la vérité à notre pays ». Sur cette question, Dominique de Villepin répondra sans ambiguïté et, après avoir adressé un message de sympathie attristée à la famille, il a causé la surprise en annonçant que « la juge d’instruction avait retenu la circonstance aggravante de crime accompli en raison de l’appartenance de la victime à la religion juive ». Dès lors, l’ « affaire Ilan Halimi » était relancée et prenait un tout autre tour.
Outre la question de l’antisémitisme contre lequel il convient de lutter sans relâche et d’être vigilant malgré l’accalmie constatée en 2005, les points forts du discours du président du CRIF ont porté sur le dialogue inter religieux, sur la « nouvelle page qui semble en train de s’écrire entre la France et Israël, matérialisée par la création d’une Fondation France Israël », sur l’horizon qui s’assombrit au Proche-Orient avec la victoire électorale du Hamas, un « mouvement qui figure sur la liste européenne des organisations terroristes » et sur les propos du président iranien qui « n’ont rien à envier au Mein Kampf de Hitler »
Roger Cukierman a fait part de certains de ses rêves : rêve de voir Israël rejoindre l’Organisation de la Francophonie, rêve de voir l’ambassade de France transférée à Jérusalem car, a-t-il martelé, il faut reconnaître « un fait simple, un fait réel, Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël », une capitale où il serait souhaitable, désormais que le 14 juillet soit célébré d’une manière conjointe alors que jusqu’à aujourd’hui, Israéliens et Arabes y sont conviés séparément.
S’il n’abordera pas la question de Jérusalem, ni celle, d’ailleurs, de la francophonie, Dominique de Villepin s’est montré très ferme et très déterminé sur tous les sujets. « La lutte contre l’antisémitisme est un devoir moral. Elle doit aussi nous aider à construire une société de la République et non des communautarismes ». Sur l’Iran et sur le Hamas, très applaudi, il a été très clair : « Nous ne pouvons pas accepter que le dialogue entre les États soit détourné par des provocations inacceptables qui blessent Israël, le peuple juif et l’honneur de toute la communauté internationale »… »Le Conseil de sécurité et l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique » vont travailler au cours des prochaines semaines avec une exigence de résultat ». Et, pour ce qui est du Hamas : « La France sera toujours aux côtés d’Israël, pour réaffirmer notre refus absolu du terrorisme, du fanatisme, de la violence ».
Très applaudi aussi, le Premier ministre, pour qui « dans un monde plus fragile que jamais, l’amitié franco-israélienne est essentielle » a longuement évoqué ses rencontres avec Ariel Sharon. « Ce soir, nos pensées vont vers lui » a-t-il ajouté, non sans émotion.
La soirée s’est poursuivie avec la remise du Prix du CRIF qui va, cette année, à l’Amitié Judéo-musulmane de France en la personne de ses deux présidents, le rabbin Michel Serfaty et M. Djelloul Seddiki. Le bureau de l’AJMF, une association co-parrainée par le CRIF, avait rejoint pour l’occasion les deux présidents sur le podium. Le 21ème dîner du CRIF a été un très grand moment de l’histoire de notre communauté et, partant, de l’histoire de notre pays.