Ce prix créé en 2000 par le CRIF et l'association humanitaire B’nai Brith est depuis 2003 un prix remis conjointement par le CRIF au nom communauté juive de Grenoble et par le maire de Grenoble au nom de la ville de Grenoble.
Il honore la mémoire de notre ami Louis Blum, ancien président du B’nai Brith Grenoble et du comité de jumelage Grenoble-Rehovot qui de là ou il est aujourd'hui doit apprécier ce que nous avons fait de ce prix et de la place qu'il a pris dans notre ville et notre département.
Ce prix n'est certainement pas destiné à des juifs, il a récompensé en 2003 les justes de l'Isère, en 2004 le père Patrick Desbois et en 2007 le procureur général Vioud (avec notre ami Simone Lagrange).
Il récompense des actions spécifiques en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme et de préservation de la mémoire de la shoah.
Ce prix a toujours été remis à des personnalités d'envergures exceptionnelles et ce soir nous ne faisons pas exception.
Monsieur le ministre,
Comme vous le savez le CRIF regroupe des associations de droite et de gauche, laïcs ou cultuels, il est difficile dans cette diversité que vous imaginez d'obtenir une unanimité.
En l'occurrence, elle s'est imposée naturellement.
Nous connaissons Robert Badinter l'avocat, nous connaissons surtout le ministre de la justice qui a aboli la peine de mort le 9 Octobre 1981.cet acte qui constitue à nos yeux la plus grande avancée en matière des droits de l'homme en France des 50 dernières années.
L'abolition appelons là comme ça est devenu le symbole de ce que vous représentez et permettez moi de voir derrière cet acte de courage en 1981, la conviction de l'avocat sans doute, l'homme de gauche aussi, mais également l'empreinte d'un juif qui prend une mesure qu'il sait impopulaire et incomprise mais qui sait aussi que l'histoire lui donnera raison.
Cela semble évident aujourd'hui mais la partie est bien loin d'être gagné dans les 4 coins du globe et pour ne citer que lui Barak Obama n'en demeure pas moins encore un défenseur de la peine de mort.
Monsieur le ministre,
Si nous avons voulu vous honorer au nom de la communauté juive, ce n'est pas simplement pour l'abolition de la peine de mort, c'est surtout pour votre engagement contre toutes les formes de racisme et d'antisémitisme.
Sur ce sujet vous avez raison de considérer qu'il faut combattre toutes les formes de racisme ordinaire, l'exclusion, la discrimination, le mépris de l'autre, l'injure.
Vous savez également que l'antisémitisme n'est pas une simple forme de racisme. c'est une notion plus spécifique, plus irrationnel, plus perfide.
Vous avez cru sincèrement que la page de l'antisémitisme en France était tournée lorsque comme vous, nous avons été atterré de voir resurgir dans notre pays à partir des années 2000 à côté de l'antisémitisme traditionnel un antisémitisme, d'ultra gauche ou islamiste drapé d'antisionisme
Parce qu'on déni à Israël le droit d'exister, on se croit autoriser à s'en prendre aux juifs y compris en France.
Je garde en mémoire votre chronique dans le journal Le monde paru en en Aout 2001 après l'attentat à Jérusalem de la pizzeria Sbarro et votre récit des trois enfants israéliens de 14,4 et 2 ans tués dans l'attentat avec leur parents, toute cette famille décimée qui par un hasard de l'histoire fut arrimée en Israël par leur grand père un juif hollandais rescapé d'Auschwitz.
C'est vous qui avez élargi la possibilité pour les associations anti racistes de poursuivre les délits racistes et les crimes contre l'humanité
C'est vous également (et on l'a peut être oublié) qui avait permis grâce à la loi du 11 Juillet 1985 de pouvoir filmer des procès à des fins pédagogiques. C’est à vous que nous devons le film du procès Barbie.
Vous avez cette faculté d'indignation, unique et propre aux grands humanistes.
Je voudrais également en profiter pour vider une incompréhension qui a pu naitre entre nous lors de la libération de Maurice Papon en 2001 pour des raisons de santé.
Nous avons été choqué et peiné par cette libération et nous avons réagi en victime ou en fils de victime, en tout cas en partie prenante d'un procès qui voyait son bourreau arrogant et sans remord échappait à sa peine. Dans le visage et sourire en coin de Papon, nous voyons le visage de nos parents et de nos enfants, sans défense, disparus dans les camps.
Vous avez réagi en Robert Badinter. Vous avez su mettre de côté votre peine et votre colère.
Monsieur le ministre,
J'ai eu l'occasion de vous dire dans un autre cadre que vous êtes devenu le symbole des jeunes générations d'avocat, de tous ceux qui rêvent d'un monde meilleur et qui se battent pour le respect de droit des plus faibles
Dans un monde miné par une la crise financière comparable d'après les spécialistes à celle de 1929, crise qui enfanta d'Hitler en 1933 et de la guerre de 1939-1945.Nous ne pouvons pas ne pas être inquiet par une nouvelle résurgence de nationalismes et des risques potentiels pas simplement pour les juifs mais pour toutes les minorités.
Je veux vous dire ce soir au nom de ma communauté, de notre communauté dont je me fais le porte parole, combien nous sommes fiers de vos réalisations et combien nous avons besoin de vous pour nous éclairer.
Allocution de Maître Jean Luc Medina, Président du CRIF Grenoble Isère, à l’occasion de la remise du Prix Louis Blum 2008 à Robert Badinter, Ancien ministre, le 27 Avril 2009
Photo : D.R.