Le CRIF en action
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Publié le 28 Février 2007

Message de Nicolas Sarkozy pour le « meeting contre la menace iranienne » organisé le 13 février 2007 à l’appel du Crif

Monsieur le Président,


Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Mon emploi du temps ne me permet malheureusement pas d’être parmi vous ce soir mais je tenais à participer par la pensée et – grâce à mon ami Pierre LELLOUCHE – par la parole à ce rassemblement si important.
Comme vous tous ici, j’ai été profondément choqué par les propos indignes et inquiétants prononcés par le Président AHMADINEJAD depuis son accession au pouvoir. Je n’ai pas oublié que, s’exprimant à la tribune des Nations-Unies à New-York en septembre 2005, entouré croyait-il d’un « halo de lumière », le Chef de l’Etat iranien avait évoqué « le caractère intolérable de la présence au sein du monde musulman de son ennemi historique », qui devait « être éliminé » - un écho aux nazis qui voulaient « extirper » le Juif, ce « corps étranger », de la société. Pour ceux qui auraient cru alors à un dérapage fortuit, il avait récidivé quelques semaines plus tard en proposant ni plus, ni moins, de « rayer Israël de la carte » et de créer un Etat juif « quelque part en Europe, aux Etats-Unis ou en Alaska » : souvenons-nous, les nazis avaient, eux, un temps évoqué Madagascar, avant de mettre en œuvre la monstrueuse et funeste solution finale.
Mes Chers amis,
Si l’antisémitisme est inacceptable dans toutes ses formes, il est aujourd’hui encore plus inquiétant lorsqu’il est le fait d’un régime qui déploie, par ailleurs, tant d’efforts pour se doter de l’arme nucléaire.
Je crois aux leçons de l’Histoire. Je suis convaincu que le passé, même dans ses pages plus sombres – et peut-être surtout dans ses pages les plus sombres – est porteur d’enseignements et de mises en garde que nous n’avons pas le droit d’ignorer.
S’il est une leçon à retenir du 20e siècle, c’est bien celle de ne jamais sous-estimer celui qui veut « rayer de la carte » tel ou tel peuple, tel ou tel pays. Celui qui fait de l’antisémitisme, sous couvert d’antisionisme, une doctrine d’Etat, allant jusqu’à organiser dans la capitale de la République islamique d’Iran une conférence mondiale sur le négationnisme qui rappelle de bien sinistres conférences de ce genre dans l’Allemagne nazie ou dans la France occupée. J’étais hier à Berlin, lieu symbolique s’il en est, de cette histoire, qui porte encore la mémoire de ces temps d’une violence inouïe. Là j’ai tenu à me recueillir, après mes entretiens avec la Chancelière allemande, sur le mémorial poignant que l’Allemagne fédérale a dédié aux victimes de la Shoah. De même, lorsque j’étais en Israël, je m’étais rendu à Yad Vashem. Chaque fois, j’ai été profondément bouleversé. Ce que j’y ai ressenti, aucun mot ne pourra jamais vraiment le décrire – un mélange de dégoût et d’incompréhension, mais surtout une tristesse immense, infinie ; un choc qui vous heurte au plus profond de votre humanité. Quiconque a ressenti un jour cela ne peut accepter, ou même s’accommoder, des déclarations intolérables du Président AHMADINEJAD.
Avec les propos du Président iranien, c’est à nouveau – et comme trop souvent dans l’Histoire – les Juifs, aujourd’hui à travers l’Etat d’Israël, qui sont l’objet de telles menaces. Je l’ai souvent dit, et je le répète à nouveau devant vous ce soir : la France ne transigera pas avec la sécurité de l’Etat d’Israël.
A ceux qui m’objecteront que M. AHMADINEJAD a été élu, je veux rappeler que HITLER aussi avait été élu ; il n’en est pas moins le plus grand criminel de l’Histoire. Être élu ne donne pas tous les droits ; au contraire, cela donne des responsabilités, à commencer par celle d’agir pour l’intérêt supérieur de son pays et de son peuple. Avec son comportement irresponsable, M. AHMADINEJAD fait tout l’inverse : il isole encore un peu plus son pays sur la scène internationale, et trahit la confiance de son peuple, qui ne se reconnaît pas dans ce discours de haine.
Si l’appel à la haine antisémite, si l’exaltation de la destruction d’un autre Etat, sont des propos d’une extrême nocivité dans la bouche d’un chef d’Etat, ce qui décuple encore leur gravité, c’est qu’ils prennent place dans une région profondément marquée par les guerres à répétition, et qu’ils émanent d’un régime iranien qui déploie tous les efforts en vue de se doter d’une capacité nucléaire militaire, en violation de tous ses engagements internationaux. J’ai conscience que la nucléarisation de l’Iran après son irruption en première ligne du conflit israélo-arabe depuis la guerre du Liban à l’été dernier, par le biais du Hezbollah, constituera l’un des dossiers les plus brûlants et les plus difficiles que le prochain Président de la République trouvera sur sa table le 7 mai prochain.
Sur cette question, je veux être très clair : pour moi, l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire est inacceptable. Elle est lourde de dangers, non seulement pour Israël, mais aussi pour l’ensemble des pays de la région et pour les nations démocratiques à travers le monde, d’autant que l’Iran dispose de missiles capables d’atteindre, aujourd’hui, un grand nombre de pays au Moyen-Orient et demain, en Europe. Sans parler du risque de voir ces armes transmises à l’un ou l’autre des groupes terroristes radicaux avec lesquels l’Iran entretient traditionnellement des liens étroits – ou viendrait à en établir. Si l’Iran venait à acquérir l’arme nucléaire, nous aurions probablement une réaction en chaîne du coté de nombreux autres pays de la région.
Face à ces dangers, la France doit donc mobiliser toutes ses forces pour que la communauté internationale reste unie et ferme, comme elle l’a été en adoptant à l’unanimité la résolution 1737 qui prévoit l’application de sanctions contre l’Iran. Les progrès obtenus ces derniers jours dans le dossier parallèle de la nucléarisation de la Corée du Nord, comme hier avec la Libye, montrent que dès lors que la communauté internationale est solidement unie, elle peut obtenir finalement gain de cause, face à un régime pourtant peu enclin au compromis. L’Iran est un grand pays, dont le peuple sait qu’il a besoin du reste du monde pour son développement. La pression sur Téhéran doit être maintenue et même augmentée si le régime iranien ne change pas de comportement. C’est désormais à l’Iran de choisir entre les sanctions et l’isolement croissant ou la coopération. En contrepartie, la communauté internationale doit garantir aux autorités iraniennes qu’elle tiendra ses engagements, notamment en terme d’accès au nucléaire civil, tel que cela est prévu par le Traité de Non-Prolifération, à la condition, bien entendu que Téhéran respecte ses obligations à l’égard du Traité et les Résolutions du Conseil de sécurité. Je me permets d’insister sur ce point : le seul instrument de droit international dont nous disposions à l’égard du danger de dissémination et de prolifération des armes nucléaires , c’est le Traité de Non-Prolifération de 1968, adossé sur les inspections de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. Ce sont au demeurant les inspecteurs de l’Agence de Vienne qui ont découvert l’existence d’un programme non-déclaré d’enrichissement de l’uranium et qui, de ce fait, ont actionné les pressions internationales depuis 3 ans. Le Traité de Non Prolifération n’est certes pas parfait, mais il instaure une sorte de contrat entre les pays dotés d’armes nucléaires et qui s’engagent à diminuer progressivement leurs stocks d’armes en vue de leur éventuelle élimination, et les pays qui renoncent à se doter de telles armes, en échange cependant de leur droit d’accéder à l’énergie nucléaire civile. Prétendre interdire a priori à tel ou tel Etat l’accès à l’énergie nucléaire civile reviendrait donc, pour la France, à jeter aux orties le seul régime juridique nous disposons contre la prolifération, et qui sert de base légale aux sanctions contre l’Iran.
Dans cette épreuve extrêmement délicate, il me semble que la communauté internationale doit faire preuve d’unité : c’est la première condition, afin que les dirigeants iraniens sachent qu’ils ne pourront pas enfoncer un coin entre les Européens, les Américains, les Russes et les Chinois.
Il faut en second lieu que des garanties d’approvisionnement en combustible civil soient offertes. C’est ce que la Russie a proposé, à juste titre, mais j’aimerais pour ma part que la communauté internationale soit capable de mettre en place très rapidement une banque internationale du combustible sous l’égide de l’ONU, de sorte à rendre inopérante toute justification pour l’enrichissement de l’uranium ou le retraitement du plutonium. Je me réjouis de voir que cette proposition est aujourd’hui soutenue par le Prix Nobel de la Paix et Directeur de l’AIEA, M. Mohammed El BARADEI. J’ajoute que les progrès en matière de désarmement nucléaire ainsi que des garanties de sécurité en faveur des Etats qui renoncent à l’arme atomique, devraient permettre de surmonter ce type de crises. La France a donné l’exemple en la matière depuis 1995, sous l’impulsion du Président CHIRAC. Il serait souhaitable que son exemple soit suivi par les autres grandes puissances et que soit explorée la voie des garanties de sécurité. A ce stade, toutes les options diplomatiques de sortie de crise doivent être poursuivies, en parallèle avec un régime de sanctions - au besoin, croissant. N’oublions pas que 85 % des recettes iraniennes proviennent de la vente de pétrole à l’étranger, tandis que l’Iran importe la majorité de ses produits raffinés, comme l’essence. L’Union européenne représente à elle seule près de la moitié des importations iraniennes. Il y a donc là une vulnérabilité iranienne réelle par rapport aux sanctions, qui doit être exploitée à commencer par les Européens. J’ajoute, enfin, que le revers cinglant subi par les radicaux proches d’AHMADINEJAD lors des récentes élections municipales ainsi qu’à « l’Assemblée des experts », devraient nous inciter à poursuivre dans cette voie.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion, ce soir, de vous dire combien je partageais votre inquiétude et votre émotion face aux déclarations de haine et aux menaces proférées par le Président AHMADINEJAD. Vous connaissez la détermination avec laquelle je n’ai cessé de combattre l’antisémitisme, sous toutes ses formes, en tant que Ministre de l’Intérieur. Si je suis élu Président de la République, soyez assurés que je le combattrai avec autant d’énergie sur la scène internationale.
Très bonne soirée à tous …/…