Ariel Goldmann, vice-président du CRIF : cette journée me concerne évidemment au plus haut point, elle m'intéresse car je suis soucieux de savoir dans quel contexte environnemental évolueront mes enfants dans les décennies à venir.
Yonathan Arfi, conseiller du président du CRIF : comme le film d’Al Gore, il y a deux ans, je crois que les éléments culturels peuvent dans ce cadre être d’excellents vecteurs de communication et de sensibilisation : je suis donc particulièrement interpellé ces jours-ci par le film de Yann Arthus Bertrand, « Home », qui sortira, justement, à l’occasion de cette journée, le 5 juin. Le militant que je suis, sait trop combien il est difficile de mobiliser le grand public sur des sujets de cette nature, qui paraissent toujours lointains. Je suis donc d’autant plus à l’écoute des messages de cette journée de mobilisation pour l’environnement.
Gérard Israël, président de la Commission du CRIF pour les Relations avec l’Eglise Catholique et le monde chrétien : toutes les ressources naturelles sont épuisables. Si nous continuons à ce rythme d’exploitation, un beau jour, dans quelques siècles, plus rien n’existera qui puisse nourrir l’humanité en énergie. Je fais confiance aux Nations Unies, aux gouvernements, aux autorités morales et religieuses pour faire comprendre à tous le risque encouru pour les générations futures à l’égard de la transmission de la vie.
Nicole Yardeni, présidente du CRIF Toulouse Midi-Pyrénées : très concernée car les bouleversements risquent d'être immenses et doivent être anticipés ce qui est toujours difficile. Les décisions politiques étant soumises à des intérêts conflictuels sans événement provoquant un choc la motivation est moindre.
Pierre Saragoussi, membre du groupe Durban2 du CRIF : les journées se suivent et passent bien rapidement. Cette action éducative devrait s’inscrire dans les programmes scolaires dès l’école primaire et être inscrit comme une matière dans les programmes du secondaire et les examens nationaux.
Stéphanie Dassa, attachée de direction au CRIF : cette journée me concerne directement. Etant née au milieu des années 70, j’ai grandi dans des sociétés qui étaient obnubilées par la consommation et qui étaient assez peu préoccupées par l’avenir. Cette période semblait un peu euphorique et en tout cas dénuée de toute problématique sur l’environnement, puisque c’était une question qui n’était pas finalement une question de société, sauf pour quelques militants de la cause écologique, notamment en Bretagne. Trop souvent des cargos ont échoué et ont déversé sur les côtes des tonnes d’hydrocarbures faisant de la question de la pollution du littoral une priorité pour cette région dès 1978, avec le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz qui fut l’une des pires catastrophes écologiques.
Question : Notre environnement biophysique et humain se dégrade entrainant une perturbation plus ou moins importante de l’écosystème. Le réchauffement climatique bouleverse la terre et son écosystème, entraînant l’apparition de maladies dans certaines zones géographiques, des migrations de certaines espèces, voir leur extinction. Etes-vous inquiets ?
Ariel Goldmann : le monde est fait de tant de choses inquiétantes, que celles que vous décrivez ne m'inquiètent pas plus que les autres !!! Je pense que la nature et les hommes ont réussi à traverser toutes les révolutions économiques et industrielles, et que l'Homme affrontera ces défis. Concernant les maladies, c'est vrai que c'est terrible, mais pensons aussi à toutes les maladies que les progrès (et donc l'industrie aussi) ont permis de vaincre. Vous savez, je suis un optimiste par nature.
Yonathan Arfi : comme chacun, je suis préoccupé par la question environnementale. Au-delà des querelles scientifiques, je crois que cela nous renvoie à une question fondamentale pour l’homme : quel héritage collectif transmettrons nous aux générations futures ? Je crois d’ailleurs que cette question, que le monde juif se pose d’ailleurs tout particulièrement, devrait inciter les grandes institutions communautaires à se préoccuper davantage des sujets environnementaux. Je reste néanmoins convaincu que l’homme saura rebondir, se réinventer, innover pour surmonter ces nouveaux défis.
Gérard Israël : chacun sait que la vie est limitée dans le temps. Tous les hommes sont mortels. Etrangement cependant tous espèrent, notamment lorsqu’ils sont croyants, qu’un au-delà existera qui leur conférera l’éternité. Folle espérance ? Peut-être ! Mais par le simple phénomène de la procréation, de génération en génération, l’idée s’impose que l’humanité, c'est-à-dire la condition humaine, est immortelle. Pourtant le danger qui menace aujourd’hui le phénomène vital, dans un environnement qui ne pourrait plus assurer la permanence des conditions physico-chimiques nécessaire au maintien de la vie sur terre, est bien réel…à terme. Que serait un monde sans vie ?...Un monde glacé, sans végétation, sans insecte, sans animaux, sans être humain ? L’humanité connaît d’ores et déjà, le plus grand défi qui ait jamais affecté son histoire. Il s’agit tout simplement d’un droit fondamental de la personne humaine et de l’humanité tout entière : le droit à la vie. C’est vous dire combien je suis attaché au combat du développement durable, à la lutte contre l’effet de serre et opposé au désordre consécutif à une usure débridée de toutes les ressources naturelles.
Nicole Yardeni : les modifications de l'écosystème ont toujours existé, ce qui est important c'est l'équilibre que l'on pourra retrouver et l'adaptation de la recherche et des systèmes d'alerte pour ce qui est des possibles pandémies. Doncune inquiétude relative.
Pierre Saragoussi : notre première responsabilité maintenant est de faire prendre conscience à nos enfants et à nos petits enfants que nous avons failli et qu’ils vont devoir réparer nos erreurs. Si nous ne leur avions pas transmis une Europe en paix, j’aurai honte de ce que j’écris car avec la dette publique qu’ils devront rembourser, les conflits asymétriques auxquels ils devront faire face et une planète en danger, ils auront tellement de défis à relever… Il faut bien admettre que nous avons vécu avec une courte vue.
Stéphanie Dassa : je suis inquiète dans une certaine mesure, parce que lorsque l’on retrace le parcours de l’homme dans son rapport à l’environnement dans sa tentative de maîtriser l’environnement et les climats, on peut peut-être se rendre compte que ce parcours a été jalonné de mutations, tant climatiques, que biologiques, économiques, et sociétales. Néanmoins, la question du réchauffement climatique prend une ampleur dramatique compte tenu de l’importance de la population mondiale.
Question : Nous contribuons tous aux émissions atmosphériques de polluants. Le gouvernement et les collectivités ne sont pas les seuls qui doivent agir afin de réduire les émissions de polluants. Chacun d'entre nous devra consentir quelques efforts afin de protéger notre environnement, notre santé et par conséquent notre futur. Exemple : une fois sur deux les européens prennent leur voiture pour faire moins de 3 km, une fois sur 4 pour faire moins de 1 km et une fois sur huit pour faire moins de 500m. Ces trajets effectués généralement moteur froid sont très pénalisants en termes de pollution, malgré les progrès effectués en matière de dépollution des véhicules. Que seriez-vous prêt à faire, vous personnellement ?
Ariel Goldmann : je le fais déjà : un jour par semaine, et plusieurs jours par an, je ne prends pas la voiture : il s'agit du jour de Chabat et des jours de fêtes juives ! Je serai prêt à ajouter un dimanche par an sans voiture, si cela peut faire avancer les choses !
Yonathan Arfi : je partage avec les plus engagés des écologistes la conviction que nous allons devoir changer drastiquement notre mode de vie au cours des prochaines décennies pour faire face aux enjeux environnementaux. Cela nécessitera d’accompagner le changement et de faire beaucoup de pédagogie. A titre personnel, je serai tout à fait prêt à passer par exemple à une voiture électrique, dès qu’une offre compétitive le permettra. Je suis donc particulièrement le projet « Better Place », testé d’ailleurs en Israël et dont Renault est partenaire industriel, qui permettra j’espère de trouver un nouveau modèle pour généraliser la voiture électrique dans les grandes métropoles mondiales.
Gérard Israël : parisien, il y a longtemps que je ne me sers plus de ma voiture qu’en cas de nécessité absolue. Il est anormal de faire se mouvoir deux tonnes de ferraille pour faire se déplacer un homme et sa famille ne pesant au total et en moyenne que deux ou trois cents kilos !
Nicole Yardeni : personnellement ma famille ne possède pas de voiture car j'ai la chance d'habiter un secteur où les transports en commun sont denses. Je crois qu'il faut par ailleurs favoriser les transports électriques dans un premier temps.
Pierre Saragoussi : tant que les pays occidentaux n’auront pas imposé aux industries automobiles un calendrier précis pour produire de nouvelles gammes de voitures non polluantes… Il ne sert à rien de culpabiliser les citoyens de base. Tant que les collectivités locales ne mailleront pas leur territoire, la voiture restera un outil indispensable. La priorité du citoyen est d’imposer ces choix plus que de modifier à la base nos comportements. N’inversons pas les responsabilités !
Stéphanie Dassa : évidemment et si nécessaire je pourrai éviter les trajets en véhicule. Néanmoins il me semble que la question des polluants n’est pas réglée. A mes yeux nous sommes dépendants des énergies pétrolières. Pour l’heure, aucune autre énergie de substitution n’est proposée. Donc il me semble que le seul effort valable serait celui qui consisterait à changer radicalement notre mode de vie en utilisant d’autres types d’énergie, qui ne sont pas des hydrocarbures. Cette décision là n’est pas citoyenne, mais politique…
Question : En apprenant à économiser et à partager de manière équitable les ressources, en utilisant les technologies qui polluent moins, qui gaspillent moins d’eau et moins d’énergie, et surtout en changeant nos habitudes de consommation et nos comportements, nous privilégions le développement durable. Que pensez-vous du développement durable ?
Ariel Goldmann : je trouve cela intéressant et important. J'apprécie la référence aux valeurs de responsabilité, de participation et de partage. J’apprécie également qu'il soit rappelé que, dans le temps, nous ayons le droit d’utiliser les ressources de la Terre, mais encore le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations à venir. Il faut aussi que dans l’espace, chaque humain puisse avoir les mêmes droits et puise les mêmes ressources, d’une manière équitable.
Yonathan Arfi : pour que la prospérité et le développement soient pérennes, ils doivent être partagés. C’est un discours idéaliste mais auquel je crois sincèrement. Les pays développés ont donc le devoir de s’assurer que l’ensemble du monde puisse bénéficier des progrès médicaux, technologiques ou environnementaux. A nous, pays développés, de trouver un modèle honnête de diffusion de ces progrès, respectueux de tous les équilibres. C’est un impératif au nom de nos valeurs mais aussi dans le souci de préserver un monde stable et prospère
Nicole Yardeni : bien entendu que c'est la bonne direction mais il faut faciliter, favoriser; rendre intéressant tout ce qui va dans ce sens.
Pierre Saragoussi : le développement durable doit être abordé et traité comme une question morale. Nous sentons-nous solidaire de tous les peuples qui, à cause de nos comportements passés et actuels, constatent et constateront que notre égoïsme aggrave leur situation économique présente et future ?
Stéphanie Dassa : nous sommes en Europe et de l’autre côté de l’atlantique sur des latitudes qui nous font bénéficier de climats tempérés et peu hostiles. Or, toute une partie de la planète doit affronter et tenter de résoudre les problèmes liés aux conditions climatiques et géographiques. A cela s’ajoute dans ces pays parfois une pollution extrêmement importante et totalement incontrôlée. L’alliance des deux (climat hostile et forte pollution) ne peut à terme qu’aggraver cette situation. Est-ce à l’occident de diffuser son savoir faire pour prévenir plutôt que guérir ? Je pense que oui.
Propos recueillis par Marc Knobel
Photo : D.R.