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La première grande rafle toucha le 11e arrondissement. On arrêta alors seulement des hommes que l’on conduisit à Drancy. Une autre rafle visant les juifs étrangers vit naître les camps de Pithiviers et Beaune-La-Rolande. Nombre de juifs tentèrent de fuir la zone nord, un certain nombre y réussit.
On ignorait encore quel serait l’aboutissement de ces arrestations, bien que les internés de la caserne des tourelles fussent conduits au Mont Valérien pour y être fusillés.
Le point d’interrogation allait s’agrandir car, le 16 juillet 1942, ce fut la grande rafle, dite du Vélodrome d’Hiver. Elle contenait un élément nouveau : cette fois, on arrêta notamment des femmes et des enfants.
Je fus témoin de cette rafle, je vis les autobus emmenant les familles avec des ballots faits à la hâte. Ce qui frappa particulièrement, ce fut la présence d’enfants dont les yeux vous fixaient à travers les vitres. On avait le sentiment d’être interpellé, qu’une question vous était posée : « Où allons-nous ? Où nous mène-t-on ? » Et plus clairement peut-être, « Qu’avons nous fait pour être punis ? » Parents et enfants ignoraient alors ce que le « châtiment » représentait…
Certes, la radio de Londres et celle de Moscou avaient fait allusion à des expériences au gaz. Mais qui pouvait imaginer que cela préludait à une extermination massive ?
Ce qui m’a frappé – et je leur en suis reconnaissant – c’est d’avoir vu des femmes pleurer au passage des autobus, dont on ignorait alors la destination finale.
C’est à Drancy que s’organisaient les regroupements. C’est de là que partirent les convois vers un destin inimaginable.
Un certain nombre d’enfants – trop peu – purent s’évader du Vélodrome d’Hiver. La chance y joua un rôle, mais aussi – me dit-on – la tolérance de certains gendarmes. Nombre de ceux-là sont venus témoigner, ont écrit des livres-témoignages. Ils avaient sauvé leur vie. Encore fallait-il trouver une cachette, une famille non-juive prête à les accueillir.
Ici intervient un facteur qui honora nombre de Français. Les enfants trouvèrent des maisons d’accueil. Il y en eut qui furent accueillis par des particuliers, par des institutions. Parfois des familles entières furent accueillies.
Plus dramatiques furent les cas où les mères se virent interdire d’aller visiter leurs enfants, vu le danger que cela représentait.
Le Président de la République, François Mitterrand, après une visite à Auschwitz où je l’accompagnais, décida d’instaurer une journée nationale de souvenirs.
Le Président Jacques Chirac et des ministres vinrent condamner l’horreur. Je tiens à saluer leur engagement qui illustre un chapitre honorable de notre histoire. C’est en France qu’on a sauvé le plus de Juifs. C’est ce qu’a voulu exprimer l’artiste Walter Spitzer dans l’œuvre devant laquelle nous nous réunissons chaque année.
J’ai tenté à diverses reprises de répondre à une question difficile : « Comment avez-vous fait pour survivre ? »
Je me permets de reprendre ici une citation du grand écrivain Henri Heine : « Au début, je voulais presque abandonner. Je pensais que je ne supporterais pas. Je l’ai tout de même surmonté. Mais ne me demandez pas comment. »
J’avais prévu de m’en tenir là. Mais avant hier, j’ai appris une triste nouvelle. Notre camarade Tsipora Sutric n’est plus. Grande Résistante, déportée à Auschwitz, elle avait dû s’éloigner de la vie active, il y a un certain temps.
Il me revient de lui rendre ici un ultime hommage car, quand nous décidons d’organiser en ces lieux, une cérémonie dédiée à la mémoire des grands hommes, femmes et enfants, victimes de la grande rafle, elle était à mes côtés.
Avec tristesse, je dédie une ultime pensée à Tsipora Sutric.